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Birgitta Lundgren, ancienne architecte : "J’ai aussi connu le « plafond de verre" "

Birgitta Lundgren, 71 ans et ancienne architecte suédoise, a suivi une formation d’architecte à l’Institut de Technologie de Stockholm. Terminant ses études en 1981, elle raconte la place d’une femme architecte en Suède à son époque, un métier auparavant encore dominé par les hommes. La rédaction de Stockholm vous présente l’histoire de cette femme lumineuse à travers les challenges qu’elle a relevés en tant que femme.

Birgitta Lundgren Birgitta Lundgren
Birgitta Lundgren, ancienne architecte suédoise, ©Birgitta Lundgren
Écrit par Charlotte Pardal
Publié le 24 mars 2025, mis à jour le 11 septembre 2025

C’est quoi l’architecture pour vous ?

Pour moi, l’architecture est beauté, fonctionnalité, durabilité, contexte, communication. Il est important que les bâtiments et les environnements soient adaptés au climat et aux économies d’énergie. Pour moi, il est important de planifier et de concevoir des environnements accessibles à tous.

 

Comment l'architecture vous a-t-elle attirée et pourquoi avez-vous choisi cette carrière ? 

Quand j’étais jeune et à la recherche de ce que je voulais faire de ma vie, je pensais que le métier d’architecte était assez complexe. J'appréciais les mathématiques, le suédois, la physique, dessiner et bien d'autres choses. J'ai alors pensé que la profession d'architecte me conviendrait, car je n'allais pas être spécialisée dans un seul sujet. Mais aussi, car je trouvais ce métier un peu excitant et surtout intéressant.

 

Quelles étaient les difficultés principales auxquelles vous faisiez face en tant que femme dans le milieu de l’architecture ?

Pendant la formation, nous réalisions plusieurs projets ensemble, entre femmes et hommes. Je me sentais bien dans cette ambiance. À cette époque, plus de 50 % des femmes suivaient une formation d’architecte. Mais, lorsque j’ai commencé à travailler dans des bureaux d’architecture privés, c’était un peu différent. Tous les directeurs et propriétaires des bureaux étaient des hommes. Il n’y a pas beaucoup de femmes architectes expérimentées qui pouvaient me guider.

Au cours de ma carrière, j’ai remarqué que les femmes architectes de ma génération, qui pouvaient avoir une carrière plus élevée étaient celles qui épousaient un homme. Celles-ci devenaient plus facilement directrices et propriétaires de bureaux. 

 

Avez-vous rencontrer des obstacles liés au sexisme ou des difficultés à trouver votre place dans un métier majoritairement dominé par les hommes ? Si oui, comment les avez-vous surmontées ?

Lorsque j’étais jeune architecte, c’était parfois un peu difficile de faire entendre mon opinion. Surtout lors de réunions de projet réunissants différentes personnes de différents métiers, où j'étais la seule femme. Il y a d’autres choses inégales que j’ai vécues dans mon travail. Par exemple, les salaires n’était pas égaux entre les deux sexes et reste toujours inégaux même encore aujourd’hui. J’ai aussi connu le « plafond de verre ». Cela signifie que vous ne pouvez pas avancer dans votre carrière.

Ce qui m’a également frappé c’est la nature différente des projets. Les grands projets de prestige étaient souvent donnés aux hommes. J’ai souvent réalisé des projets de rénovation moins prestigieux. Je préfère les petits projets où j’ai le rôle de chef de projet. On pourrait dire que c’est ma façon de gérer la situation.

 

Vous dites que le salaire n’était pas égal entre les genres, est-ce que vous vous souvenez de combien était la différence de salaire environ ?

Cela dépend si l’on travaille dans les bureaux privés ou libéraux. Mais, aujourd’hui ça doit être une différence de mille couronnes suédoises environ, donc cent euros à peu près. À mon époque, c’était bien pire. 

 

Vous dites avoir subi le plafond de verre. Pour quelles raisons avez-vous été stoppé dans l’avancée de votre carrière ? 

