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TINTIN AU CONGO - Hergé raciste ?


Tintin comparait cette semaine devant la justice belge. Un citoyen congolais réclame "le retrait de la vente ou à défaut, l'ajout d'un avertissement" sur l'album Tintin au Congo (AFP), qu'il juge "raciste à l'égard des Africains"

Avertir les lecteurs, notamment les plus jeunes
Le tribunal de première instance de Bruxelles va devoir déterminer s'il y a lieu de prendre des mesures à l'égard de l'album incriminé pour propos racistes.  A l'origine de l'affaire, Bienvenu Mbutu Mondondo, un citoyen congolais de 42 ans qui réside en Belgique depuis 1989. Il dénonce les stéréotypes négatifs sur les Noirs qui émaillent la BD, où ils sont caricaturés et montrés comme étant paresseux et peu évolués.

Cité comme témoin, le Conseil représentatif des associations noires ( CRAN) ne réclame pas l'interdiction de l'ouvrage mais demande à ce "qu'il soit assorti d'un bandeau et d'une préface éclairant le lecteur sur la nature d'une ?uvre qui affirme une supériorité raciale, celle des Blancs sur les Noirs, et ne devrait donc pas être diffusée sans avertissement". Son président, Patrick Lozès explique : "Nous ne faisons un procès ni à Tintin, ni à Hergé, mais à des préjugés raciaux", "ce livre fait clairement l'apologie de la hiérarchie des êtres humains. Aucun enfant ne naît avec des stéréotypes. Dans un souci pédagogique, il est nécessaire d'avertir les enfants face aux propos de la BD pour qu'ils prennent de la distance".

Hergé un auteur raciste ?
Récurrentes dans l'album, les expressions "li missié blanc très malin", "li Blanc est bon" et "li Blanc est juste" sont intolérables pour M. Mondondo. Déjà, en 2007, la Commission britannique pour l'égalité raciale avait estimé que cet ouvrage contenait "des images et des dialogues porteurs de préjugés racistes abominables, où les 'indigènes sauvages' ressemblent à des singes et parlent comme des imbéciles". Depuis cette date l'édition britannique comporte une préface indiquant qu'Hergé en avait reconnu la vision "paternaliste" des Noirs considérés comme de "grands enfants".
Deuxième album des aventures du célèbre reporter, Tintin au Congo a été publié pour la première fois en 1931 avant d'être remanié par Hergé en 1946 lors de sa mise en couleur. L'auteur l' avait alors purgé de ses éléments jugés les plus polémiques. Il avait notamment modifié une planche montrant Tintin dans une école congolaise. Dans la première version, le reporter explique aux enfants que la Belgique est leur patrie, dans la deuxième version, il leur enseigne le calcul.

Dans ses Entretiens avec Numa Sadoul en 1975, le père de Tintin avait déclaré n'avoir représenté les Africains que conformément aux préjugés du moment, dans le cadre d'une époque bien spécifique. A la question de savoir ce qu'il répond aux personnes qui le traitent de raciste, l'auteur répond " Toutes les opinions sont libres?"

"Un reflet de l"époque coloniale"
Du coté de la défense, le retrait de l'album est inconcevable pour les éditions Castermann, éditeur des albums de Tintin qui déclarent "Cela fait 80 ans que cet ouvrage, qui n'est qu'une photographie de sentiments de l'époque, est distribué aussi bien en Europe qu'en Afrique, sans causer de problèmes. Tintin au Congo fait partie du patrimoine mondial de la bande dessinée". L'insertion d'un avertissement relève selon eux du droit moral des ayants droit, c'est-à-dire la veuve d'Hergé. L'avocat de la société Moulinsart ( qui gère les droits dérivés d'exploitation et de reproduction autres que les droits d'édition) également assignée commente : "Si l'on exige que tout ce qui est écrit soit politiquement correct, il va falloir interdire Dickens, Simenon, Jules Verne, Zola, Sade...Tintin au Congo, à côté de certains écarts antisémites, anti-arabes ou pédophiles chez les auteurs que je viens de citer, ne tient pas de propos racistes".

Derrière l'affaire, il est probablement question de la reconnaissance par la Belgique des travers de son passé colonial. Roger Bongos, un journaliste congolais vivant à Paris estime que "Hergé n'était pas raciste, son ?uvre reflétait simplement l'image que l'Occident avait du Congo et de l'Afrique à cette époque ainsi que les velléités colonialistes des Belges". Il poursuit "Personnellement, je ne soutiens pas son interdiction parce que je pense que c'est important que les enfants puissent le lire et comprendre comment les noirs étaient traités dans le monde colonial".


L'affaire pourrait d'ailleurs ne pas se cantonner au territoire belge. L'un des avocats de M. Mondondo envisage de porter l'affaire devant la Commission des droits de l'Homme de l'Union africaine. Le CRAN assure que "si la justice belge ne montre pas la célérité nécessaire, nous saisirons la justice française pour obtenir ce que nous réclamons".
Siri Ounechay ( www.lepetitjournal.com) lundi 17 mai

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Le Monde : "Tintin au Congo" devant la justice belge