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Golden visa : la fin de la période dorée pour les investisseurs étrangers en Espagne

Il y a quelques jours, le chef du gouvernement espagnol Pedro Sanchez a annoncé vouloir en finir avec les « Golden Visas », dénonçant un système inadapté face à la tension sur le marché du logement. « Aujourd’hui, 94% des Golden Visas sont liés à l’investissement immobilier » a expliqué le Premier ministre. Depuis plus d'une décennie, ce type de permis de résidence permet aux investisseurs étrangers d'accéder au visa Schengen via l'Espagne. Décryptage.

un golden visa ouvert sur une carte du monde et un passseportun golden visa ouvert sur une carte du monde et un passseport
Écrit par Frédéric Jambu
Publié le 26 avril 2024, mis à jour le 4 mai 2024

En septembre 2013, sous le gouvernement de Mariano Rajoy du Parti Populaire (PP), l'Espagne, frappée par une crise financière et immobilière, introduit une nouvelle mesure. Le gouvernement y voit un moyen potentiel de relance économique. Initialement perçue comme prometteuse, cette approche révèle rapidement ses limites et risques.


Qu’est-ce que le « Visa doré » ou régime de résidence des investisseurs en Espagne ?

Le « Visa doré » permet à des non-Européens d'acquérir le droit de résidence en Europe. En Espagne, son nom officiel est le PRIE (“Programa de Residencia para Inversores y Emprendedores”). Concrètement, si vous disposez d’au moins 500.000 euros et êtes prêt à investir sur le territoire national, vous pouvez obtenir un visa de résident. D'autres options incluent l'investissement dans des entreprises espagnoles ou la création d'une entreprise d’intérêt général pour le pays. Aucune durée minimale de résidence sur le territoire espagnol n’est requise. 

portail du gouvernement espagnol pour le golden visa
@comercio.gob.es

En outre, ce sésame permet de circuler librement dans les 29 pays de l’espace Schengen (depuis le 31 mars de cette année, il s’agit de 25 États de l’Union européenne, plus la Norvège, l’Islande, le Liechtenstein et la Suisse). Tant que l'investissement est maintenu, le visa est renouvelable. Il permet également de travailler, d'accéder au système de santé, à l'éducation et au regroupement familial. Pour certains, il s’agit clairement “d’acheter” un visa européen.

Entre 2013 et 2022, selon les chiffres officiels, 5.000 permis de séjour de ce type ont été attribués. En 2023, 15% des transactions immobilières en Espagne ont concerné des étrangers non européens. Les premiers ressortissants impliqués sont les Chinois et les Russes. Viennent ensuite des citoyens d’Iran, du Liban ou encore du Venezuela ou du Mexique. Dans le contexte géopolitique actuel, le programme pose clairement problème.

Mais la fin de ce régime en Espagne n’inquiète pas vraiment les professionnels de l’immobilier. Interrogés, ils estiment que l’obtention d’un visa doré n’est pas la motivation principale des investisseurs étrangers. L’attractivité du marché espagnol devrait rester la première raison d’investir sur le territoire.


Du Golden visa… au « passeport doré » 

Beaucoup d’États européens ont précédé ou suivi l’exemple espagnol. Selon la Commission européenne, 19 pays de l’Union pratiquaient le mécanisme des visas dorés en 2019. Certains pays, comme Chypre, Malte ou la Bulgarie, sont même allés beaucoup plus loin. Ils permettent d’accorder la nationalité aux investisseurs étrangers. Dans ces cas, on parle de « passeports dorés ». 

passeport doré espagnol
@Spain Government

Pour le reste, les modalités d’attribution des visas de résidents sont très variables selon les États. La durée, le niveau requis des investissements, les modalités changent d’un pays à l’autre. Les candidats étrangers disposent d’un véritable « catalogue » européen selon leurs propres critères. Toutefois, une tendance de fond se dessine : le recul d’une grande partie des États par rapport au dispositif. 

 

Un phénomène en net repli sur l’ensemble du territoire européen

En mars 2022, le Parlement bulgare a mis fin au programme de « passeport doré », bien que le système de « visa doré » soit toujours en vigueur. Au début du même mois, le gouvernement maltais annonçait la suspension, jusqu’à nouvel ordre, de ce type de passeports aux ressortissants russes et biélorusses. À Chypre, l'abolition de la nationalité pour les investisseurs étrangers en 2020 n'a pas été motivée par des raisons éthiques ou politiques. En 2020, une enquête pour fraude incriminant le Ministre de l’intérieur et la pression de Bruxelles ont sonné le glas du dispositif.

Le Portugal a quant à lui mis fin à la possibilité d’obtention du titre de résident pour les investisseurs étrangers en octobre 2023. Idem pour l’Irlande, alors que les Pays-Bas l’ont annoncé pour 2024. La Hongrie a suspendu son programme en 2017, mais a annoncé la mise en place d’un nouveau régime pour 2024. Quand la nature revient au galop !


Les institutions européennes vent debout !

Après la crise financière du début des années 2010, c’est une autre crise - l’Ukraine - qui fait réagir l’Europe. Le Parlement européen « dégaine » dès mars 2022. Il prend des mesures en adoptant une initiative législative invitant la Commission européenne à proposer un texte pour interdire les "passeports dorés" — les trois pays qui les pratiquaient étant explicitement qualifiés de « parasites ». Le Parlement souhaite également réglementer les visas dorés et appelle à l'établissement de règles européennes communes contre le blanchiment d'argent, la corruption et l'évasion fiscale.

drapeau européen
@Campus France, Flickr

Le texte est largement adopté avec 595 votes pour, 12 contre et 74 abstentions. La rapporteuse néerlandaise du texte, Sophia In’t Veld (Renew Europe) déclare : « Ces programmes ne servent qu’à fournir une porte dérobée pour entrer dans l’UE aux individus suspects qui ne peuvent pas y entrer par la grande porte. Le moment est venu de la fermer, pour que les oligarques russes et d’autres personnes disposant d’argent sale restent dehors ». Par deux fois, courant 2024, le Parlement va renouveler sa position.

Sophie in t veld
Sophia In’t Veld  - Photo: Lara Szpiro/ Renew Europe

Déjà, en 2019, la Commission européenne avait publié un rapport soulignant les risques de ces régimes pour l'espace communautaire. Anitta Hipper, porte-parole de la Commission européenne pour les affaires intérieures, nous précise que : « En mars 2022, la Commission a également publié une recommandation sur les mesures immédiates à prendre dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine pour ce qui concerne les systèmes de citoyenneté et de résidence des investisseurs. La Commission a recommandé aux États membres de s'attaquer aux risques posés par ces systèmes pour la sécurité, le blanchiment d'argent, l'évasion fiscale et la corruption. ». Toutefois, Mme. Hipper ajoute qu’« actuellement, le droit européen ne réglemente pas les conditions d'octroi de permis de séjour sur la base de programmes de résidence pour investisseurs. Les États membres restent donc libres de réglementer les conditions d'admission et les droits des investisseurs qui souhaitent résider dans l'Union européenne. ».

Du côté du Conseil de l'Union européenne, une source interne révèle que l'institution n'a pas de position officielle sur la question. Étant la représentation des 27 gouvernements de l’Europe, on peut comprendre le malaise de cette institution…

 

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