La Galerie Brili’s accueille l’exposition "Les ombres blanches" du peintre Serge Helholc du lundi au samedi, de 17h à 23h, jusqu'au 31 janvier 2021. Vous pourrez aussi déguster de délicieux plats et emmener vos enfants dans cet espace de 550m2, situé à Valence, 42 Calle de Los Centelles, et dédié aux loisirs et à la culture. Les mesures de sécurité et les gestes barrières sont respectés.
Retiré sur sa montagne, le peintre Serge Helholc s’est accordé une longue halte cet été dans son atelier d’Altura. Une méditation à l'abri des agitations du monde et autres convulsions de notre temps. Une retraite n’est pas qu’un repli, elle peut être aussi un approfondissement sur soi et les autres, contenir les possibilités d’une régénération. C’est dans la nature et la solitude que notre artiste a décidé de retrouver son centre - ce cœur de l’arbre qui fait l’extase du fruit chère à René Char.
Avec son inséparable chien Osiris, il s’est choisi de nouveaux interlocuteurs parmi les collines, les plantes et les oiseaux. Une correspondance empreinte de silence et de symboles. Un dialogue entre le minéral, le végétal, l’animal et l’humain. Un songe qui n’en finit pas.
Quand d’autres faisaient des selfies, lui photographiait le ciel. “J’ai été habité par le voyage de ces nuages”, nous confie-t-il. “J’ai tenté de relater des émotions à travers le silence, le son, la couleur, la mouvance des ciels et des perceptions de la lumière sur la nature."
Les éléments nous parlent. Il s’agit d’ouvrir notre cœur et d’aiguiser nos sens pour retirer la pellicule d’insignifiance qui ordinairement les recouvre. Dissipons la grisaille qui obscurcit notre regard et enténèbre notre âme : la nature devient théâtre d’apparitions. Le geste pictural, conduit par ce temps arrêté, peut alors se déployer. Il n’y pas brisure mais continuité d’un élan. L’artiste trouve là son premier langage, et la conversation se poursuit par touches de couleurs comme autant de vibrations sonores sur la toile.
Il nous semble à ce stade que l’acte pictural s’accompagne d’un effacement, condition nécessaire à l’émergence de l'œuvre : “Au moment où je commence un tableau, la première chose que je fais avec les pinceaux, les brosses, les couleurs et les liants, c’est de laver mon âme. C’est comme si je prenais un énorme tissu pour effacer tout ce qu’il y a de circonscrit dans ma personnalité, pour la remettre à zéro, en faire un reset total.”
On voit combien l’influence revendiquée des estampes japonaises et de la peinture asiatique des moines naturalistes est prégnante. Par delà la multiplicité des apparences, la peinture se fait couloir, canal ; s’ouvre sur une vacuité. La toile et le peintre sont également traversés. Et l’être, peut-être, atteint-il au satori. Il n’y a plus de dichotomie sujet-objet. La communion est parfaite. Déjà, quelque chose est appelé à naître de ce magma matriciel.
Présence absente. Tsimtsoum. Peu importe le nom. L'œuvre devient visible là où l’artiste disparaît. Le vide se déverse dans une forme. L'effluve s’écoule sous nos yeux. Ce don, ce dessaisissement de soi vers un réel neuf, intact, émondé de sa gangue de médiocrité, permet la rencontre avec l'inconnu et le surgissement de l’extraordinaire.
Car notre peintre est un réaliste du surnaturel. Ses tableaux sont constamment visités par des songes, des muses, des esprits qu’il voit à travers l’horizon supplémentaire de la toile. Différents plans de visibilité s'interpénètrent pour former ce qu’on pourrait appeler un Oniricosme. Libéré du danger, affranchi des contraintes, c’est dans cet espace préfiguré que l’artiste peut réaliser sa transfiguration.
Je pense qu’on est dans un moment de réflexion si profonde sur notre humanité que toutes les choses qui pourraient amener de l’obscurité m’ont demandé de prendre un grand recul, c’est-à-dire de ne les aborder qu’à travers un paysage symbolique et spirituel, en tous cas fait de bienveillance et de lumière.
On n’aurait pu choisir meilleur lieu d’exposition pour ces toiles que la Galerie Brili's. La peinture de Serge Helholc suit les pas de l’enfant intérieur, de cet être qui n’a pas eu à subir les distorsions de la société et qui ignore les infatuations du personnage. Celui pour qui le mystère n’est pas un moment de doute à surmonter, mais une fontaine où l’on trouve à s’abreuver, - où l’on célèbre l’existence.
Devant, l'innocence, diaphane et diamantine. L’artiste s’imprègne de ce paysage fragile, le restitue dans sa beauté. La toile nous invite au voyage. Suivons-la : “Je vais être porté comme un moine à traverser un pont, à l’éclairer d’une petite lanterne dont la lumière sera l’ombre blanche.”
Dans son sillage, des silhouettes apparaissent. Elles lévitent entre ciel et terre et semblent garder de lointains secrets. L’air renferme une épaisseur de silence. La lumière se fond dans les nuages en des reflets tamisés. Tanizaki a bien décrit cette esthétique du clair-obscur, qui montre sans dévoiler. Nous sommes dans le règne du transitoire et de l'éphémère. Dans l’univers des transformations et des métamorphoses.
Les couleurs n’en sont pas moins vives. On perçoit nettement les effets du travail en plein air. La toile est un kaléidoscope qui tourne sur le chevalet. Elle se gorge d’impressions chromatiques, les décompose et les diffracte. Il y a un lyrisme dans certaines peintures ; un mouvement ascensionnel qui arrache l’observateur à l’atonie de ses jours. Des faisceaux lumineux percent l’horizon - comme des spots braqués sur l'Absolu. Des bulles en apesanteur contiennent la densité germinative d’une promesse. Tout indique un chemin, une voie de croissance et de réparation.
La Commedia dell' arte m’avait quitté. Je n’avais plus aucun fil qui me reliait à une gestuelle communautaire. Si je n’avais eu ce canevas, cet espace de créativité qu’est ma peinture, je ne sais si je pourrais en parler aujourd’hui.
Alchimiste de l’instant, magicien des formes, le peintre transpose sa réalité sur la toile. Il rassemble ce qui est épars et le transmute. S'ingéniant à trouver le lieu et la formule, il prépare le rituel en vue de la grande réconciliation et nous convie aux noces cosmiques de l’ombre et de la lumière.
Si vous aussi vous êtes artiste et souhaitez faire connaître vos œuvres, contactez-nous: paula.etcheverry@lepetitjournal.com et paul.pierroux-taranto@lepetitjournal.com.