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Théâtre : le Melbourne French Theatre présente sa nouvelle pièce

C'est encore mieux l'après-midi Melbourne French Theatre AustralieC'est encore mieux l'après-midi Melbourne French Theatre Australie
Crédit : Melbourne French Theatre
Écrit par Séverine Gasq
Publié le 6 septembre 2018, mis à jour le 6 septembre 2018

Cela fait 41 ans que le Melbourne French Theatre existe. Du 6 au 15 septembre, la troupe présente sa dernière pièce en date, Love is Better in the Afternoon (C’est encore mieux l’après-midi) de Ray Cooney, adaptée par Jean Poiret, mise en scène de Kotryna Gesait. A cette occasion, Lepetitjournal.com / Melbourne a rencontré Michael Bula, fondateur et directeur du MFT.

 

Lepetitjournal.com / Melbourne : Quel est le rôle du Melbourne French Théâtre en Australie ?

Michael Bula : Nos objectifs sont multiples. Nous présentons des pièces jamais vues en Australie, en français, avec des surtitres en anglais. Cela crée tout un monde. Nous engageons le metteur en scène, les comédiens, les équipes de production, les équipes de traduction, les éclairagistes, les costumiers, etc. Nous avons besoin d’une soixantaine de personnes pour chaque pièce. Et nous avons fait 104 pièces. Donc cela fait pas mal de monde ! Nous parvenons à avoir un niveau professionnel avec très peu de ressources financières et aucune subvention de la France, malgré nos tentatives répétées pour en obtenir. La plupart des membres de l’équipe sont bénévoles. Donc je dois leur rendre hommage. Ce sont des comédiens et des techniciens professionnels qui travaillent bénévolement. Les gens pensent que le bénévolat équivaut forcément à de l’amateurisme. C’est faux !

Hormis les pièces pour le grand public, on fait tourner Le Petit Nicolas, Le Petit Prince et Courteline exclusivement dans les écoles. Donc nous avons aussi un côté pédagogique. Quand je visite les écoles, je parle de l’utilité du français dans leur future carrière. Je leur montre une carte du monde et tous les pays qui parlent français. Les enfants sont très étonnés de voir l’étendue de l’influence de la langue française. Donc le Théâtre a aussi un rôle d’ambassadeur de la langue. Nous ouvrons l’esprit des jeunes vers la langue française. C’est très important.


Et comment se passent les répétitions ?

Tous les comédiens, sans exception, ont un job. Donc ils répètent le soir après le travail. Ce sont des semaines très longues… Pendant la saison, ils répètent pendant deux mois, trois fois par semaine. Et en plus ils doivent apprendre leur texte. Tout cela leur demande un don de soi énorme. Pourquoi travaillent-ils si dur ? Parce qu’ils adorent le français, et parce qu’ils adorent faire partie de cette troupe. 


Vous n’avez jamais été découragé ?

Bien sûr, mille fois ! Découragé, stressé, fâché ! Tout le temps. Mais ce que ce théâtre nous donne n’a pas de prix… On adore ce qu’on fait, c’est unique. Se produire en français à Melbourne c’est un privilège ! 


Est-ce qu’il y a aussi des anglophones dans le public ?

Bien sûr, parce qu’on a des surtitres. Sans surtitres, on perdrait plus de 50% du public. Il y a au moins 50 à 60% de non-francophones. C’est énorme. 


Ce sont des francophiles ?

Oui. C’est le même public qu’au Festival du Film français. Et puis il faut compter les écoles qui constituent aussi un tiers du public. Si nous choisissons des pièces qui découragent les écoles parce que trop osées ou obscures, nous perdons un tiers de notre public.


Donc vous n’avez pas une totale liberté dans le choix des pièces ?

Non, parce que le théâtre doit être rentable. C’est bien beau de faire des pièces avant-gardistes mais il faut que nous rentrions dans nos frais. Nous jouons parfois des pièces moins connues mais nous prenons prend alors un risque ; parce que s’il n’y a personne dans le public, c’est un suicide financier. Mais même avec ces limites, nous avons monté Marivaux, Molière ou Florian Zeller quand il était encore inconnu en Australie. Nous avons joué des pièces d’origine anglaise adaptées en français et des pièces françaises. Nous avons même programmé des pièces bilingues quand les surtitres étaient encore techniquement impossibles. Au début du Melbourne French Theatre, Colin Duckworth était le chef du département français à l’Université de Melbourne. Il était anglais mais parfaitement bilingue et expert en théâtre. Il avait personnellement connu Ionesco, Beckett, et Jean Tardieu. Il a importé de Londres le concept de pièce bilingue. C’était fascinant. Il s’agissait d’une sorte de collage : la pièce était jouée aux deux tiers en français et à un tiers en anglais. Le tiers anglais était stratégiquement placé pour permettre au public anglophone de comprendre la pièce sans surtitres. 
Depuis 1999, les pièces sont toutes surtitrées. Et la création de ces surtitres est un projet en soi. On a une équipe de traducteurs, souvent des étudiants de Monash. Chaque pièce demande deux ou trois mois de travail car il faut adapter et réduire le texte pour un public australien. C’est un travail très difficile. 


