Portrait de Kheireddine Pacha, deuxième Grand Vizir de Tunis. Un réformateur et fondateur né, qui n'a cessé réformer et de moderniser la Tunisie, en affront constant avec le Bey de Tunis
Kheireddine Pacha ou Khérédine Pacha, encore appelé Kheireddine Ettounsi, né en 1822 ou 1823 et décédé le 30 janvier 1890 à Istanbul, est un homme politique tunisien d'origine circassienne.
Il semble qu'il soit né dans la tribu circassienne des Abkhazes, vivant dans le nord-ouest du Caucase. Son père a probablement été tué lors d'une bataille contre la Russie.
Kheireddine est vendu à Istanbul comme mamelouk à un grand personnage, Tahsin Bey, gouverneur militaire d'Anatolie. Celui-ci l'aurait revendu à l'âge de 16 ou 17 ans, à l'automne 1839, à un agent envoyé spécialement par le bey de Tunis pour lui procurer des esclaves. Le bey, Ahmed Ier, le fait instruire au sein du sérail. Intelligent et cultivé, Kheireddine reçoit une éducation moderne et maîtrise le turc, le persan, l'anglais et le français en plus de l'arabe. Il est formé aux sciences musulmanes traditionnelles, comme le tafsir et les hadiths ; il connaît aussi le Coran par c?ur.
Une carrière militaire fulgurante
Kheireddine poursuit alors une carrière dans l'armée : il devient chef de bataillon en 1840 puis chef d'escadron en février 1842, lieutenant-colonel en août 1845 et colonel en octobre de la même année. En juin 1850, il est nommé général de brigade et commandant de la cavalerie, succédant ainsi à Ahmed, frère du grand vizir Mustapha Khaznadar. Comme la cavalerie est cantonnée à La Manouba, à l'ouest de Tunis, Kheireddine s'y construit un palais*. En octobre 1853, il est promu général de division qui est le plus haut grade militaire après celui du bey[, ce qui lui permet d'accéder à la tête du ministère de la Marine de 1857 à 1862.
Sa carrière militaire s'est déroulée sans événements majeurs car la Régence de Tunis ne connaît pas alors de troubles importants.
De désaccords en réformes
Réformateur, Il voyage beaucoup en Europe au cours de diverses missions. C'est au cours de ces voyages qu'il réalise la montée en puissance du monde occidental.
Homme franc et patriote, il remet maintes fois sa démission à cause d'un désaccord avec les méthodes du bey. Au cours de la période durant laquelle il se retire de la scène politique (1862-1873), il se consacre à la rédaction de son fameux ouvrage, "Le plus sûr moyen pour connaître l'état des nations", dans lequel il expose les causes de la décadence de la Tunisie et plus généralement du monde arabo-musulman.
En octobre 1873, il revient au pouvoir en succédant à Mustapha Khaznada ? qu'il aura contribué à destituer après l'avoir accusé de détournement de fonds publics avec la complicité du favori Mustapha Ben Ismaïl ? comme grand vizir.
Il promet alors de moderniser le pays : il réforme les douanes, les habous, la mosquée Zitouna et la justice tunisienne. Il crée également une bibliothèque et fonde le Collège Sadiki en 1875, ainsi que l'importante administration des habous, plaçant à sa tête le réformateur Mohamed Bayram V, l'administration de la ghaba (forêt d'olivier de la région tunisoise), avec à sa tête Hassouna Ben Mustapha, et l'administration des biens domaniaux sous la direction de Mohamed Ben Cheikh. Son gouvernement est composé d'hommes intègres et compétents comme les généraux Husseïn et Rustum.
Retour aux sources
En 1877, le sultan ottoman, en guerre avec la Russie, demande à Sadok Bey de lui fournir une aide militaire. Kheireddine soutient la demande du sultan tandis que le bey veut y opposer un refus pur et simple. Finalement, un conseil extraordinaire, composé de hauts fonctionnaires, d'oulémas et de notables, opte pour la fourniture de subsides en espèces et en nature recueillis par souscription publique : plusieurs millions de francs et un millier de chevaux et mules sont envoyés au sultan. Mais la sécheresse vient tarir la souscription et même les revenus publics, ce qui oblige Kheireddine à diminuer le train de vie de l'État, y compris la liste civile du bey et de sa famille. Face à cet affront, le bey force Kheireddine à démissionner le 21 juillet 1877.
Toutefois, le sultan ottoman Abdülhamid II fait appel à lui et le nomme grand vizir de l'Empire ottoman, poste qu'il occupe de 1878 à 1879. Il se retire ensuite à Istanbul où il meurt en 1890. Sa dépouille est rapatriée le 9 avril 1968 pour être inhumée au cimetière du Djellaz à Tunis
Héritage
Kheireddine Pacha sur le billet de 20 dinars mis en circulation le 9 novembre 1992
Rues et monuments dont le Palais Kheireddine dans la Medina, et le Palais de la Manouba
* le Palais de la Manouba est désormais utilisé pour les fêtes, cérémonies et mariages