Prévu pour 2025, le système ETIAS obligera les binationaux à utiliser leur passeport européen pour entrer dans l’espace Schengen. Lors d’un entretien avec LePetitJournal, Marie Lapierre, Consule générale de France à Montréal, revient sur les implications majeures de cette réforme pour la communauté française du Canada.
« Les Français du Canada, surtout ceux ayant acquis la double nationalité, tendent à privilégier leur passeport canadien et oublient parfois les exigences administratives européennes », Marie Lapierre, Consule générale de France à Montréal
ETIAS, une réforme européenne majeure
Le système ETIAS (European Travel Information and Authorization System), qui entrera en vigueur en 2025, introduira une nouvelle exigence pour les voyageurs se rendant dans l’espace Schengen. Toute personne présentant un passeport non européen, comme un passeport canadien, devra obtenir une autorisation de voyage préalable via le système ETIAS. En revanche, les binationaux possédant également un passeport français devront l’utiliser pour entrer sans avoir à passer par cette formalité supplémentaire.
Cette distinction, bien que simple en apparence, pourrait créer des complications pour les 200.000 Français résidant au Québec. Beaucoup d’entre eux, habitués à voyager avec leur passeport canadien, risquent de se retrouver confrontés à cette nouvelle exigence s’ils n’ont pas renouvelé leur passeport français. Ce changement souligne l'importance pour les binationaux de maintenir leurs documents européens à jour afin d’éviter des démarches administratives inutiles et parfois complexes.
L'Espace Schengen est une zone de libre circulation composée de 27 pays européens. Créé en 1995 par la mise en œuvre de l'Accord de Schengen, il permet aux personnes de se déplacer sans contrôle aux frontières intérieures entre les États membres. L'objectif principal est de faciliter les voyages, renforcer la coopération entre les États membres et soutenir l'intégration économique et sociale au sein de l'Europe.
ETIAS, des impacts directs sur les binationaux
Selon Marie Lapierre, Consule générale de France à Montréal, la mise en œuvre du système ETIAS met en lumière une réalité méconnue par une partie des binationaux : l’importance de maintenir à jour leurs documents français. Nombre d’entre eux, détenteurs d’un passeport canadien, estiment pouvoir voyager en Europe sans contrainte administrative particulière. Cependant, la réforme impose désormais l’utilisation d’un passeport de l’espace Schengen pour entrer dans cette zone sans autorisation supplémentaire, ce qui peut poser problème à ceux qui n’ont pas renouvelé leur passeport français depuis des années.
« De nombreux binationaux ignorent qu'après plusieurs années sans contact avec l'administration française, il peut s'avérer difficile de prouver sa nationalité française », souligne Mme Lapierre. Par exemple une famille qui possède une autre nationalité et qui n'a eu aucun lien avec la France pendant 50 ans peut être concernée par la perte de la nationalité française par désuétude (art. 30-3 du code civil).
Cette situation concerne particulièrement les expatriés qui ont adopté une autre nationalité et ne se sont plus inscrits au registre des Français de l’étranger, un outil pourtant essentiel pour faciliter ces démarches.
La Consule générale insiste sur le fait que cette méconnaissance pourrait générer un afflux massif de demandes au consulat. Chaque demande de renouvellement nécessitant des vérifications d’identité et parfois la présentation d’un certificat de nationalité française, les délais de traitement risquent de s’allonger considérablement, ajoutant à la complexité administrative pour les usagers concernés.
Le site officiel ETIAS est https://travel-europe.europa.eu/etias. Les informations sur l'autorisation de voyage ETIAS sont disponibles sur le site officiel ETIAS. L'Union européenne ne délivre pas d'autorisations ni de licences à des intermédiaires commerciaux.
Un enjeu pour la communauté française...
Cette situation met en lumière un défi plus large : comment mieux accompagner les Français expatriés dans leurs démarches administratives, souvent complexes et méconnues ? Avec un consulat traitant déjà des milliers de demandes par semaine, les capacités logistiques risquent d’être mises à rude épreuve. Au Canada, une expérimentation récente permet le renouvellement de passeports sans déplacement, mais ce service reste à la merci des possibles interruptions de service de Postes Canada.
...et à surveiller de près
L’entrée en vigueur d’ETIAS promet de redéfinir les conditions d’accès à l’Europe, mais elle suscite encore de nombreuses interrogations. Les administrations européennes et consulaires seront-elles prêtes à gérer le flux massif de demandes attendu ? Les binationaux disposeront-ils d’une information claire et suffisante pour anticiper ces nouvelles exigences ? Par ailleurs, cette réforme pourrait-elle devenir un levier pour renforcer la coordination entre les institutions européennes et leurs diasporas ?
Ces changements posent également la question de la prise en charge des spécificités liées à la double nationalité. Les Français du Canada, tout comme d’autres communautés à l’étranger, parviendront-ils à s’adapter à ces évolutions administratives complexes ? Enfin, quels outils ou démarches pourraient rendre cette transition plus fluide ? Le système ETIAS, s’il est bien mis en œuvre, pourrait ouvrir la voie à une relation plus structurée entre les expatriés et les autorités européennes.
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