Son nom parlera peut-être aux amateurs de haute gastronomie. José Manuel Miguel est l’unique chef espagnol à avoir été décoré d’étoiles Michelin en France et en Espagne. Aujourd’hui connu pour sa cuisine méditerranéenne influencée par l’art culinaire français, ce Valencien d’origine évoque son parcours, de l’école à Castellón aux grands palaces parisiens.
J’aime me considérer comme l’ambassadeur du savoir-faire gastronomique français.
C’est loin des fourneaux que Lepetitjournal.com a rencontré José Manuel Miguel ce mardi 28 novembre. Le chef est de passage à Valencia. Il a troqué son tablier blanc pour un manteau d’hiver. Ainsi vêtu, difficile de savoir qu’il a dirigé les cuisines de certaines grandes adresses culinaires, aussi bien en Espagne qu’en France. C’est d’une voix posée et pleine d’humilité qu’il raconte son ascension dans la cuisine, de ses premiers pas à ses multiples étoiles Michelin.
Et une, et deux, et trois étoiles
À l’instar d’Obélix tombé petit dans la marmite de potion magique, José a découvert la cuisine très tôt, d’abord côté salle. “Mes parents aimaient aller au restaurant, surtout mon père, qui m'emmenait toujours dans de nouveaux endroits pour essayer de nouvelles choses. J'aimais vraiment manger”, explique le cuisinier aujourd’hui âgé de 45 ans, que la passion culinaire n’a plus jamais quitté. Alors quand vient le moment de choisir une orientation professionnelle, la cuisine s’impose naturellement à José. “J'ai eu la chance de faire le bon choix. Je peux dire que c'est une vocation.”
En 20 ans de carrière, le Valencien d’origine a consacré une grande partie de son temps à la cuisine. Ce "mode de vie” va le mener très loin. Lors de ses cinq années d’études à Castellón, il réalise un stage au lycée hôtelier de Quercy-Périgord. Un premier contact avec la France qui ne laisse pas indifférent le jeune apprenti cuistot, impressionné par “la méthodologie et la façon d’enseigner”.
Tout juste sorti de l’école, il fait ses premières armes comme cuisinier dans l’hôtel de luxe Hôtel Melia Altea Hills Resort, avant d’intégrer l’un des établissements les plus prestigieux de la capitale espagnole : l’Hôtel Ritz de Madrid. Dans ce palace cinq étoiles, il plonge alors dans l’univers de la haute gastronomie. Cette expérience lui ouvre également les portes du Martin Berasategui et d’Arzak, deux établissements décorés de trois étoiles Michelin. La machine est lancée, le Valencien s’est fait une place dans l’univers tant disputé du bien-manger.
L’envie d’apprendre pour ne rien regretter
Des restaurants et des hôtels “modestes” à la grande cuisine et aux établissements de luxe, José a abordé chacune de ces expériences avec la même envie d’apprendre. “J'ai toujours eu le souci de dire : 'je veux tout voir. Et je ne veux pas qu'on m'en parle. Je ne voulais pas regretter de ne pas avoir été quelque part”, raconte-il avec le sourire. Restaurants une, trois puis cinq étoiles : petit à petit, le chef gravit les marches jusqu’à arriver au pays à l’époque considéré comme la référence en matière de haute gastronomie : la France.
La France, terre de la haute gastronomie
“Un jour, le chef de l’Hôtel du Ritz m’a dit : ´Tu as 24 ans, tu as été à Arzak, Martin Berasategui, au Ritz de Madrid. Maintenant, tu dois aller en France et travailler dans une grande maison'”, se remémore José. A l’époque, l’Hexagone est le berceau de la haute-gastronomie et des grands chefs.
Aujourd’hui, la gastronomie a beaucoup évolué, avec Internet et la multiplication des écoles de cuisine. Mais autrefois, il y avait peut-être cinq ou dix établissements de haute gastronomie en Espagne pour une centaine en France.
