Aujourd'hui, nous sommes le 17 mars, et Valence vibre pleinement au rythme des Fallas. La planta, l’installation finale des monuments dans les rues, a déjà transformé la ville en un musée éphémère à ciel ouvert, en attendant la cremà qui marquera la fin des festivités. En cette semaine de folie, laissez-moi vous présenter un homme pour qui les Fallas sont bien plus qu’une tradition : une véritable vocation, un mode de vie. Ce passionné, c'est José, un artiste fallero de 59 ans, récemment retraité, mais toujours profondément impliqué dans l'univers des Fallas. D’ailleurs, sa commission vient de lui remettre un ninot qu’elle a créé pour le remercier de son implication et pour ses précieux services. Ce ninot est exposé à la Cité des Arts et des Sciences.


Il y a près de 30 ans, José entamait sa carrière d’artiste fallero. Passionné dès son plus jeune âge par la couture, il s’est d’abord formé dès l’âge de 14 ans avant de faire une pause dans cette voie pour entrer dans la vie active. Mais aujourd’hui, avec plus de temps libre et un solide réseau dans l’univers des Fallas, il renoue avec ce qui a toujours été une seconde nature pour lui. Récemment retraité, il a passé le flambeau à son neveu David, qui dirige désormais l’atelier familial. Si José continue de vivre les Fallas avec la même ferveur, c’est désormais à travers la confection de costumes qu’il exprime son talent, perpétuant son amour pour cet art ancestral.

José, un artiste fallero aux mille talents

En plus d’être un créateur de fallas et de costumes, José est un véritable acteur de la fête des Fallas dans toutes ses dimensions. Membre actif d’un groupe de danses traditionnelles, ils ont voyagé aux quatre coins du monde, en Colombie, aux États-Unis, à travers l’Europe… Lors de notre première rencontre, il m’a invitée à l'inauguration du Musée des Ninots, où il ne cessait de se faire arrêter par des personnes qui le connaissaient, des artistes, des membres de la communauté des Fallas... Et c'est là que j’ai compris à quel point cet univers est une grande famille.
Avant le Covid, les artistes falleros se retrouvaient tous dans le quartier de Monteolivete, un quartier historique où les commissions falleras se regroupent pour leurs réunions et leurs repas conviviaux. C’est ici que se nouaient les amitiés, que les budgets étaient discutés et que commençaient les collectes de fonds indispensables à la construction des fallas.Aujourd’hui, ce lieu reste le quartier connu comme le “quartier des artistes falleros”, et où le Musée Fallero se trouve, mais l’ambiance n’est plus la même. Elle est moins familiale et conviviale. Il y a moins d’artistes falleros, et certains ont déplacé leur atelier.

Les rues sont remplies de fallas, mais… de quoi sont-elles faites ?
La particularité de l’atelier

Dans l’atelier, David, le neveu de José, travaille désormais avec Sergio et Alexandra. Ce qui fait la particularité de leur atelier, c’est qu’ils ne travaillent pas à la peinture comme tous les autres artistes, mais utilisent des pastels gras pour dessiner et colorier leurs œuvres. José explique qu’au fil du temps, certes, les techniques changent, mais pas l’essence. Avant, les sculptures étaient baroques, chargées, brillantes… maintenant, c’est le design qui prend le dessus, mais il n’empêche que, lors des fallas, l’ambiance et les traditions restent les mêmes, et chaque année, c’est la fête nationale que les passionnés attendant le plus avec impatience.
Dans l’ombre des Fallas, ces artisans qui donnent vie à la fête

Le budget de chaque commission détermine la taille de l’atelier qui va créer la falla. Les ateliers peuvent être moyens, comme celui de José et David, ou bien plus grands, avec jusqu’à neuf personnes travaillant sur une même pièce. Dans tous les cas, ce travail nécessite une année entière de préparation, un travail d’équipe constant, et une relation de confiance avec les commissions, qui récoltent les fonds pour permettre aux artistes de réaliser leurs créations.
Dans ces commissions, ce sont principalement des volontaires qui s’occupent d'organiser le bon déroulement de la création de la falla. Les artistes falleros sont des artistes employés à plein temps. Ils reçoivent donc un salaire fixe, et annuel pour travailler sur la falla.

Beaucoup d’enfants à Valence rêvent de devenir artistes falleros, et ce n’est pas un hasard. Tout comme l’idée de devenir fallera mayor, cela fait rêver car dès leur plus jeune âge, les locaux grandissent en admirant les immenses sculptures colorées qui envahissent la ville chaque année, fascinés par la magie de ces œuvres éphémères.
Certaines écoles organisent des excursions dans les ateliers falleros de Monteolivete, offrant aux élèves un aperçu du travail minutieux des artisans : le polystyrène modelé, les couleurs vives qui prennent vie sous leurs pinceaux… Mais ce métier est loin d’être facile.
José a eu de la chance : lorsqu’il est devenu artiste fallero, il avait déjà commencé à se frayer un chemin dans cette communauté. Il avait étudié le design et rencontré de nombreuses personnes qui, malgré leur passion, avaient renoncé à ce rêve en raison des conditions de travail parfois difficiles ou de la forte concurrence. Se démarquer parmi tant d’artistes talentueux et réussir à se faire une place dans ce milieu n’est pas chose aisée.

Aujourd’hui, la persévérance est d’autant plus capitale, car il ne suffit plus d’avoir étudié une discipline artistique pour devenir artiste fallero. Une formation spécialisée de deux ans est désormais obligatoire pour postuler en tant qu’artiste fallero auprès d’un atelier. Les élèves doivent apprendre l’histoire de la fête ainsi que les techniques utilisées, tant traditionnelles que modernes. Et même avec cette formation, moins d’un tiers des élèves parviennent à exercer ce métier.
Être artiste fallero fait rêver, car c’est un métier rare et prestigieux. Cependant, il reste difficile d’accès.
Il y a peu, j’ai croisé un ancien compagnon de classe qui a renoncé à devenir artiste car dans l'entrepôt en hiver, il faisait vraiment froid et il ne se voyait pas faire ça toute sa vie.
Désormais, la planta a donné vie aux Fallas, transformant Valence en un gigantesque musée à ciel ouvert. Dans quelques jours, la cremà viendra clore cette période intense, où les falleros et falleras verront leur travail partir en fumée dans un dernier éclat de lumière. Et José, comme tant d’autres, sera là, au cœur de la fête, fier de son héritage, de son atelier et, plus que tout, de sa passion indéfectible pour les Fallas.
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