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Savoir dire au-revoir à l’Indonésie

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Écrit par Lepetitjournal Jakarta
Publié le 30 juin 2020

Juin pour beaucoup de familles expatriées est le mois des départs. Il faut préparer le retour en France ou vers une nouvelle destination, trouver une école, préparer le déménagement, acheter les derniers souvenirs… Et étape importante de ce processus de l’expatriation, savoir fermer le chapitre en disant au revoir à ses amis et à son pays d’accueil. Coronavirus oblige, cette étape est difficile à réaliser. Nous avons demandé aux partants comment ils voient les choses et à notre psychologue Anne Lienart quelques solutions pour aider à fermer la page de ces années en Indonésie.

 

Témoignages

Depuis fin mars plusieurs familles ont fait le choix soit personnel soit imposé par les entreprises de rentrer en France pendant la période de confinement. Certains ne reviendront pas à Jakarta, il a fallu en quelques heures prendre la décision de rentrer avec les vols de rapatriement organisés par l’Ambassade comme Mathilde très impliquée dans la vie de la communauté à Jakarta depuis 4 ans :

Neuf mois c’est ce qu’il me restait pour profiter pleinement de l’Indonésie avant notre départ. Nous avons eu quelques heures pour nous  préparer, la concentration de ne penser qu’à l’essentiel soulage de la chape émotionnelle. On dit au revoir à notre personnel de maison qui s’en faille a toujours été à nos cotés, on s’assure de leur sécurité pour les mois à venir. En direction de l’aéroport, nos yeux s’attachent à chaque détails exotiques et on pense à toutes ces rencontres et ces choses qui ont fait de nous une nouvelle personne. 

 

Pour Katrin l’aventure indonésienne tourne court en février car la famille apprend leur retour en France avant la fin de leur contrat. Mi-mars décision de l’entreprise, ils doivent déménager en France :

Quels moments difficiles… et plein d’émotions ! Quitter Jakarta en 10 jours avec seulement huit valises et laisser la maison pleine derrière nous. Sans point de chute en France, nous atterrissions dans la famille en Allemagne. Le plus dur pour nous est d’avoir quitté notre vie sans avoir pouvoir dire au revoir à nos amis et au pays. En Europe je me sens soulagée sur le plan sanitaire mais d’un autre coté la tristesse est profonde. Avec trois enfants qui suivent les cours en ligne du lycée de Jakarta, le décalage horaire à gérer, les communications whatsapp avec les amis, on est très occupé…Comment commencer une nouvelle vie sans avoir correctement tourné la page ? J’espère pouvoir revenir et vivre des épisodes que cette pandémie nous a pris !

 

Sophie après 7 années en Indonésie a quitté définitivement le pays fin mai :

Bien sûr le contexte particulier de cette année Covid laisse notre départ qui était prévu,  un goût d’inachevé. Pas de dernier week-end à Bali et autres brunchs d’adieu dans restaurants préférés, impossible d’aller embrasser les copains une dernière fois… Mais paradoxalement, je trouve que cette phase de confinement m’a permis de me détacher en douceur de mon quotidien et a rendu le départ plus facile. Le temps de verser une larme lors du décollage et en fait la page se tourne. Me voilà prête pour de nouvelles aventures !!!

 

 

Le point de vue de Anne Lienart, psychologue

Laisser un pays derrière soi après plusieurs années passées à découvrir et tisser des liens dans ce pays n’est jamais chose facile. Cela demande de tourner la page, et en effet, il faut plusieurs semaines ou mois pour le faire « normalement » et nous passons par plusieurs étapes proches de celles du deuil pour faire ce chemin et se réinstaller dans une nouvelle vie. Ce n’est pas une rupture, mais une continuité qui s’opère dans le temps.

La période Covid n’a pas permis cette maturation psychique et les départs se sont faits dans le stress et la précipitation, ce qui laisse souvent un goût d’amertume, d’inachevé et de frustration une fois arrivé dans le nouveau pays.

Cette période Covid a apporté de l’anxiété, et selon les personnalités et l’importance de la crise traversée, du traumatisme possible à petite ou grande échelle, ce qui est normal et dépassable.

Afin de pourvoir dire au revoir au pays symboliquement et reprendre pied dans sa vie, il est important de démêler les différents aspects en présence et de s’attacher à régler ou apaiser ce qui est en souffrance ; mais aussi à reconnaître et renforcer les ressources et points positifs de la situation.

En effet, on peut commencer par se poser des questions sous forme appréciative pour faire le bilan du moment :

- « quel est le meilleur souvenir en moi de l’Indonésie (aussi bien en terme de personnes que de lieu ou d’événement) ? »

- « qu’est ce que j’emporte avec moi et qui dorénavant me constitue ? »

- « qu’est que je suis heureux-se de laisser sur place et ne pas emporter ? »

- « qu’est-ce que cette période m’a appris ? »

- « de quoi j’ai envie ? »

- « quels sont les émotions en présence ? »

 

A travers les témoignages de Mathilde, Katrin et Sophie, on s’aperçoit que chacune a vécu la situation de façon particulière et singulière, et c’est important de rester centré sur son vécu personnel.

Avec cet état des lieux, on va pouvoir individuellement déterminer la position actuelle et régler ce qui reste en souffrance ou en pause pour pouvoir avancer de nouveau.

Ceci peut se faire seul en introspection ou en visualisation, ou être partagé avec un-e ami-e de confiance, ou encore avec un professionnel si besoin.

L’important est de dire Au-revoir au pays, aux amis, aux personnes qui ont fait partie de notre quotidien et tout ce qui nous paraît important à ce moment là, de façon rituel ou symbolique.

Et de mettre la lumière sur ce qui est en nous en rapport avec cette expatriation et qui ne demande qu’à être activée comme nouvelle ressource dans votre nouvelle aventure.

De même avec le pays d’accueil du moment, on peut faire le point sur ce qui nous fait plaisir de trouver ou retrouver, et ce qu’on a envie de découvrir ou mettre sur pied pour notre épanouissement personnel.

Les émotions sont importantes à nommer et à exprimer également…. Les reconnaître et leur laisser la place afin de les laisser évoluer vers de l’apaisement.

 

Le petit mot de départ d’Anne qui nous quitte cet été :

Je vous souhaite à toutes et tous une belle continuation et je partage avec vous cette expérience de départ de l’Indonésie. Personnellement, je garderai ancrée profondément en moi ces sourires et cette gentillesse que je n’ai connu nulle part ailleurs, et cette bienveillance naturelle. Pour moi qui pratique la méditation, j’ai été heureuse de pratiquer au quotidien via la culture et la vie indonésienne, « l’ici et maintenant » ou « l’instant présent »….. pas toujours facile à comprendre et  à supporter par nous autres européens…. Ça demande un certain lâcher-prise au commencement !

Il me restera également des paysages fabuleux et des rencontres que j’emporte dans mon cœur.

Je ne dirai pas au-revoir à tout le monde physiquement, mais la pensée y est et je vis la situation comme je peux, avec mes moyens du bord…. Et l’Indonésie restera fortement présente dans mon étape à venir.

Selamat Jalan !

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