Curieux et déterminé, José atterrit alors à l’Hôtel Bristol à Paris, dont les cuisines sont dirigées par le chef Éric Frechon, meilleur ouvrier de France et triple étoilé Michelin. C’est le début d’une expérience qui influencera le reste de sa carrière. “Éric Frechon, c’est la personne qui a fait de moi ce que je suis maintenant”, confie le cuisinier valencien. “C’est avec lui que j’ai appris la discipline, le savoir-faire, la rigueur culinaire, mais aussi la délicatesse et la subtilité.” José y restera presque quatre ans en tant que chef de partie.
Il revient à Valencia, travaille à l’Hôtel Westin puis au restaurant Submarino, avant de repartir quatre ans de plus à Paris. Il y rejoint les restaurants Goust et Il Vino, menés par Enrico Bernardo. “Dès la première année, Goust a acquis sa première étoile Michelin et Il Vino a conservé la sienne. En 2014, j’ai remporté le Prix de la meilleure création culinaire de l'année en France, remise par le Guide Lebey. Par la suite, j’ai obtenu la médaille Grand Vermeil, reconnaissant le mérite et le travail gastronomique, remise par la maire de Paris, Anne Hidalgo”. Pour lui, c’est la consécration.
En huit ans, José a travaillé dans de prestigieux noms de la restauration au cœur de la capitale française. Il en retire de nombreux souvenirs, ses premières étoiles Michelin et surtout, un savoir-faire à la française et un style culinaire bien à lui, associant la cuisine méditerranéenne à la technique et à la rigueur de la cuisine française, apprises au Bristol. C’est cette double identité qui lui a permis de se démarquer en France, et qu’il continue encore d’appliquer aujourd’hui, de retour en Espagne.
Réussir sur ses terres, près des siens
Car après des années loin de chez lui, du soleil et des siens, José a senti qu’était venu le moment de revenir sur sa terre d’origine. “Là où je voulais vraiment réussir, c’était dans mon pays. Je souhaitais pouvoir redonner ce que j'avais appris, et réussir de la même manière ici”. Beaucoup ont tenté de le freiner, ne comprenant pas comment il pouvait quitter Paris, ses succès et la reconnaissance construite à la sueur de chaque heure passée derrière les fourneaux. Rien de suffisamment convainquant pour faire revenir José sur sa décision.
C'est dans les défis que se trouve l’étincelle de la vie, en sortant de sa zone de confort et en se montrant qu'en fin de compte, ce qui importe, ce n’est pas où tu réussis, mais avec qui.
Depuis 7 ans, José s'épanouit à Calpe, où il a trouvé son nouveau fief culinaire : l’hôtel Cookbook. Il est en charge du Komfort, le bistro-restaurant de l'hôtel, du Beat, un restaurant gastronomique déjà décoré d’une étoile Michelin et de deux soleils Repsol, ainsi que du Mare Beach Restaurant. Récemment, en janvier 2023, il a été nommé meilleur chef 2022 par l’Académie de la Gastronomie de la Communauté valencienne.
Aujourd’hui, le cuisinier vise la deuxième étoile Michelin pour Beat. Si l’envie de nouveaux défis est toujours là, José souhaite maintenant dédié plus de temps à lui-même, à sa femme, et à sa fille de cinq ans, “son projet personnel le plus important”. En décembre, il célèbre ses 45 ans. Pour le moment, le chef étoilé ne projette pas de repartir travailler en France.
“Ici, j'ai créé une expérience gastronomique, un voyage entre cuisine et technique française, avec vue sur la Méditerranée”, décrit le cuisinier, qui s’applique à proposer plateaux de fromages, bouillabaisse ou encore lièvre à la royale à ses clients. L’amateur d'huîtres, de fromages, de pâtisserie et de foie gras est loin d’oublier le savoir-faire et la gastronomie française, qui continuent de guider son inspiration culinaire ici, sous le soleil valencien.