Parlez-vous LE LANGAGE ? En Indonésien bahasa signifie en effet ‘langage’, même si la langue indonésienne (bahasa Indonesia) est souvent désignée comme ‘le bahasa’ par les étrangers.
En posant le pied en Indonésie, deux options s’offrent à vous : soit apprendre formellement la langue locale, soit vous contenter des quelques termes que vous glanerez à gauche (kiri) ou à droite (kanan). Si vous habitez Jakarta, l’un des tout premiers mots d’Indonésien sur lequel vous aurez le temps de philosopher dans les bouchons sera, sans aucun doute, ‘macet’.
Si vous êtes aussi gourmands que Fransoa, vous deviendrez ensuite experts de rues ès décodage de devantures de chariots de nourriture. Une faculté linguistique également déclinable aux menus des restaurants traditionnels. Nasi goreng, ikan bakar et bakso ayam se transformeront ainsi sous vos yeux aguerris en riz frit, poisson grillé et boulettes de poulet.
Certes, du javanais au balinais, en passant par le soundanais ou le batak, une multitude de dialectes cohabite toujours en parallèle du bahasa officiel de l’archipel. Mais depuis l’indépendance, la langue indonésienne - qui a notamment été répandue via les écoles sous la direction de Soekarno - a constitué un ferment essentiel de l’unité nationale d’un pays à la géographie éclatée, qui regroupe des populations aux modes de vie extrêmement divers.
Ayo ! Cap sur Jogja
Si vous vous décidez à enjamber la barrière linguistique pour apprendre LE LANGAGE, l’un des lieux les plus emblématiques pour vous frotter aux différentes facettes de la langue indonésienne, c’est Yogyakarta. À une grosse heure d’avion de la capitale, cette ville étudiante du centre de Java est régulièrement présentée comme la capitale culturelle de l’archipel. Comme Wisma Bahasa ou Puri Bahasa, Alam Bahasa est l’une des écoles privées de Jogja à prodiguer des cours intensifs à l’intention des étrangers.
Les élèves réunis ici n’ont peut-être pas de 7 à 77 ans, mais le spectre est large. Jacob le Néerlandais, a ainsi décidé de s’installer dans la ville javanaise de Solo pour profiter de sa retraite. Également originaires des Pays-Bas, un couple de diplomates quadragénaires, en poste à l’ambassade de Jakarta depuis quelques mois, se familiarise avec l’idiome local. De son côté, Paige Madison, l’Américaine d’une trentaine d’années, vient étudier les traces laissées par l’homme de Flores – et souhaite pouvoir communiquer au mieux avec ses collègues.
Serafina Haefeli, elle, vient de Suisse. D’ici quelques jours, cette jeune femme de 26 ans travaillera à Honk-Kong pour une ONG qui conseille juridiquement les aides ménagères, ces ‘maids’ souvent venues d’Indonésie. Ce qu’elle trouve le plus difficile ? « Levocabulaire », confie celle qui ne parlait pas un traitre mot du LANGAGE, avant de débarquer à Jogja pour 80 heures de cours étalés sur un mois.
Une langue ‘facile’
« Avant d’arriver ici, tout le monde m’a dit que c’était une langue assez facile à apprendre, avec laquelle on pouvait rapidement se faire comprendre. Alors c’est vrai que ce n’est pas la langue la plus compliquée du monde. Mais il y a tout de même des aspects piégeux », témoigne celle qui parle par ailleurs couramment l’allemand, l’anglais, le français et qui dispose de notions poussées en Japonais.
Au final, la jeune Suisse se réjouit de certaines ressemblances entre sa langue maternelle et LE LANGAGE. ‘Tante’ peut par exemple se dire aussi ‘Tante’ en bahasa, avec la même prononciation germanique. ‘Koper’ l’Allemand et ‘Koffer’ l’Indonésien se ressemblent eux aussi comme deux valises sur un tapis d’aéroport, etc... Les francophones, eux, seront reconnaissants des quelques ‘kado’ que peut leur offrir le bahasa et ses quelques mots transparents et ‘spesial’, qui permettent par exemple une meilleure interaksi entre lesgenerasi pour discuter ekonomi, sosial, ou encore telekomunikasi, avec, pourquoi pas, le presiden.
Jouer à la poupée
Surnommée Mbak Gun, Yosefin Dwi Retguntari, 49 ans, enseigne LE LANGAGE depuis bientôt 25 ans. Si son apprentissage est considéré comme plus aisé que d’autres langues, c’est notamment parce qu’« il n’y a pas de temps et [que]les verbes ne se déclinent pas ». Et, pour ne rien complexifier, « les mots s’écrivent comme ils se prononcent ». Bien évidemment, cela ne signifie pas qu’il n’existe aucune difficulté pour ceux qui souhaitent frotter leur langue au LANGAGE. Au premier rang de celles-ci, se trouvent notamment les affixes (préfixes et suffixes). « Le processus de formation des mots en affecte le sens », résume Mbak Gun.
Parler le bahasa, c’est ainsi un peu comme jouer à la poupée. Une poupée que l’on habillerait avec différents vêtements – ces fameux affixes, lui donnant ainsi une allure, une apparence… et un sens différents. Le mot se retrouve ainsi habillé, déshabillé, rhabillé… au gré de ses changements de signification. « Le terme ‘Beli’ peut par exemple être transformé en membeli, membelikan, dibeli, pembalian, pembali… » indique l’enseignante.
À la question de savoir si certaines anecdotes lui reviennent en mémoire, Mbak Gun se remémore cette élève, qui, venait d’éviter de justesse l’accident de vélo avec un becak. « Mahal, mahal ! » (C’est cher, c’est cher !) s’écrie-t-elle alors pour s’excuser envers le conducteur de cyclo-pousse, au lieu du « Maaf, maaf ! » (pardon, pardon !) de rigueur.
Ouvrez l’œil du jour… et le bon
L’enseignante sourit encore par ailleurs en repensant à ce diplomate, qui a cherché de longues minutes à se rappeler comment traduire le mot ‘soleil’. Après s’être très profondément concentré comme s’il méditait… eurêka, le voilà qui lance comme si la lumière lui émanait des tripes : ‘Hari mata !’ (Le jour de l’œil). Dommage… c’était plutôt ‘Matahari’ (L’œil du jour, c’est-à-dire le soleil) qui était la réponse attendue…
Dernier conseil pour la route de la part de Mbak Gun si vous souhaitez apprendre le bahasa : « soyez ouverts et prenez la langue comme elle vient, sans trop chercher à faire de comparaisons », car c’est en cherchant à systématiquement traduire que, selon elle, les élèves se complexifient l’apprentissage du LANGAGE. Vous voilà parés, selamat belajar teman-teman ! (Bon apprentissage les amis !)