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Entretien avec Amélie Nothomb 2/2 : Japon éternel

Suite à notre première rencontre à la Foire du Livre de Bruxelles le 16 mars 2025, Amélie Nothomb a accepté ma proposition d’échanges épistolaires relatifs à ses deux dernières parutions chez Albin Michel : « L'Impossible retour » et « Le Japon éternel – Voyage sous les fleurs d’un monde flottant. » Ses réponses, brèves comme des haïkus, laissent volontairement la place aux livres. Elles nous invitent à nous y plonger pour en saisir toute la richesse.

Image « Le Japon éternel» Image « Le Japon éternel»
Écrit par Adina Mazzoni-Cernus
Publié le 3 juin 2025, mis à jour le 17 juin 2025

 

L’entretien autour de son dernier roman « L’impossible retour » a été publié le 10 juin 2025. Découvrons aujourd’hui, sa toute dernière publication.

 

Adina Mazzoni-Cernus : Vous affirmez que vous connaissez peu de plaisirs aussi grands que de jouir d’une couleur. Pourquoi ce livre est-il en noir et blanc, à une exception près : les lèvres rouges sur la couverture ?

Amélie Nothomb : Cette oeuvre existait en l’état. Elle convenait donc parfaitement au propos.

 

AM-C : Vous approuvez le syncrétisme des japonais qui cumulent souvent le shintoïsme, le bouddhisme et la chrétienté. Le shintoïsme continue-t-il d'infuser votre quotidien ou votre rapport au monde ?

AN : Oui. Tout ce qui est beau est Dieu dans mon quotidien.

 

AM-C : Vous avez aussi une préférence pour le bouddhisme zen de l’école Rinzai qui utilise les kōan « zen de la parole » pour chercher l’illumination satori ou le petit éveil keshō.

Avez-vous trouvé ce dernier dans l’écriture ?

AN : Souvent !

 

AM-C : Pendant la contemplation du célèbre jardin zen de l’école Rinzai, Ryoan-ji à Kyoto, vous pensiez qu’il faut « ratisser notre vide comme ce jardin ». Que voulez-vous dire par là ?

AN : Qu’il faut aimer notre vide.

 

AM-C : Vous considérez Nietzsche comme votre sauveur. Étant donné sa vision du temps cyclique, de la transformation et de l’acceptation radicale du destin « amor fati », pensez-vous qu’il aurait pu, à sa manière, être un moine zen ?

AN : Cela l’aurait sauvé.

 

AM-C : Vous êtes une prêtresse de « L’Éloge de l’ombre » de Jun’ichirō Tanizaki, vous réveillant chaque matin à 4 heures dans l’obscurité.

Peut-on dire que vos rituels d’écriture répétés célèbrent aussi l’éloge du quotidien cher à Nietzsche ?

AN : Je l’espère.

 

AM-C : Pour vous, « le haïku est la confrontation de l’éphémère avec l’éternel ». C’est-à-dire ?

AN : Saisir l’éternité par l’instant.

 

AM-C : Votre père était une légende du théâtre Nō, cet art poétique mêlant chant, danse et drame. Est-ce cet art au « carrefour des songes » qui vous a transmis la conviction d’un monde après la mort — puisque vous continuez à dialoguer avec votre père disparu ?

AN : Cela ne me vient pas de là, mais cela fait bon ménage.

 

AM-C : Vous parlez des traditions japonaises avec passion.  Auriez-vous aimé vivre à la Cour de Heian (794-1185) à côté de Murasaki Shikibu et Sei Shonagon ? ou à une autre époque ? et pourquoi ?

AN : Oui, pour la splendeur, mais pour l’état de la médecine, je préfère vivre aujourd’hui.

 

AM-C : Dernièrement, vous avez découvert le kōdō la « voie de l’encens », une tradition aussi codifiée et spirituelle que la cérémonie du thé sadō ou la calligraphie shodō. Dans cet art ancestral, on « écoute » les encens plutôt que de simplement les sentir.

Si vous deviez ajouter une seule odeur à ce livre pour compléter les images et les mots, laquelle choisiriez-vous et pourquoi ?

AN : Le pétrichor : l’odeur de la terre après la pluie. C’est l’odeur même du Japon.

 

De tout cœur, un immense MERCI à Amélie Nothomb pour ses réponses.

 

bio amélie nothomb

 

Ecrivains cités :

  • Friedrich Nietzsche, philosophe - concept de Éternel Retour et amor fati
  • Jun’ichirō Tanizaki > « Éloge de l’ombre -  In'ei raisan »
  • Murasaki Shikibu > « Le Dit du Genji - Genji monogatari »
  • Sei Shonagon > « Notes de chevets - Makura shoji »
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