Alors que la contestation n'a jamais été aussi violente depuis le début de la crise sur l'éventuelle adhésion à l'UE de l'Ukraine, qu'en est-il de la vision polonaise de la question ? LePetitJournal.com/varsovie revient sur le sujet à travers une série d'articles en commençant par une rétrospective sur l'histoire des relations entre la Pologne et l'Ukraine dans les années 1990, histoire qui permet d'appréhender les relations des deux pays des années 2000 à nos jours et ainsi de mieux comprendre l'analyse que fait la Pologne de la crise ukrainienne.
Les années 1990 : Coopérer pour s'ouvrir à la mondialisation
L'image des ukrainiens a longtemps souffert en Pologne de nombreux stéréotypes les présentant comme une main d'œuvre non-qualifiée et peu chère, souvent en situation illégale et donc assez mal intégrés à la société polonaise. Ces a priori tendent toutefois à disparaître et les relations qu'entretiennent les deux États sont dans l'ensemble plutôt bonnes.
Les relations bilatérales entre l'Ukraine et la Pologne font partie des premières a avoir été mises en place juste après la dislocation de l'URSS. Ainsi, la Pologne fut le premier pays à reconnaître l'Ukraine comme État souverain au lendemain de son référendum sur l'indépendance, organisé le 1er décembre 1991. Indépendance,qui apparaît alors comme capitale à la Pologne pour réussir son ouverture à l'Ouest et repousser toute tentative de la Russie de la replacer dans son giron. Pour l'Ukraine, assez isolée politiquement, l'enjeu est alors de passer d'un État post-soviétique à une nation d'Europe centrale ouverte sur l'Europe de l'Ouest autant que sur la Russie, ce qui passe par une ouverture sur la Pologne. La réelle volonté de bâtir un partenariat stratégique entre les deux États aboutit à la signature du Traité de bon voisinage, d'amitié et de coopération lors de la visite du président ukrainien Leonid Kravtchouk à Varsovie le 18 mai 1992.
S'intégrer à la mondialisation
Au cours de la première moitié de la décennie 1990, l'Ukraine devient grâce à l'appui de la Pologne, membre de nombreuses organisations internationales telles que l'ONU, le FMI, la Banque Mondiale. Elle est même le premier pays issu de la Communauté des États Indépendants à intégrer l'OTAN en 1994. Elle participera à plusieurs missions dans le cadre du partenariat pour la paix, notamment au Kosovo en 1999 et développe en parallèle une coopération militaire fructueuse avec la Pologne, avec la création d'un bataillon polono-ukrainien à la fin de l'année 1997. Par ailleurs l'Ukraine intègre le Conseil de l'Europe en 1995 poursuivant ainsi son désir d'ouverture à l'Ouest.
L'arrivée au pouvoir de Leonid Kuchma en Ukraine à l'automne 1994 coïncide avec celle d' Alexander Kwasniewski en janvier 1995 en Pologne. Elle relance la communication entre les deux pays et marque le début d'une période pro-européenne et de forte coopération économique.
L'Ukraine voit en effet dans la Pologne un moyen de se moderniser et de se réformer alors qu'elle reste encore largement oligarchique et que ses institutions sont encore très imprégnées de certaines pratiques de la période soviétique. Cette volonté se traduit par une forte augmentation des accords commerciaux bilatéraux entre 1995 et 1998 et par la simplification des procédures de transport de biens et de personnes en 1997. Toutes ces mesures ont un impact positif sur les deux économies et aboutissent à un boom économique aussi bien en Pologne qu'en Ukraine en 1998. Tout va si bien que, le 27 mai 1997, les deux présidents font une déclaration conjointe de réconciliation au sujet des massacres entre les deux peuples à la fin de la Seconde Guerre mondiale et qui continuaient à créer des tensions.
Tout va donc pour le mieux entre la Pologne et l'Ukraine à l'aube de l'an 2000, les deux États semblant poursuivre le même objectif d'intégration à l'Europe et de développement conjoint. Pourtant l'assassinat du journaliste ukrainien Georgiy Gongadze, en septembre 2000, va plonger l'Ukraine dans une crise politique, compliquant ainsi la coopération polono-ukrainienne.
A lire la semaine prochaine: les relations polono-ukrainiennes dans les années 2000...
Martin Damour (www.lepetitjournal.com/varsovie) – Jeudi 20 février 2014