Les hommes avaient les projets les plus intéressants. Aussi parce que c’est plus dur de mener un grand projet, donc on estimait qu’ils revenaient plutôt aux hommes. Personnellement, je m’en sortais bien aussi dans les projets plus petits, même si il m’est arrivé d’avoir des projets plus grands.

 

Parce que vous n’aviez pas envie ou parce que vous étiez une femme ?

Non pas forcément, il y avait une grande concurrence dans toutes les communautés. Presque toutes les « star-architectes » de ma génération étaient des hommes.

 

Vous dites aussi que les projets de prestige était plutôt accordés aux hommes et que vous, par exemple, vous receviez des projets de rénovation peu prestigieux. Avez-vous un exemple de cette différence de projet donné ?

Les hommes recevaient plutôt des projets prestigieux, comme les universités ou les musées, mais aussi d’autres bâtiments et des plans de villes. Les femmes, elles, avaient plus ou moins les mêmes projets, sauf qu’elles étaient moins « cheffe de projet ».  

 

Et donc, en tant que femme, vous ne vous occupiez pas de projets comme les universités, par exemple ?

Non, c’était plutôt les hommes parce qu’ils sont en contact avec d’autres hommes qui ont du pouvoir. C’est pour ça, c’était naturel pour eux de demander à un autre homme parce qu’ils se connaissaient déjà.

 

Est-ce que parfois, il vous arrivait de vous empêcher de commencer quelque chose parce que vous aviez peur de comment les hommes le recevraient ? 

Oui, quand j'étais jeune. Je crois que c’était le cas pour beaucoup de femmes. On a toujours du respect pour les chefs et les directeurs masculins, on ne dit pas ce que l'on pense. Cela dépend aussi des personnes. J’ai travaillé sur un projet concernant le musée de Vandalorum à Stockholm, avec l’architecte Tina Wik. Elle, savait toujours ce qu’elle voulait, elle était sûre d’elle, de ce qu’elle disait. Elle était assez stricte. Comme quoi, ça dépend bien des personnes. Mais aussi, je pense que c’est souvent ce qu’on reproche aux femmes, de ne pas être assez déterminée et confiante. C’est le cas pour beaucoup d’autres métiers. 

 

Est-ce que tout au long de votre carrière, vous avez observé une évolution de la place de la femme dans votre métier ? 

Effectivement, davantage de femmes architectes sont dirigées dans des bureaux d’architecture qu’auparavant. Et il existe même des bureaux dont les propriétaires sont uniquement des femmes et qui ont réussi. Par exemple les architectes KOD, Marge et Kaka.

 

Estimez-vous qu’aujourd’hui, ce sont des problématiques qui persistent encore dans ce métier ? Allons-nous vers une certaine parité, selon vous ?

J’ai lu un article il y a quelques jours qui disait qu’aujourd’hui il y a plus de femmes architectes que d’hommes, même s’il y a encore moins de femmes propriétaires.

 

Vous savez pour quelles raisons ? À cause du salaire moins élevé ? 

Non non, ce n’est pas à cause du salaire moins élevé. C’est plutôt que les hommes ont plus de confiance, tandis que les femmes avaient sûrement des enfants, moins de possibilités ou simplement pas l’envie d’être propriétaire.

 

Aujourd’hui, qu’est ce que vous diriez à une jeune femme qui a peur de se lancer dans des carrières comme la vôtre ?

Je dirais que c’est un métier que j’aime, qui est très important mais parfois dur. Il faut travailler beaucoup et la concurrence peut être rude. Mais, l’architecture reste essentielle pour permettre des environnements plus fonctionnels pour tous les habitants. Avoir un métier où vous pouvez créer, construire, dessiner et en même temps contribuer à la création de bâtiments écologiques, c'est très satisfaisant. Je recommande vraiment tous les jeunes femmes se s'investir dans leur rêve. Vous pouvez réussir !

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