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Sexualité féminine au Japon : l'espace de liberté du Vibe Bar

la fresque murale du Vibe Bar à Shibuyala fresque murale du Vibe Bar à Shibuya
Écrit par Steen
Publié le 14 avril 2021, mis à jour le 12 avril 2024

Au cœur du quartier de Shibuya, au 3e étage d’un immeuble qui passe inaperçu, découvrez le Vibe Bar Wild One, réservé aux femmes ou aux couples.

Ceux qui vivent au Japon sont habitués aux lieux excentriques qu’offre la capitale. RobotRestaurant, cafés à chats (ou chiens, cochons, hiboux, serpents, etc.) cafés thématiques pour fans de manga ou de jeux vidéos, et bien d’autres. Lorsque j’ai poussé la porte du Vibe Bar Wild One à Shibuya, je ne m’attendais donc à rien de plus que ça : un bar « insolite » dans lequel je passerai un bon moment et où j’aurai le droit à quelques cocktails originaux.
Disons-le tout de suite : oui, le Vibe Bar est un bar improbable, mais clairement il est bien plus que cela.

le miroir des toilettes du Vibe Bar

Sexualité féminine au Japon : où en est-on en 2021 ?

Avant de vous parler du bar lui-même, un petit point s’impose ! La sexualité au Japon fait couler beaucoup d’encre. Entre l’art du shibari (bondage), les vidéos pornos présentant des animaux tentaculaires, les sexshops de 8 étages et leurs zones interdites aux femmes, le culte du poil… c’est un univers de fantasmes très éloignés de notre paysage occidental habituel qui nous saute aux yeux. Dans cette frénésie d’objets connectés et d’uniformes scolaires, quelle est la place de la sexualité féminine ?
Récemment, une conférence organisée par FAJ (Femmes Actives Japon) mettait en lumière les difficultés pour les femmes japonaises de se faire entendre et de disposer de certains droits concernant leur propre corps. Dans un monde encore très formel qui n’hésite pas à séparer filles et garçons, on découvre que l’éducation sexuelle est absente des écoles. Seuls 4 % des Japonaises prennent la pilule, devenue légale en 1999 (seulement parce que le viagra avait été légalisé avant). Quant à la pilule du lendemain, elle n’est pas accessible sans prescription d’un médecin. Ce flou qui entoure les relations sexuelles, les moyens de contraception, le plaisir, laisse les femmes en situation de dépendance face aux autorités (médecins, maris ou parents).
Le viol reste extrêmement tabou et il est courant de dissuader les femmes qui en sont victimes de porter plainte. Une volonté « d’éviter la honte » qui se retrouve dans bien d’autres affaires comme nous l’expliquait le spécialiste du crime au Japon de la chaîne Satsujin.
Dans ce paysage peu encourageant, le Vibe Bar offre aux femmes la possibilité de se reconnecter avec leur sexualité, en toute sécurité.

Le menu du Vibe Bar pour une sexualité féminine assumée


 

Un bar qui permet aux Japonaises de briser certains tabous

Le Vibe Bar est une vitrine assumée de Wild One Sex Toys, une boutique en ligne vendant des jouets coquins. Pas question d’y entrer comme dans un moulin à vent ! Il faudra sonner à la porte et attendre qu’on vienne vous ouvrir. Réservé aux femmes, on y retrouve parfois des couples. En revanche, interdiction pour un homme seul d’entrer ! Le but du Vibe Bar est en effet de créer un espace sûr pour celles qui souhaitent prendre le temps de découvrir des sextoys et se renseigner sur leur utilisation.
En parlant avec la responsable présente ce jour-là, je comprends pourquoi : dans les sexshops, les Japonaises venant regarder les produits se font importuner par les hommes. Impossible pour elles de se sentir à l’aise. Parfois elles ont également honte d’être aperçues et d’être mal jugées.
Ouvert il y a plus de 7 ans, le bar tient bon malgré l’épidémie de Covid-19. C’est un décor amusant et chaleureux, où tout, des verres à cocktails aux tables basses, en passant par les toilettes, nous parle de sexe.
Le long des alcôves qui accueillent les tables ou sur le bar s’alignent des sextoys destinés au plaisir féminin, de toutes les tailles et de toutes les couleurs. Une paire de gants jetables est disponible pour chaque cliente. En les enfilant, elle est alors autorisée à se saisir des sextoys afin de les examiner. Une bonne façon de désacraliser l’objet parfois intimidant.
Le bar fournit également sur chaque table des fiches explicatives qui nous en apprennent plus sur la manière d’utiliser un sextoy et d’en tirer du plaisir. Alors que je continue ma discussion avec la responsable, elle mentionne que 50 % de la clientèle du Vibe Bar est étrangère. Un chiffre qui reflète l’inconfort qu’éprouvent toujours de nombreuses Japonaises à parler de sexe (même entre amies) ?

 

décoration incroyable du Vibe Bar à Tokyo

Let’s talk about sex

La question du sexe au Japon est un sujet extrêmement vaste qui ne saurait être abordé en un seul article, au détour d’un seul bar. L’industrie sexuelle japonaise est énorme et comprend de nombreux acteurs, du producteur de sextoys au propriétaire de Love Hôtel en passant par le responsable de clubs d’hôtesses ou de Soaplands. Pourtant, peu d’entre eux s’intéressent à la sexualité féminine et aux envies érotiques des Japonaises. Ces dernières semblent d’ailleurs facilement renoncer à leur vie sexuelle et accepter que leur compagnon fasse appel à des prestations tarifées, comme si séparer sexe et relation de couple était inévitable.
C’est un combat encore long qu’il reste à mener afin que les femmes puissent, en toute indépendance, se réapproprier leur corps et leurs désirs.


 

Entre filles ou pour une sortie de couple, je vous recommande ce bar qui mérite le détour (faites un tour dans les toilettes, elles sont incroyables). Pour ceux qui n’y sont pas habitués, c’est l’occasion de parler sexualité féminine de manière positive.
Vous pouvez réserver une table ou bien vous y rendre directement, le bar se situe à 5 minutes à peine de la sortie Hachiko de Shibuya. Attention, on vous demandera 3 000 yens (à payer à l’entrée) pour une visite de 90 minutes et deux boissons.
 

Adresse : 2-7-4-3 Dogenzaka (3F), Shibuya-ku, Tokyo

Site internet 

 

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