1791 ? La Pologne est plus qu'affaiblie par les volontés de partage de ses voisins et par les pouvoirs toujours plus grands de la noblesse, qui l'empêchent de se réformer. L'ultime tentative du roi Stanislas II Auguste Poniatowski pour sauver un royaume en plein déclin sera la Constitution du 3 mai 1791, première d'Europe, et deuxième au monde. Retour sur cette date clé de l'histoire polonaise, désormais jour de Fête Nationale.
Un contexte des plus critiques
Avant toute chose, il est faux de parler seulement de la Pologne, car elle était à l'époque unie à la Lituanie dans la République des Deux Nations. Pendant les XVII et XVIIIèmes siècles, alors que les pays européens évoluaient presque tous vers la monarchie absolue, forte et centralisée, l'union polono-lituanienne glissait, quant à elle, vers l'anarchie politique. Amoindrie par le Premier Partage de son territoire, en 1772, la Pologne, en la personne de son dernier roi, Stanislas Auguste Poniatowski, influencé par les idées des Lumières, entreprend tout de même plusieurs réformes importantes. Parmi ces réformes il y a la création, en 1773, du premier ministère consacré à l'éducation en Pologne, appelé Commission de l'Éducation Nationale, mais surtout l'ouverture de travaux destinés à améliorer le système politique. Ils débouchent sur l'adoption, à la hâte, d'une constitution.
Une dernière tentative pour sauver l'État...
Le 3 mai 1791, le roi Stanislas Auguste Poniatowski adopte la première constitution d'Europe, et la deuxième au monde derrière les États-Unis, après quatre ans d'élaboration. Elle distinguait les trois pouvoirs de l'État que sont l'exécutif, le législatif et le judiciaire. Elle garantissait l'égalité politique entre la bourgeoisie et la noblesse et libérait les paysans de la servitude, en les plaçant sous la protection de l'État. De plus, elle tendait à diminuer les pouvoirs presque illimités des nobles, notamment en ouvrant les carrières administratives aux bourgeois. Toutefois, son objectif principal concernant la noblesse était de lui retirer le liberum veto (du latin « j'interdis librement »), procédé qui autorisait n'importe quel député de la diète à forcer un arrêt immédiat de la session et annuler toutes les décisions en cours. Cette règle évolua donc en principe d'unanimité, ce qui conduisit à l'anarchie politique, l'Etat ne pouvant jamais être réformé, et par voie de conséquence renforcé. Par ailleurs, la Constitution du 3 mai abolissait tous les titres aristocratiques.
? qui n'a pu empêcher son démembrement
Un héritage synonyme de fierté
Depuis le recouvrement de l'indépendance, la Pologne a deux Fêtes Nationales. Celle du 11 novembre commémore l'indépendance retrouvée aux lendemains de la Première Guerre mondiale, quand la seconde célèbre la Constitution du 3 mai 1791, ce qui est soit quelque peu curieux. En effet, elle n'a jamais été appliquée et n'a en rien empêché le démembrement de la Pologne. Toutefois, les Polonais sont fiers d'être un des premiers pays au monde à rédiger un document enclin à mettre en pratique dans la vie politique les idées du Siècle des Lumières. Ce texte symbolise le triomphe de la pensée humaniste et du patriotisme sur les forces conservatrices qui prônent l'immobilité pour protéger leurs acquis. Emblème du changement possible, les célébrations du 3 mai ont été interdites par le régime communiste en 1951, par peur de débordements. Elle a été rétablie en 1990 comme Fête Nationale, suite aux premières élections en 1990.
Mathilde TÊTE (www.lepetitjournal.com/varsovie) ? Vendredi 2 mai 2014