La plus importante fête religieuse du calendrier liturgique chrétien revêt en Pologne des aspects très ludiques issus, pour la plupart, d'anciennes traditions païennes slaves...
N'arrivant pas à interdire ces pratiques païennes, les autorités religieuses les ont adaptées aux besoins du christianisme. La plupart des traditions magiques en cette période de l'année avaient initialement pour but d'honorer l'arrivée du printemps. C'était la fête de Jary, célébrée le 21 mars, où l'on chassait l'hiver et souhaitait la bienvenue aux beaux jours. De nombreux éléments de ces célébrations ont survécu sous une forme ou une autre et ont été assimilés aux traditions pascales.
(Photos wikicommons)
Pisanki ou les oeufs décorés
Les oeufs, pour les anciens Slaves symboles de fertilité et de forces vitales, étaient traditionnellement décorés et utilisés pour assurer santé et vitalité aux hommes et aux animaux domestiques. Les plus anciens pisanki retrouvés sur le territoire polonais datent du Xème siècle.
Avec l'arrivée du Christianisme, on adapta cette tradition et de nos jours encore on peut admirer la diversité des techniques de décoration. Selon la région et la méthode utilisée, les oeufs de Pâques sont appelés kraszanki, nalepianki, drapanki et plus couramment pisanki.
Les kraszanki sont bouillis dans des épluchures d'oignons, des écorces d'arbres ou du jus de betterave pour obtenir des couleurs variées et durables. Les pisanki sont partiellement recouverts de motifs avec de la cire fondue pour ensuite être plongés dans des pigments naturels. Les oeufs teints peuvent aussi être grattés (drapanki) ou recouverts de papiers découpés et de broderies (nalepianki).
Malheureusement, à ces pratiques anciennes se substituent de plus en plus souvent des solutions modernes qui ont tendance à faire oublier les techniques traditionnelles?
Swięcone - la bénédiction des aliments
Si vous avez la chance de vous trouver en Pologne le samedi de Pâques, vous ne manquerez pas de croiser des gens de tous âges se dirigeant vers les églises un panier à la main. Les paniers peuvent être de taille symbolique, ceux portés par les plus jeunes, mais aussi plus conséquents.
Dans les paniers, recouverts d'une serviette blanche et décorés de buis, on trouve un échantillon de tout ce qui se trouvera sur la table du déjeuner pascal du dimanche, à savoir : des oeufs (décorés bien évidemment), du pain, un agneau pascal, traditionnellement en beurre ou en sucre, du sel, de la charcuterie, des pâtisseries....
Les paniers sont déposés soit sur les marches des églises, soit le long de la nef centrale et bénis par le prêtre. Dans certaines paroisses, notamment à la campagne, il y a même des concours du plus beau panier et là on ne fait pas dans le symbolique !
Smigus-Dyngus, attention à l'eau !
Cette tradition païenne de bain purificateur, connue bien avant le baptême de la Pologne (Xe siècle) a été adoptée et adaptée par la tradition chrétienne. L'aspersion par l'eau devait prévenir des maladies et favoriser la fertilité ? par conséquent on aspergeait volontiers les jeunes filles à marier mais aussi les animaux domestiques ou même la terre ! Avec l'avènement du Christianisme on utilise parfois pour cela de l'eau bénite.
De nos jours encore, que vous soyez à la campagne ou en ville, soyez vigilant le lundi de Pâques, car vous pourriez finir trempés. Il faut dire que certains ne s'en tiennent pas à l'aspect symbolique et au lieu de vous asperger avec quelques gouttes, ils n'hésiteront pas à vous envoyer un seau d'eau à la figure...
Les Rameaux - palma wielkanocna
En souvenir des feuilles de palme agitées lors de l'entrée de Jésus dans Jérusalem, une belle tradition décorative s'est développée en Pologne au cours des siècles. Les "palmes" (bien qu'elles n'aient plus grand chose à voir avec celles-ci) sont confectionnées à partir de branches de saule, mais aussi d'autres arbres ou arbustes, décorées de fleurs séchées et teintes de toutes les couleurs, de buis, de « châtons » ou encore de pervenches. Là encore, la tradition varie d'une région à l'autre.
Une fois bénites le dimanche des Rameaux, les palmes sont brûlées le dimanche de Pâques et leurs cendres utilisées le mercredi des Cendres de l'année suivante. Les palmes peuvent être achetées toutes prêtes, ce qui est le plus souvent le cas dans les villes, tandis qu'à la campagne on perpétue la tradition de confection et on organise des concours des plus belles palmes. Certaines peuvent même mesurer plusieurs mètres et nécessiter plusieurs hommes costauds pour les dresser ! Le concours de palmes le plus connu au niveau national se déroule chaque année à Lipnica Murowana dans le sud de la Pologne.
Marzanna, Adieu l'hiver !
Les traditions pascales n'étaient pas toujours inspirées par l'amour chrétien. La preuve avec cette autre pratique païenne liée à l'arrivée du printemps: la noyade de Marzanna, déesse slave de la mort et du froid et qui a évolué durant les siècles pour devenir la noyade de Judas, tradition catholique oblige. Pratique dorénavant interdite par l'Eglise pour avoir parfois pris des formes un peu trop violentes, elle consistait à juger une effigie de Judas, pour ensuite, le Vendredi saint, la battre, la traîner au sol et enfin la jeter dans une rivière ou un lac. Cela ressemblait plus à un lynchage qu'à une pratique religieuse.
De manière plus ludique, on continue toutefois à pratiquer la noyade de Marzanna le premier jour du printemps. Les enfants promènent l'effigie de la déesse, souvent en paille, vêtue de vêtements féminins, et finissent par la jeter dans un torrent ou une rivière. Par ailleurs, le premier jour de printemps est devenu traditionnellement le jour de l'école buissonnière dans les écoles polonaises... mais les enseignants et les parents tendent à fermer les yeux, exceptionnellement...
Ceci n'est qu'un bref aperçu des traditions pascales en Pologne. Pour les découvrir toutes dans leur diversité, il faudrait quitter les grandes villes et visiter les différentes régions du pays en se laissant guider par ceux qui comprennent encore combien il est important de les pérenniser et de les préserver.
Anna Riondet (www.lepetitjournal.com/varsovie.html) jeudi 21 avril 2011