Édition internationale

Quelles est la place des femmes dans le monde professionnel au Japon ?

La célèbre formule « entre tradition et modernité », régulièrement utilisée pour vanter les mérites du Japon aux rêveurs français, renvoie souvent notre imaginaire vers les fêtes shintoïstes au milieu des grands immeubles, la sublime diversité architecturale de la capitale, mais elle nous renvoie que trop rarement vers les inégalités que renferme ces « traditions ».

Femmes rentrant du travail - KawaguchiFemmes rentrant du travail - Kawaguchi
Écrit par Achille Franchet
Publié le 10 juin 2025, mis à jour le 23 juin 2025

 

 

Un décor qui évolue… en surface au Japon

Si la société japonaise avance vers une plus grande inclusion des femmes dans le monde professionnel, les inégalités restent nombreuses. Avec un taux d’activité féminine autour de 72,6 % en 2023 (source : ministère du Travail japonais)1, le Japon affiche des chiffres comparables à la France. Mais derrière cette moyenne, les écarts sont profonds : plus de 44 % des femmes japonaises actives occupent un emploi non permanent (à temps partiel, intérim, etc.), contre seulement 12 % pour les hommes.

Quant aux postes à responsabilités, les femmes n’occupaient que 13,1 % des postes de direction dans les entreprises japonaises en 2023, bien loin de l’objectif gouvernemental fixé à 30 % pour 2030 (source : Gender Equality Bureau Cabinet Office)2.

 

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Entreprendre pour s’émanciper

Malgré ces obstacles, certaines femmes tracent leur route autrement.

C’est notamment le cas d’Hélène Marbach, expatriée française, qui a quitté un poste stable à la SNCF pour s’installer à Tokyo en 2015. Un an plus tard, elle cofonde le portail vivreatokyo.com, entièrement dédié à la vie dans la capitale nippone. Par ce projet entrepreneurial, elle réussit à vivre de sa passion tout en créant une ressource utile pour la communauté francophone, loin des chemins traditionnels du salariat japonais (source : CCI France-Japon)3.

 

helene marbach

Source de la photo : profil Linkedin

 

Ce contournement du système traditionnel, par l’entrepreneuriat, l’art ou les réseaux de solidarité féminine, est un chemin de plus en plus emprunté par la nouvelle génération Tokyoïte et par de nombreux expatriés.

Le gouvernement, lui, tente de suivre. Le plan Womenomics, lancé dès 2013, continue de fixer des quotas et d’inciter les entreprises à embaucher des femmes dans des postes à responsabilité. Mais sur le terrain, les effets restent minimes.4

 

 

Une culture d’entreprise encore très genrée au Japon

Ces mesures et apparentes avancées sont évidemment à nuancer d’un point de vue pratique, car si les femmes travaillent, elles sont encore largement cantonnées aux postes dits non permanents, et très peu accèdent aux hautes sphères du pouvoir économique. Mais ces mesures sont également à nuancer d’un point de vue géographique, car elles ne trouvent que peu d’écho dans les régions rurales du Japon, où la tradition, qui cantonne chaque genre à un rôle, persiste encore majoritairement.

Le modèle du ryosai kenbo — la « bonne épouse, sage mère » — continue d’imprégner les mentalités. Résultat : de nombreuses femmes quittent le marché du travail après le premier enfant, ou choisissent de ne pas en avoir pour préserver leur carrière. Le mot « matahara », contraction de « maternity harassment », a même été inventé au Japon pour désigner les discriminations subies par les femmes enceintes dans l’entreprise.5

 

 

Un futur encore flou, mais en marche

Ce qui frappe à Tokyo, c’est l’écart vertigineux entre les vitrines progressistes des grandes entreprises et la réalité plus rigide du monde du travail. Mais partout, par petites touches, les femmes redessinent leur place. Moins par revendication frontale que par invention discrète. Et c’est peut-être là que réside leur plus grande force : avancer, malgré tout, dans un système pensé sans elles, en l’obligeant doucement à changer de forme.

Dans le métro bondé du soir, une femme en costume consulte son ordinateur entre deux stations. Derrière elle, une mère en jean tente de calmer un bébé. Et quelque part dans cette cohabitation silencieuse, une nouvelle image du travail se dessine.

 

Sources :

1 https://www.oecd.org/en/data/indicators/employment-rate.html?oecdcontrol-40985420ae-var3=2023

2 https://www.gender.go.jp/english_contents/about_danjo/index.html

3 https://fr.japantravel.com/profile/marbach-h%C3%A9l%C3%A8ne/154787616

https://www.ccifj.or.jp/evenements/calendrier/e/event/building-a-business-in-japan-vol2-the-challenges-of-entrepreneurship-in-japan.html

4https://www.japan.go.jp/tomodachi/2014/summer2014/womenomics_is_pushing_abenomics_forward.html

5 https://www.nippon.com/fr/japan-data/h00610/

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