Le Parlement suédois votera le 23 mai prochain la mise en place d’un projet de loi portant sur le consentement dans les relations sexuelles. Désormais, avant tout contact sexuel, l’accord devra être explicitement affirmé entre les partenaires. Un pas en avant pour les organisations féministes qui luttent pour l’égalité des genres et la reconnaissance des droits des femmes, victimes d’abus sexuel et de viol.
Un nouveau projet de loi sur le consentement : non c’est non !
Il ressort de l’Étude sur la criminalité en Suède* qu’en 2016, 20 300 agressions sexuelles ont été signalées dont 6 720 ont été classées en tant que viol. 2,4 % de la population (âgée de 16 à 79 ans) a déclaré avoir subi une agression sexuelle la même année, soit 181 000 personnes concernées. De tels chiffres ont marqué le renforcement de la législation qui pourrait être adopté par le gouvernement suédois, visant à incorporer la notion de consentement dans le cadre d’accusation pour viol. Si le projet de loi est approuvé, il rentrera en vigueur à partir de juillet 2018.
Pour qu’une agression sexuelle soit qualifiée et reconnue en tant que viol dans la législation suédoise, plusieurs éléments doivent être pris en compte : l’usage de la violence, de menaces ou si l’agresseur a profité d’une personne en situation de vulnérabilité. Avec ce nouveau projet de loi, si le consentement n’a pas été explicitement déclaré avant toute relation sexuelle, le partenaire peut être susceptible d’une condamnation pour viol. Une nouvelle qualification a été instaurée à cet effet : le viol et outrage sexuel "par négligence". Il désigne précisément un acte sexuel où le consentement de la partenaire n’aurait pas été entendu et respecté.
L’après-mouvement metoo : une prise de conscience de la sphère politique
Depuis la vague du mouvement metoo, de plus en plus de femmes osent nommer ce qu’elles ont subi et se rendent dans les commissariats de police pour porter plainte contre leur agresseur. Les associations féministes observent une réelle prise de conscience de l’ensemble de la sphère politique sur l’importance de la notion de consentement. La vice-première ministre Isabella Lövin déclarait récemment : "Le sexe doit être volontaire, sinon c’est illégal". Tous les partis politiques ont montré leur soutien à ce projet de loi sur lequel le gouvernement suédois planche depuis 2014. Le Premier Ministre Stefan Löfeven affirmait alors que "la loi est aussi un outil pour changer les attitudes et les valeurs dans notre société".
La genèse du projet de loi portée par des associations
La rédaction est partie à la rencontre de l’association "Fatta", une des organisations à l’origine de ce projet de loi. Fatta est née en 2013, d’une campagne dénonçant une affaire dans laquelle quatre femmes avaient été violées avec une bouteille en verre par plusieurs hommes. Après une enquête policière, les agresseurs ont été relâchés par la justice. La campagne a permis de récolter pendant 6 mois de nombreux témoignages de femmes ayant subi un ou des viols, dénonçant l’injustice prégnante dans la prise en charge des victimes et dans la reconnaissance de leurs droits. Depuis 2014, Fatta est devenue une association à but non-lucratif qui compte 1500 membres en Suède et 80 activistes, tous.tes bénévoles.
"Fatta a été créée dans le but d’apporter un changement, celui du passage d’une culture du viol à celle d’une culture du consentement. Nous devons changer les normes et structures de notre société dans laquelle les hommes abusent des femmes sexuellement, les harcèlent sexuellement" nous confie Elin Sundin, présidente de l’association. Il est important selon elle d’analyser les causes de la culture du viol profondément imprégnées dans les sociétés occidentales en travaillant à la fois avec les femmes et les hommes. Comment y parvenir ? "Il faut changer les lois en faisant pression sur les politicien.nes tout en travaillant avec la culture populaire et les jeunes générations" déclare-t-elle. Elle estime qu’il faut parler consentement, éduquer le système judiciaire et policier en mettant en place des formations sur les crimes sexuels, développer les campagnes informatives dans les transports publics, dans les cinémas, à la télévision. De plus, il est nécessaire selon l’association d’aborder la notion de consentement dès le plus jeune âge et éduquer les jeunes filles sur leurs droits.
Un projet de loi ambitieux qui donne la parole aux vraies victimes
Dans ce projet de loi, les bases juridiques pour qualifier le viol sont différentes de la législation actuelle. La violence n’est pas automatiquement le facteur principal pour affirmer qu’une personne a été victime d’une agression sexuelle. Elin Sundin nous rappelle que "70 % des victimes de viol ne montrent pas de résistance lors de l’acte", un réflexe mis en place inconsciemment par les victimes sous le choc du traumatisme. De plus, la majorité des viols se déroulent dans des espaces fermés, à une soirée, chez un.e amie, au domicile conjugal, etc.
"Cette nouvelle loi montre la différence entre le sexe et un abus sexuel, entre le sexe et un viol. Si une relation sexuelle n’est pas consentie alors c’est un viol. "Le sexe doit être uniquement volontaire" explique la présidente de l'association. L’objectif de cette loi est de changer les mentalités et la façon dont les personnes se comportent entre elles en mettant en avant le respect mutuel et l’écoute de l’autre, de son corps. "Nous pensons qu’avec cette loi il y aura plus d’égalité entre les genres, plus de communication et de dialogue. Travailler la notion de consentement permet de donner du pouvoir aux non privilégié.es et d’apporter plus d’égalité dans les relations sexuelles en respectant les limites et l’intégrité de chacun.e".
Informations complémentaires :
* Source : https://www.bra.se/bra-in-english/home/crime-and-statistics/rape-and-sex-offences.html
- Documentaire réalisé par Arte sur le projet de loi : http://playtv.fr/replay/1021797/vox-popdrogues-de-synthese-loi-sur-le-consentement-sexuel-en-suede/
- Site officiel de l’association Fatta : fatta.nu
Louisa Karmoudi, 16 avril 2018