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Tokyo : Guillaume Bottazzi, un artiste français à la Galerie Itsutsuji

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Publié le 22 mai 2019, mis à jour le 25 mai 2019

L’artiste Guillaume Bottazzi exposera pour la 5ème fois ses œuvres du 17 mai au 22 juin à la Galerie Itsutsuji. Dix œuvres peintes sur lin ou tissu ainsi que deux installations sur toile d’avion retro-éclairées seront présentées au cours de cette exposition intitulée « Japan my love ». Rencontre avec l’artiste, amoureux du pays du soleil levant.  

 

Pouvez-vous nous parler de ce lieu emblématique qu’est la galerie Itsutsuji ? 

Cet endroit est un lieu qui a permis à de nombreux artistes français de se faire connaître au Japon, comme Pierre Buraglio. Cette galerie a une longue histoire et elle est célèbre ici pour sa spécialité atypique de l’art français, car la France reste un petit mystère pour le Japon. Monsieur Itsutsuji a ouvert sa propre galerie et a introduit entre autre le mouvement support/surface. Il a été décoré Chevalier des Arts et des Lettres pour sa contribution à l’art français sous l’initiative de Daniel Abadie, à l’époque directeur du Jeu de Paume. J’ai eu la chance de travailler avec cette galerie depuis 2004. C’est une belle rencontre et une belle histoire. 

 

Comment vous est venu ce goût pour l’art ? 

J’ai voulu être artiste à plein temps à mes 17 ans. Ma famille était un peu inquiète de ce choix, mais j’étais têtu, donc j’ai commencé dans la rue, sans argent. J’ai commencé en Italie par goût personnel et j’ai appris à peindre en utilisant les techniques de la peinture italienne, c’est-à-dire en commençant par travailler la lumière du tableau. Aujourd’hui, ça fait 29 ans que j’exerce, j’ai beaucoup de chance, car j’ai pu travailler 5 ans à New-York, puis au Japon, où j’ai réalisé de très beaux projets. 

 

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© Guillaume Bottazzi



Comment qualifiez-vous votre art et quel est son but ? 

C’est de l’art abstrait. Eric Kandel, Prix Nobel de physiologie, a expliqué l’effet de l’art sur le cerveau humain. Il a prouvé que l’art abstrait permet de forcer l’activité, plus que l’art figuratif. Quand on regarde des nuages par exemple, on peut interpréter la forme des nuages, mais on va directement les identifier comme tels. Mais lorsqu’on est devant l’une de ces œuvres abstraites, ça déclenche notre envie de nous poser des questions. En fait, je pense que mes œuvres ont deux aspects : d’abord, permettre de se développer personnellement, mais aussi faire du bien par les formes circulaires et les couleurs chaudes que j’adore.

 

Y a- t-il un lien entre votre travail et la psychologie / psychanalyse ? 

Au départ, j’ai une démarche poétique. Actuellement, beaucoup d’artistes s’intéressent aux neurosciences, parce qu’elles nous permettent de mieux comprendre le fonctionnement des personnes devant une œuvre d’art. C’est important de créer une appétence et de produire  un sentiment de bien-être devant une œuvre ; d’où ce travail sur les courbes. C’est une façon d’optimiser les effets de mon travail, mais ma démarche poétique garde un côté instinctif et intuitif.

 

Est-ce pour cela qu’il n’y a pas de titres à vos tableaux ? 

Il faut que le public puisse mettre son propre titre, car il est quelque chose d’externe à l’art. S’il n’y a pas de titre, chacun pourra voyager différemment en regardant le tableau. Il y a des subtilités dans mon travail pour valoriser l’activité de ceux qui regardent. Par exemple, je travaille sur les jeux d’ombres et de lumières. L’œil va d’abord être attiré par les intersections des lignes pour essayer de comprendre le sujet. C’est pour cette raison qu’elles disparaissent au fur et à mesure, pour que l’on puisse soi- même continuer à dessiner le tableau. 

 

Pourquoi choisir les grands formats, les œuvres in situ ?

D’abord, parce que ces tableaux monumentaux vont s’inscrire dans le patrimoine des villes où ils se situent. Ce n’est pas simplement l’œuvre qui est en mouvement, ce sont aussi les personnes qui vont la regarder. Elles  vont circuler et se mouvoir pour voir l’œuvre dans son intégralité. On est dans le registre de l’expérience personnelle de chacun et de la valorisation de quartiers. Je veux permettre aux gens de recevoir cet art abstrait, car c’est bénéfique pour tous. Mais j’aime aussi m’exercer aux formats plus petits.  

 

Vous avez notamment réalisé la plus grande peinture du Japon située sur la façade du Musée Miyanomori à Sapporo… 

On m’a demandé de peindre les façades du musée. Il fallait que j’apporte de l’optimisme, parce qu’en mars 2011, un tremblement de terre et un tsunami venaient de dévaster les terres japonaises. Je ne pensais pas au danger physique que cela pouvait causer pour moi, le plus important était la mission qu’on m’avait donnée : c’était de contribuer à restaurer l’optimisme et d’apporter un peu de joie et de couleurs, selon mes moyens. On m’a donné libre champ et j’avais vraiment envie de favoriser les échanges et les rencontres, surtout dans un contexte comme celui-là. C’était une note d’espoir pour les Japonais et cette œuvre a touché beaucoup de personnes. Les bus étaient pleins pour venir me rencontrer et comprendre comment cela fonctionnait. 

 

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© Guillaume Bottazzi

 

Quel a été le tournant de votre vie d’artiste et d’homme ?

C’est maintenant, je pense. Je commence à perdre mes cheveux, mal voir, je commence à être vieux en fait… (rires) Plus on vieillit, plus on s’améliore, quand on est peintre. Lorsque j’ai commencé mon activité, je me faisais penser à un proverbe chinois qui dit « si tu ne trouves pas ta route, construis-la ». Je pensais qu’il fallait être son propre initiateur, donc j’ai essayé de croire en mon propre regard. Mais le plus grand tournant pour moi est aussi le fait d’avoir pu venir travailler au Japon. Cela m’a permis de me révéler autrement, ma démarche est plus modeste.

 

Qu’est ce qui vous plaît justement au pays du soleil levant ? 

A peu près tout et il m’a permis d’évoluer. Je suis latin à la base et je suis quelqu’un de très direct. Ici, j’ai rencontré et découvert des gens très subtils, qui lisent entre les lignes et ont de l’empathie… Toute cette douceur. Ils regardent avec tellement d’attention. Et puis, l’esthétique japonaise. Je crois que l’Europe et le Japon sont les plus beaux territoires au monde. 

 

Justement, vous aimez développer une proximité avec le public…

C’est très important pour moi. Il y a une raison cartésienne à cela. On sait que la question du beau est liée à l’expérience personnelle de chacun et je veux donner l’occasion aux visiteurs de l’exposition de vivre cette expérience pour les conduire à mon esthétique. Il y aura une toile blanche installée et tous pourront peindre à ma manière. Le fait d’être dans l’action va permettre aux personnes de vivre un moment, dont ils se souviendront plus facilement. J’aime le partage, aller au contact des gens, c’est tellement important et je trouve que c’est ce qui manque au monde de l’art.

 

Quels sont vos projets à venir ? 

J’ai plus de onze projets en cours, dont un à Lens, en partenariat avec le Louvre Lens. L’idée est de faire venir le grand public au musée pour lui permettre de se familiariser avec le lieu. Beaucoup de personnes ne vont pas au musée, car il y a une sorte de frontière invisible (rires), mais je veux vraiment changer ça.
 

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