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MON ŒIL SUR MANILLE – Le dimanche à Manille

RizalRizal
Écrit par Solenn LESAGE
Publié le 3 décembre 2017, mis à jour le 3 décembre 2017

Le dimanche à Manille, ce n’est pas comme à Bamako, ce n’est pas jour de mariage. Ce n’est pas non plus comme à Paris, jour de ciné, où l’on va voir le dernier Téchiné. Le dimanche à Manille, c’est avant tout le jour du Seigneur. Le matin, on prie, et l’après-midi, on comble. On essaie de compenser ce quelque chose que Manille n’offre pas. Une nourriture spirituelle, une gourmandise culturelle, une respiration, une page verte…

 

Premier bilan

 

Vous faites votre bilan des virées dominicales : vous avez déjà fait le tour d’Intramuros (l’unique quartier historique de la ville) au moins quatre fois avec vos parents, votre sœur, vos amis de France en visite et vos nouveaux amis un jour de pluie. Vous êtes déjà allée dans le fameux quartier chinois et avez fini par vous replier dans le non moins fameux cimetière chinois. On ne vous y reprendra plus. Vous avez testé tous les spas environnants et, après moult massages des racines de cheveux aux plantes des pieds, vous avez vos nœuds parfaitement dénoués.

 

birds
Vous avez fait tous les musées, oui tous ! Du musée d’anthropologie au musée Pinto (le meilleur de tous et de loin - de loin, car à 20 km de Makati) en passant même par le musée à selfies, Art in Island, de Quezon City (grâce auquel vous avez pu faire croire à vos amis de France que vous surfiez en jupe à Manille). Vous avez bien pris grand soin de ne pas tous les faire d’affilée, afin de ne pas épuiser tout le capital culturel de votre temps d’expatriation. Reste sans doute encore quelques galeries, de ces lieux secrets qu’il faut du temps pour dénicher…

 

Le dimanche à Manille, vous avez vu des films au cinéma que vous n’assumerez jamais d’être allés voir (en réalité, vous avez fait tous les films de super héros pour étancher votre soif audiovisuelle, les bons et les moins bons). Vous avez écumé tous les centres commerciaux de la métropole en vous convainquant du fait que c’était l’activité socio-culturelle la plus populaire de la capitale. Vous avez passé trop de dimanches à rêver des plages de sable blanc qui sont à portée d’ailes, trop de dimanches à vous rêver à Kyoto pour une sieste sous un arbre ou à La Rochelle pour un café sur le Vieux-Port.

 

Aujourd’hui, dimanche…

 

Aujourd’hui dimanche, vous regardez la ville depuis votre hublot d’immeuble et vous vous demandez ce que vous pourrez bien faire d’elle… Elle vous semble immobile, figée, quasi-angélique. L’envie vous prend de la croquer à pleines jambes. Ni une ni deux, vous mettez le cap vers un des derniers bastions que vous n’avez encore conquis : le parc Rizal…

 

Une heure et demie plus tard (pour 3 km), vous y voilà. Une étendue de gazon vert-marron se déroule devant vous, un rectangle d’eau offre son reflet aux pigeons les plus narcissiques. On a étendu sa serviette pour toute la famille, les frères et les sœurs sont au rendez-vous. On se raconte les dernières misères de la voisine, les amourettes secrètes du beau-frère, les dépenses onéreuses de Noël, les projets de vacances en province, en attendant le spectacle des lumières de 18h.

 

rizal parc

 

Près du jardin japonais, on souffre un peu de la chaleur et on fait passer le temps en jouant aux échecs ou au majong. Si on a moins de vingt ans, on s’entraine à danser sur le dernier tube d’un groupe de pop coréenne. On semble saisir le moindre prétexte pour être ensemble. Pour rendre le dimanche plus léger que les autres jours. On a emmené son coq pour lui dégourdir les pattes, on a apporté des biscuits pour donner aux petits.

 

Près du jardin chinois, on apprécie le groupe qui fait rugir ses notes métalliques dans l’air tiède du crépuscule et couvre les mélodies de Noël braillant dans les haut-parleurs plantés dans chaque allée du parc. Questions de goûts. On fait la sieste avachi sur son sac à dos, on médite les bonnes idées de Confucius ou on se réjouit de sentir un brin d’herbe sous ses pieds nus.

 

Jose Rizal

 

Là-bas, au bout du parc, on le trouve plus petit qu’on l’imaginait, on le prend sous toutes les coutures, on se tait un instant, on récite en silence ses vers « Adios, patria adorada, region del sol querida, … »… Jose Rizal !

 

En levant les yeux vers le drapeau bleu, blanc, rouge, qui flotte gracieusement entre les particules fines du ciel rose, on est tellement fier d’être philippin. Et vous, vous êtes tellement fière d’être témoin de cette communion entre l’histoire et le présent, de sentir le pouls du pays dans le poumon de la ville. Vous vous dites que finalement, vous avez passé bien trop de dimanches à rêver d’ailleurs, alors que ce que vous cherchez est aussi ICI.

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