Comme toute capitale qui se respecte, Varsovie possède son métro, avec une particularité : il ne comprend que deux lignes, la M1 qui relie le Nord au Sud et la M2, récemment construite, l'Est à l'Ouest. Alors comment expliquer le développement aussi tardif du métro varsovien? Lepetitjournal.com/Varsovie a mené l'enquête et est allé recueillir les propos de Jean-François Denier, architecte français en Pologne, pour avoir son avis d'expert sur la question.
Eloïse Robert
Une histoire semée d'embûches !
Si vous regardez de plus près le plan du métro de Varsovie, vous pourriez penser qu'il s'agit d'une erreur? Et bien détrompez-vous, le métro de la capitale ne possède bien que deux lignes. Son histoire chaotique explique, en partie, sa construction relativement tardive. Certains parlent même de malédiction...
Comme nous a confié Jean-François Denier, architecte expatrié depuis 26 ans en Pologne, « le métro de Varsovie est tout simplement victime de sa propre histoire ». Effectivement, la première ligne de métro (M1) qui relie le nord au sud de la ville a été inaugurée en 1995 et achevée en 2008. Mais si l'on se fie à son histoire, il aura fallu plus de 100 ans pour que cette ligne voie le jour. Les premiers plans de métro de Varsovie remontent au début du XXème siècle. À cette époque, la capitale dépendait de l'Empire russe, qui ne faisait pas du métro sa priorité.
Ce n'est qu'en 1925, lorsque la Pologne devient libre, que le projet reprend. « En regagnant son indépendance, la capitale est redevenue une ville européenne avec l'ambition d'avoir son propre métro, comme n'importe qu'elle autre ville d'Europe », nous explique Jean-François Denier.
Mais rien ne se passe comme prévu. Deux lignes devaient alors être tracées, sur les axes Nord-Sud et Est-Ouest, quand la grande dépression des années 30 stoppe instantanément le chantier. En 1938, sa construction est relancée, les plans sont réactualisés et l'ouverture du métro est finalement prévue pour le milieu des années 40. Mais, encore une fois, Varsovie est prise de court avec le début de la Seconde Guerre mondiale. La guerre finie, la capitale polonaise est presque totalement dévastée (près de 85% de ses infrastructures). Résultat, l'idée d'un métro souterrain est vite abandonnée pour laisser place à un train express aérien, qui coûte alors beaucoup moins cher.
Durant l'époque communiste, Staline préfère laisser en héritage à la Pologne le Palais de la Culture et de la Science plutôt qu'un métro, qui aurait pu être aussi somptueux que celui de Moscou. Avec l'arrivée de la guerre froide, l'avenir du métro à Varsovie prend une toute autre tournure. Cette fois il semble utile, notamment pour des raisons purement militaires, et doit être inauguré en 1956. Manque de chance, la mort de Staline fait retarder le processus de construction et les travaux sont pour la énième fois interrompus.
C'est après 1989, avec la chute du communisme, que la construction de la ligne 1 s'accélère réellement, notamment depuis l'entrée de la Pologne dans l'Union Européenne en 2004, et cela « grâce aux financement européens qui y sont pour beaucoup », conclut l'architecte.
Quant à la M2, la deuxième et nouvelle ligne reliant l'axe Est-Ouest de la ville, c'est une toute autre histoire. Elle a été partiellement ouverte en 2015 et est encore en travaux pour sa future extension. Mais cette ligne a également fait l'objet de multiples rebondissements qui ont retardé son ouverture. « Les travaux de la deuxième ligne ont commencé en août 2010, elle devait être finie en deux ans et ça a duré cinq ans finalement », explique Jean-François Denier.
