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Carlos Mazón démissionne un an après la DANA : un départ sous tension

Un an après la tempête meurtrière qui a frappé la région de Valence, le président de la Generalitat, Carlos Mazón, a annoncé sa démission. Accusé de négligence et affaibli par des mois de colère populaire, le dirigeant conservateur quitte ses fonctions sans dissoudre le Parlement, laissant la droite valencienne – PP et Vox – se débattre dans une succession incertaine.

carlos mazon en train de marcher à la cité des arts et des sciences à valenciacarlos mazon en train de marcher à la cité des arts et des sciences à valencia
@Carlos Mazón Guixot, oficial.
Écrit par Paul Pierroux-Taranto
Publié le 3 novembre 2025

Un an, jour pour jour, après la DANA qui a ravagé la région de Valence, causant 229 morts et des milliers de sinistrés, Carlos Mazón a fini par prendre la porte. Le président de la Generalitat valencienne a annoncé, lundi 3 novembre, sa démission, au terme d’une année marquée par les polémiques, les manifestations et une colère populaire jamais retombée. Jusqu’à la cérémonie d’hommage aux victimes, où il avait été pris à partie et traité d’« assassin » par plusieurs familles.

« Je n’en peux plus », a lâché ce dirigeant du Parti populaire (PP) lors d’une conférence de presse au Palau de la Generalitat, le visage fermé, la voix lasse. Reconnaissant des « erreurs » qu’il dit « assumer pour la vie », Mazón s’est défendu d’avoir agi par calcul politique, tout en renvoyant la responsabilité vers le gouvernement de Pedro Sánchez, accusé selon lui d’avoir failli dans la gestion de la catastrophe.

 

Mazón s’en va, mais le pouvoir reste entre les mains du PP et de Vox

Contrairement aux attentes d’une partie de l’opposition et des sinistrés, Carlos Mazón quitte la présidence sans dissoudre le Parlement régional. Le dirigeant conservateur a appelé la majorité actuelle – Parti populaire et Vox – à « élire un nouveau président » afin d’assurer la continuité de la reconstruction.

Conformément à la loi valencienne, il restera en fonctions jusqu’à la nomination de son successeur, un processus qui pourrait s’étendre sur près de deux mois. En attendant, la vice-présidente Susana Camarero pourrait assurer la gestion courante du gouvernement.

Dans les couloirs du Palau, trois noms circulent déjà pour prendre la relève : Juanfran Pérez Llorca, fidèle lieutenant de Mazón et porte-parole du PP aux Corts ; María José Catalá, mairesse de Valence et figure montante du parti ; et Vicent Mompó, président de la députation de Valence, favori d’une partie de la direction régionale.

 

Le poids du 29 octobre 2024 : Le 29 octobre 2024, la région de Valence vivait l’une des pires tragédies de son histoire. Une DANA d’une intensité exceptionnelle s’abattait sur l’est du pays, provoquant des pluies diluviennes et des inondations meurtrières. En quelques heures, les torrents avaient tout emporté : routes, maisons, vies. Le bilan, effroyable, s’élève à 229 morts, principalement dans les provinces de Valence et d’Alicante. Depuis, une question continue de hanter les familles : pourquoi l’alerte n’a-t-elle été envoyée qu’à 20 h 11, soit plus de douze heures après la mise en vigilance rouge décrétée par l’agence météorologique AEMET ? Les investigations ont mis en lumière un épisode troublant : Carlos Mazón aurait passé plus de quatre heures à déjeuner avec la journaliste Maribel Vilaplana ce jour-là, suscitant un terrible contretemps dans la prise de décision. L’enquête judiciaire, toujours en cours, cherche à reconstituer la chronologie exacte de cette journée dramatique et à comprendre où, dans la chaîne de commandement, l’alerte a échoué.

 

 Il se fait passer pour une victime.

Pour les associations de victimes, la démission du président régional arrive bien « trop tard ».« Il s’en va en se faisant passer pour une victime, c’est indigne », a réagi Rosa Álvarez, présidente de l’association des victimes mortelles de la DANA, au micro de la Cadena SER. « Nous voulons justice, et que ceux qui ont failli soient jugés », a-t-elle insisté.

Même amertume du côté d’Ernesto Martínez, qui a perdu sa sœur et sa nièce dans les inondations : « C’est un soulagement de ne plus le voir à la télévision, mais notre combat continue. Nous ne nous arrêterons pas tant qu’il n’y aura pas de condamnations. » Un an après la tragédie, la blessure reste vive, et la démission du président ne suffit pas à tourner la page.

 

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L’opposition réclame des élections

La classe politique valencienne, elle, reste profondément divisée. Pour Diana Morant, ministre de la Science et secrétaire générale du PSPV-PSOE, « la démission de Mazón représente un soulagement, mais elle est insuffisante ». La socialiste accuse l’ancien président de « se réfugier au Parlement » pour conserver son immunité et échapper à ses responsabilités judiciaires.

Du côté de Compromís, Joan Baldoví parle d’un dirigeant « indigne jusqu’au dernier jour » et réclame la convocation d’élections anticipées. À gauche, Podemos et Izquierda Unida vont plus loin encore, dénonçant une « dimisión en diferido », une démission incomplète selon eux, et accusent le PP d’avoir « livré la Communauté valencienne à l’extrême droite » en laissant Vox peser sur la succession.

Officiellement, Carlos Mazón assure vouloir « ne pas interférer dans la reconstruction ». Officieusement, la pression était devenue intenable : manifestations mensuelles, hostilité publique et désaffection croissante jusque dans son propre camp. Âgé de 50 ans, l’ex-président a annoncé qu’il prendrait « quelques jours de repos » pour raisons familiales. Il conserve toutefois son siège de député régional, qui lui garantit le statut d’aforado – seul le Tribunal supérieur de justice de la Communauté valencienne peut désormais l’entendre.

Aforado, késako ? En Espagne, certaines fonctions politiques — députés, sénateurs, présidents de région — bénéficient du statut d’« aforado », c’est-à-dire qu’ils ne peuvent être jugés que par une juridiction supérieure. Dans le cas de Carlos Mazón, ce privilège signifie que seule la Cour supérieure de justice de la Communauté valencienne (TSJCV) peut l’entendre ou l’inculper. Un statut qui, selon ses nombreux détracteurs, lui permet d’échapper à la justice ordinaire, et qu’il a conservé en restant député régional malgré sa démission de la présidence.

Pour l’heure, la Communauté valencienne reste suspendue entre reconstruction matérielle et crise politique. Les gravats ont été déblayés, les routes rouvertes, mais le sentiment d’injustice, lui, persiste. Un an après la tempête, les plaies ne se sont pas refermées – ni dans les villes ravagées par les eaux, ni dans la mémoire collective d’une région encore en quête de vérité.

 

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