Avez-vous déjà laissé trainer vos oreilles dans les lieux publics ? Vous serez surpris par la diversité des sujets, tous plus intéressants les uns que les autres - de l'influence de la météo sur les gens aux scandales politiques. Retirez simplement vos écouteurs !
Aujourd'hui vendredi 21 janvier, c'est la fête des grands-mères et dimanche 23 janvier : la Journée mondiale des Solitudes. L'occasion de nous intéresser cette fois-ci, aux conversations et préoccupations des séniors en Pologne.
Bienvenue dans notre série "Les oreilles qui trainent", épisode 3. Pendant plusieurs semaines, dans le cadre d’un cours d’écritures journalistiques, les étudiants de Master 2 en Philologie Romane, de l'Université de Gdansk, ont écouté les conversations d’inconnus afin de prendre le pouls de la Pologne. "Les oreilles qui trainent", c'est le résultat de ces enquêtes, comme autant de tranches de vie.
Il n’y a pas d’âge pour se faire de nouveaux amis
Dans un parc, deux hommes inconnus, des séniors, se racontent en détail leur état de santé et discutent de leur famille. Leur conversation est ouverte et polie. Ils n’ont pas l’air de se connaître. Tous les deux semblent curieux d’en savoir plus sur son interlocuteur. Je sens vraiment de l’enthousiasme au moment où ils se séparent. « Je vous souhaite une bonne santé ! » déclarent-t-ils en partant. Je suis touchée par leur besoin d’échanger.
Une situation semblable se produit dans un magasin avec deux femmes cette fois-ci. L'une d'entre elles initie la conversation en se plaignant d'un mal de dos et elles commencent à discuter de leur santé. Un bon moyen de créer du lien, semble-t-il ! Malgré le sujet désagréable, les femmes semblent satisfaites de leur petite conversation. Oui, « satisfaites » ! Chacune d’entre elles a pu exprimer avec des mots, ses maux ou petit bobos, et semble libérée.
Vieillesse, pauvreté et solitude
Voici une image fréquente en Pologne : les seniors profitent de toutes les occasions possibles pour interagir avec les autres. Mais pourquoi ? La réponse se trouve dans la façon dont la société polonaise est organisée.
Après la chute du communisme, les personnes âgées se sont senties souvent abandonnées ou même discriminées. Et les facteurs économiques jouent un rôle majeur. Selon Zofia Niczke, fondatrice de la fondation Emeryt (« Retraité » en polonais), une organisation qui améliore la vie des citoyens âgés à Varsovie, auparavant les seniors n’étaient pas si marginalisés. Sous PRL, les pensions de retraite étaient plus élevées qu’aujourd’hui et les soins de santé plus accessibles. Par exemple, Niczke se sent trahie car elle a passé cinquante ans de sa vie à produire des biens pour tout le monde mais « maintenant, je ne peux regarder ces produits qu'à travers la vitrine du magasin. » avoue-t-elle.
En plus des problèmes financiers, les seniors sont également confrontés à la solitude. Selon l’étude menée par l’institut de recherche ARC Rynek i Opinia, une personne sur cinq, âgée de plus de 65 ans se sent seule. Dans plusieurs villes polonaises, y compris à Gdańsk, fonctionnent les conseils de seniors, qui organisent des événements visant à intégrer les anciens dans la vie sociale. Cependant, ces initiatives n'ont commencé à apparaître que récemment et il reste encore beaucoup à faire dans ce domaine. Sans parler de la crise sanitaire causée par le Covid-19 qui isole encore plus les personnes dites fragiles.
Il n'est donc pas étonnant que les séniors considèrent une simple promenade ou les courses comme une occasion de se faire de nouveaux amis. De quoi nous faire réfléchir, quand nous perdons patience en attendant à la caisse derrière une personne âgée qui donne l’impression de prendre un peu trop le temps de discuter…
"Les oreilles qui trainent", un projet dirigé par Bénédicte Mezeix