Le plan du métro actuel de Varsovie
Sept stations sont actuellement en service (Rondo Danszy?skiego, Rondo ONZ, ?wi?tokrzyska, Nowy ?wiat, Centrum Nauki Kopernik, Stadion Narodowy et Dworzec Wilenski), mais bon nombre d'entre elles ont connu des problèmes divers et variés comme une inondation dans l'un des tunnels proche de la Vistule, un glissement de terrain ou encore un incendie. « Un tel retard n'est pas tant dû à un problème financier, mais bien un problème de logistique et de communication. Concernant l'affaissement de terrain de l'une des stations, les plans n'ont pas été correctement étudiés durant les constructions et n'ont pas pris en compte l'état du tunnel. A cause de ce manque d'informations, forcément, le métro a pris encore plus de retard que prévu, car les travaux étaient déjà bien trop avancés et il était impossible de changer d'emplacement », affirme Jean-François Denier.
Un autre point que soulève l'architecte concerne les problèmes de reconnaissance de terrains : « beaucoup n'appartiennent pas à la ville et les propriétaires ne sont pas forcément connus. L'obtention de permis de construire par exemple, ralentit considérablement un projet de travaux quel qu'il soit. Planifier quelque chose à Varsovie, ce n'est pas toujours évident ! », s'amuse-t-il.
Malgré une histoire mouvementée, il faut aujourd'hui reconnaître que le métro de Varsovie est très fonctionnel : des horaires réguliers, un espace calme, sûr et très propre.
Un design qui ne fait pas l'unanimité
Le design du métro a été confié au bureau d'architecture polonais ACM - Andrzej M. Cho?dzy?ski. Ce dernier a réalisé en 2005 la station « Plac Wilsona » (sur la M1), qui a d'ailleurs obtenu le titre de meilleure station de métro du monde en 2008, par les Metro Awards, pour sa fonctionnalité et son design audacieux.
Plac Wilsona
Andrzej M. Cho?dzy?ski s'est également chargé du design de six lignes de la M2. Il s'est inspiré du style urbain pop art et des influences du graffiti new yorkais des années 80. Sans oublier le design des bouches de métro en forme de M, qui ne passent pas inaperçues. Un choix architectural qui ne convainc pas tout le monde. C'est le cas de Jean-François Denier, qui déplore un manque de finesse : « On ressent la volonté d'en mettre plein la vue pour cette deuxième ligne. Alors que d'un point de vue esthétique ce n'est pas subtile, c'est bien trop visible et ça dénote complètement avec l'environnement extérieur ».
L'intérieur du métro de Varsovie, M2
Il ajoute également que les sorties de la ligne 2 ne souffrent pas seulement sur le plan esthétique mais surtout en ce qui concerne le choix de leur emplacement : « Si l'on s'attarde sur les sorties de métro en forme de M, il y a clairement un problème d'échelle. Par exemple, sur ?wi?tokrzyska, il y a plusieurs sorties qui sont très proches, alors qu'il est possible de traverser simplement la rue. Contrairement à un axe plus dense comme Targowa à Praga (arrêt Dworzec Wile?ski) où les proportions sont respectées et les passages sous terrains du métro sont vraiment utiles ».
L'histoire du métro de Varsovie et son architecture reflètent en quelque sorte la destinée de la capitale polonaise. « Le chaos architectural et des travaux du métro représentent bien le fonctionnement et l'évolution de Varsovie. La ville cherche encore sa propre identité », conclut Jean-François Denier.
Quel avenir pour le métro de Varsovie ?
Il est encore difficile de se projeter et de définir une date finale pour l'aboutissement de la seconde ligne de métro. Mais quoi qu'il en soit, la M2 devrait continuer à s'étendre d'Est en Ouest avec deux bifurcations et compterait au total une vingtaine de stations, soit près de 31 km de long.
Le pland du métro de demain à Varsovie
« Le métro en général est quelque chose de très pratique, d'autant plus pour cette partie de la ville (de Praga à Wola). Cette nouvelle ligne est vraiment bénéfique et améliore non seulement la mobilité des Varsoviens, mais permet aussi à ces quartiers de se développer », explique Jean-François Denier.
Une troisième ligne de sept km serait également en projet et une quatrième prévue à l'origine, a disparu des plans actuels. La malédiction du métro de Varsovie aurait-elle encore frappé ?
Eloïse Robert (lepetitjournal.com/Varsovie) - Jeudi 18 mai 2017
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