Est-ce que vous pensez aussi au public francophone qui comprend la pièce et les surtitres ?

Les traducteurs y pensent sûrement. Et parfois les spectateurs francophones émettent des réserves sur les surtitres car ils ne sont pas d’accord avec la traduction. Ça fait partie du jeu, c’est normal. Mais on doit se concentrer sur le public non-francophone. 
Ce qui est très intéressant avec ce type de pièces, c’est le décalage des rires, en deux temps ; d’abord des francophones, puis des anglophones. Les comédiens doivent s’adapter. 


Est-ce que cela change le rapport des comédiens au public ?

Bien sûr. Le public, c’est le quatrième mur. Donc ses réactions nous affectent. Nous puisons dans l’énergie du public. Cette énergie nous donne de l’adrénaline et nous pousse encore plus loin. La comédie c’est le rythme, donc ces deux vagues de rire changent le tempo des comédiens. 


Parlez-nous de la metteuse en scène de C’est encore mieux l’après-midi.

Kotryna Gesait est d’origine lituanienne mais a vécu toute sa vie à New York. Elle est comédienne et metteur en scène professionnelle. Nous avons toujours choisi des metteurs en scène expérimentés. S’ils parlent français tant mieux mais ce n’est pas toujours le cas. Donc nous leur affectons un assistant francophone. C’est le cas ici. La plupart des metteurs en scènes viennent nous chercher. C’est ce qu’elle a fait. Je veux que le metteur en scène aime la pièce ; je ne leur impose jamais rien. Je leur propose une sélection de pièces et ils choisissent. J’ai proposé cinq ou six pièces à Kotryna, en espérant secrètement qu’elle choisirait Love is Better in the Afternoon. Et elle a tout de suite choisi cette pièce. Elle m’a proposé une idée de mise en scène très épurée, presque symbolique, qui m’a beaucoup plu. Elle travaille beaucoup sur l’intention, le voyage du comédien. Nous avons passé un mois de répétitions assis autour d’une table à discuter du texte, de chaque réplique, à décortiquer chaque virgule. Cette rigueur a beaucoup plu aux comédiens ; c’était un véritable échange. La pièce a considérablement évolué depuis la première lecture. L’alchimie entre les comédiens y est pour beaucoup.


Parlez-nous de la distribution.

Le ministre Richard Marchelier, incarné par Geoffrey Denans, est à l’hôtel avec sa femme, Christine (Mélissa Octave), dans sa chambre, et sa maîtresse, Stéphanie Margelle (Mariam-Alice Saad), dans une autre. Georges (Richard Ryan), le secrétaire privé du ministre, est le malheureux qui doit couvrir l’aventure de son patron, et que la femme du ministre cherche à séduire. Il y a ensuite Florentine (Heather Allardyce), la députée de l’opposition, qui cherche le scandale pour détruire politiquement le ministre. Tous logent dans le même hôtel car la pièce se déroule lors d’une session de l’Assemblée Nationale. Ensuite, il y a le directeur de l’hôtel (Michael Bula), un ancien militaire, et enfin Mario (Julien Cayeux), qui est un condensé de tout le personnel de l’hôtel. Il fait réceptionniste, homme de ménage, serveur… Dans l’esprit de la série britannique Faulty Towers. 


Est-ce que vous diriez que cette pièce est d’actualité ?

Probablement pas. La pièce a été écrite en 1987. On en a adapté les références sans les supprimer. Car ce n’est pas notre rôle d’émasculer une pièce. Mais on doit néanmoins penser au public d’aujourd’hui. Ceci dit, ce n’est pas une pièce qu’on voulait transposer en 2018. Il n’y a aucune référence à la technologie, aux téléphones portables. On voulait garder l’époque un peu floue. 


Qu’est-ce que vous diriez à nos lecteurs pour leur donner envie de venir ?

Cette pièce donne l’impression d’être téléporté en France. Ils pourront voir des comédiens dans un espace très intime, à moins d’un mètre du public. On sent la chaleur, l’énergie ; c’est une expérience inoubliable. Et un petit cocktail est offert avant chaque représentation. C’est très convivial. C’est une vraie fenêtre sur la culture française en Australie. Venez soutenir votre théâtre ! Nous sommes un enfant de cette ville, aidez-nous à faire de Melbourne la capitale culturelle de l’Australie !

 

Love is Better in the Afternoon (C’est encore mieux l’après-midi)

Du 6 au 15 septembre

Melbourne French Theatre

Tarif : 39$

Retrouvez toutes les informations et réservez ici.

Séverine Gasq
Publié le 6 septembre 2018, mis à jour le 6 septembre 2018

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