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MON ŒIL SUR MANILLE – Lune de miel à Manille

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Écrit par Solenn LESAGE
Publié le 29 octobre 2017, mis à jour le 29 octobre 2017

Poursuite du journal dune expatriée à Manille avec cette lune de miel, inattendue et revigorante ! « Cest votre première journée dans la mégapole»

Petit matin sur Manille

Ça y est, vous avez passé votre première nuit dans votre condominium, au 33èmeétage. Vous naviez jamais dormi aussi près des étoilesLesprit légèrement embrumé par six heures de décalage horaire, vous ne savez plus très bien si cest un hélicoptère ou un marteau-piqueur qui vous a réveillée.

Au petit matin, depuis votre balcon, vous découvrez la ville miniature à vos pieds et toutes les fourmis qui la font tenir debout. Manille vous offre un visage froissé par de nombreuses insomnies. Un grand lacet marron glacé se faufile dans la plaine urbaine, une mosaïque de toits forme un puzzle géant, de grandes tours semblent se soutenir les unes les autres. Des sentiments confus vous traversent.

Manille

Cest vrai quelle n'est pas tout à fait comme vous l'aviez imaginée. Mais vous vous dites que ce qui compte après tout, c'est sans doute sa beauté intérieure. Et cette beauté, vous comptez bien aller la capturer à la volée, dans l'étrangeté d'un instant, dans le cœur dun palmier, dans un ciel rose offert par le soleil avant sa cure de sommeil, dans l'œil d'un cyclone, ou un autre havre de paix, dans l'échange dun sourire

Equation à deux inconnus : un regard, un sourire

Un regard croisé est généralement un sourire gagné.

Manille séveille, vous décidez de vous lancer dans une balade urbaine, parce quune ville ne sapprivoise jamais mieux quà pied. L'atmosphère semble légère... Cest lavantage des particules fines, on ne les sent pas ! Un gardien de parking vous salue de façon enjouée et un chauffeur de tricycle vous souhaite la bienvenue aux Philippines ! Le caissier du 7-eleven vous demande si vous parlez quelques mots de tagalog, vous lui répondez « konti lang » et vous avez l'impression de le rendre heureux pour la journée. Des passants vous disent « hello ma'am », de temps en temps, comme ça, pour le plaisir de saluer une étrangère, et ça vous donne un grand sentiment de liberté. Ici vous n'avez pas à baisser les yeux.

Vous prenez le taxi et le chauffeur s'enquiert de savoir si vous êtes mariée, si votre mari est philippin, si vous avez des enfants, pourquoi vous êtes ici, comment vous supportez Manille, veut savoir les lieux que vous avez visités, préférés, si vous avez déjà mangé du balut, ponctue ses questions de « heavy traffic Maam », « its stuck here ».Vous jetez un coup dœil par la vitre aux congénères responsables de ce tohu-bohu (et du fait davoir à déballer votre biographie complète à ce souriant inconnu) : pêle-mêle sentremêlent jeepneys, tricycles, bus, berlines coréennes, bolides japonaisVous pensez à la personne à laquelle vous aviez donné rendez-vous à une heure précise dans un lieu précis et vous intégrez les premières notions du « Filipino time ». Vous pensez que lexpression « Bahala na » (advienne que pourra) que vous avez lue dans le Lonely Planet est de circonstance et risque bien de lêtre au quotidien

Manille

En rentrant chez vous, le gardien de votre condo découvre largement ses dents sur votre passage et fait danser ses sourcils de haut en bas. Puis il reprend sa chansonnette, l'arme en bandoulière. La voisine croisée dans l'ascenseur est curieuse de savoir d' vous venez. Vous lui dites que vous venez de France et elle vous cite du tac au tac un personnage historique très célèbre, le fameux Louis Vuitton.

On a tous quelque chose en nous de Jose Rizal

Ce soir, au bar, vos voisins de table rient à s'en décoller la luette et s'égosillent à en faire choir les petits lézards nichés aux coins des murs. Le serveur fait « hai ! » quand il s'emmêle les pinceaux dans votre commande et, sil ne peut répondre positivement à votre demande, se fond en excuses avec un « reallyyy sorryyy maam » accompagné d'une expression faciale qui fait reparaitre l'enfant en lui jamais parti.

Au fur et à mesure que le volume sonore augmente, « Tapooos » (donc, en tagaloc) met les points sur les « i », puis un « happy birthday to youuuu » frénétique et enjoué fait vibrer les glottes et génère une effervescence rare. Mais quand un micro se présente à l'un des convives, tout devient soudainement très sérieux. On se sent alors accéder, au fil des notes écornées, au quelque chose de Jose Rizal que chaque Philippin a en lui.

Note de lauteur : Jose Rizal (1861-1896), martyr de la première heure de la lutte pour lindépendance des Philippines, est un des héros nationaux les plus populaires de larchipel. Il était également artiste et poète et les considère aujourdhui que certains de ces romans ont joué un rôle dans lunification de son pays contre loppression coloniale. Ne peut-on retrouver dans cette passion pour le chant que semble partager lensemble du peuple philippin, un écho de ce souffle lyrique ?

Et puis on rit

Dehors, sur les trottoirs de la ville, on attend patiemment en rang deux par deux son bus, son train, son jeepney. On fait bruyamment claquer ses sandales sur l'asphalte fumeuse, on soulève son t-shirt pour laisser respirer un bidon tout rond, on éructe sans avoir à craindre la désapprobation de son voisin, on gobe sa brochette dintestins, et puis on rit. On rit si on a honte, on rit si on a mal, on rit si on a peur, on rit parce que c'est plus léger pour soi et l'autre.

Vous rentrez chez vous, -haut pour regagner vos étoiles, tapies derrière le voile lacté de gaz en tous genres, et vous vous dites quavec des habitants pareils, Manille finalement ne manque pas de couleurs. Vous entamez votre lune de miel

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