Édition internationale

L’envers du décor : le bilan énergétique de Tokyo

Extrêmement dense, à la pointe des dernières technologies et illuminée de jour comme de nuit, Tokyo affiche l’une des consommations électriques les plus élevées au monde. Mais d’où peut bien venir toute cette énergie ? Face à l’urgence climatique, comment la mégalopole compte relever ce défi ?

photo Salem Choplinphoto Salem Choplin
Écrit par Salem Choplin
Publié le 3 juin 2025, mis à jour le 12 juin 2025

 

Une consommation électrique gargantuesque

Shinjuku, Shibuya ou Akihabara : ces quartiers tirent leur renommée en partie de leurs lumières omniprésentes, jour et nuit. Mais derrière cette vitrine éclatante se cache une consommation électrique massive. Les écrans géants comme ceux de TSUTAYA ou Coca à Shibuya, par exemple, consomment chacun entre 300 000 et 500 000 kWh par an, soit autant que 100 à 150 foyers japonais.

Les étés chauds et humides poussent 60 à 70 % des foyers à utiliser la clim sans interruption entre juin et septembre, gonflant la facture d’électricité de 25 à 30 %. Lors des pics de chaleur, la clim représente jusqu’à 50 % de la demande [2][7]. L’hiver, c’est l’inverse : mal isolés, les logements dépendent du chauffage électrique, alourdissant à nouveau la consommation.

Le réseau de transport tokyoïte, ultra efficace, n’est pas en reste : métros et trains sont estimés à près de 12 TWh par an, soit 20 % de l’énergie de la ville [3]. Cela dit, une ligne comme la Yamanote transporte 4 millions de passagers par jour, l’équivalent de 2 millions de voitures en moins [8].

En bref, Tokyo consomme annuellement environ 60 TWh d’électricité. À titre comparatif, c’est plus que des pays entiers, comme le Danemark, le Portugal, la Grèce ou l’Autriche [1]. À l’échelle mondiale, si Tokyo était un pays, elle se classerait parmi les 40 plus gros consommateurs d’électricité [1].

 

ligne JR

 

Une source d’énergie controversée

Cette énergie, Tokyo la puise à 75 % des énergies fossiles et majoritairement du gaz naturel liquéfié (GNL) [3]. Cela pose deux problèmes majeurs, l’un économique et l’autre environnemental. En effet, le Japon importe 90 % de son GNL en provenance de l’étranger, principalement de l’Australie, des États-Unis et du Moyen-Orient [4]. Outre les prix volatils et les risques de conflits diplomatiques, ces importations coûteuses ont représenté 7000 milliards de yens en 2022, soit 45 milliards d’euros [3].

Hormis les questions économiques, le GNL, bien que moins polluant que le charbon, émet tout de même 50 % de plus de CO2 que les énergies renouvelables [1]. Cette dépendance aux énergies fossiles est explicable par les événements de Fukushima en 2011. L’énergie nucléaire représentait plus de 30 % de la production d’électricité nationale à l’époque. L’accident a entraîné un arrêt de tous les réacteurs du pays, faisant alors compenser ce manque d’énergie par une hausse massive du gaz naturel et du charbon. Depuis 2015, 11 réacteurs ont redémarré et le nucléaire revient petit à petit, fournissant aujourd’hui 5 % de l’électricité nationale [5]. Bien que Tokyo ne présentât pas de centrales à proximité, la ville était tout de même partiellement alimentée par celles de la région (notamment celles de la préfecture de Fukushima).


 

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Une transition écologique compliquée ?

Conscient de ses lacunes écologiques, Tokyo compte bien changer ses dépenses énergivores colossales. Le gouvernement japonais a annoncé un objectif de neutralité carbone en 2050 et compte réduire ses émissions de CO2 de 50 % d’ici 2030 [10]. Pour pallier à cet objectif, la mégalopole a lancé plusieurs mesures : l’obligation que les logements neufs aient une production d'énergie renouvelable (ou une compensation via d'autres moyens), des campagnes de sensibilisation à la sobriété énergétique ou l’amélioration de l’efficacité énergétique dans les bâtiments publics [2].

Reste à voir si ces ambitions sauront se traduire en actes concrets, tant les obstacles sont nombreux. Entre le manque de place pour installer des infrastructures vertes et la forte culture de l’éclairage 24/7, il y a de quoi se poser des questions.

Aussi attirante soit Tokyo, la capitale du pays a de quoi se remettre en question.

Derrière son masque de lumières hypnotisant se cache un bilan carbone effrayant et une réelle ambition d’amélioration écologique est nécessaire. En retard sur de nombreuses autres grandes villes sur la sobriété et le renouvelable, Tokyo devra apprendre à briller autrement que par sa grande consommation électrique.

Photographies de l'article © Salem Choplin

 

Bibliographie

 

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