En Suède, les jours se font de plus en plus courts, notamment depuis le changement d’heure. Malheureusement, cela ne va pas aller en s’améliorant puisqu’ils raccourcissent davantage que l’on approche le 21 décembre. Toutefois, ce manque de lumière peut avoir un réel impact sur la santé. On parle de « Seasonal Affective Disorder » (SAD). La rédaction vous donne aujourd’hui les clés pour comprendre et prévenir ce phénomène.


Le Seasonal Affective Disorder
Le Seasonal Affective Disorder, ou trouble affectif saisonnier, est une forme récurrente de dépression qui apparait pendant la saison hivernale et disparait au printemps. Le SAD est en effet caractérisé par sa cyclicité : les symptômes reviennent année après année à la même période.
Reconnu par les classifications internationales en psychiatrie comme un « spécificateur de la dépression », il se caractérise par divers symptômes :
- Une fatigue persistante
- Un sommeil plus long ou des difficultés à se lever
- Une baisse du moral ou irritabilité
- Une sensation de léthargie (manque d'énergie) et de somnolence pendant la journée
- Une perte d’intérêt
- Des difficultés de concentration
- Une augmentation de l’appétit ou une prise de poids
La nature et la gravité du SAD varient d'une personne à l'autre. Chez certaines personnes, il peut être léger, tandis que chez d'autres, il peut être grave et avoir un impact significatif sur leur vie quotidienne.
Plusieurs facteurs individuels influencent la probabilité de développer un trouble affectif saisonnier (SAD). Les recherches menées en Suède comme dans le reste du monde convergent largement :
- Le genre : les femmes sont trois à quatre fois plus touchées que les hommes, un écart que les chercheurs attribuent à des différences hormonales, à la régulation du cortisol et à une vulnérabilité générale plus élevée aux troubles dépressifs.
- L’âge : le SAD est rare chez les enfants mais atteint un pic entre 20 et 40 ans, période où les rythmes circadiens sont particulièrement sensibles aux variations de lumière ; sa prévalence diminue ensuite après 50 ans.
- La génétique : des équipes du Karolinska Institutet et de l’Université d’Uppsala ont mis en évidence une forte composante génétique (héritabilité de 29 à 64 %), notamment liée aux gènes de la mélatonine, de la sérotonine et de l’horloge biologique.
- La latitude : les pays nordiques présentent une prévalence allant jusqu’à 8 à 12 % selon les régions.
- Le chronotype : les “couche-tard” sont plus vulnérables au manque de lumière matinale, essentielle pour resynchroniser l’horloge interne, tandis que les “lève-tôt” semblent mieux protégés.
- Les facteurs psychosociaux (isolement, travail majoritairement en intérieur, sédentarité) : identifiés par le Stress Research Institute de Stockholm, ils renforcent encore cette susceptibilité, expliquant pourquoi certaines personnes sont beaucoup plus affectées que d’autres par l’hiver scandinave.
L’impact biologique du manque de lumière naturelle
La cause exacte du trouble affectif saisonnier n'est pas entièrement comprise mais elle est souvent liée à une exposition réduite à la lumière du soleil pendant les journées plus courtes de l'automne et de l'hiver.
La théorie principale est que le manque de lumière solaire pourrait empêcher une partie du cerveau appelée hypothalamus de fonctionner correctement, ce qui pourrait affecter :
- La production de mélatonine : hormone du sommeil, elle est produite par la glande pinéale quand il fait sombre. En hiver, la lumière naturelle du matin est faible : elle n’arrête pas correctement la production de mélatonine ce qui provoque un sentiment de « somnolence » et le cerveau pense que la nuit est encore en cours. Certaines études en Suède ont montré que les patients produisent de la mélatonine à des heures anormales (plus tôt le soir, plus tard le matin).
- La production de sérotonine : neurotransmetteur crucial pour l’humeur, la motivation et l’énergie, sa production dans le cerveau est stimulée par la lumière du jour. En hiver, cette hormone chute, l’humeur devient plus fragile, l’énergie baisse, l’appétit augmente, surtout pour les glucides. Les chercheurs suédois ont également observé en laboratoire que l’exposition lumineuse modifie l’activité sérotoninergique dans le tronc cérébral.
- L'horloge interne du corps (rythme circadien) : elle règle quasiment tous les processus physiologiques : sommeil, température corporelle, appétit, attention, humeur, sécrétion hormonale… Elle fonctionne grâce à la lumière captée par la rétine. Quand la lumière baisse, l’horloge se décale, elle donne de mauvais signaux aux autres organes, le cycle sommeil–éveil devient plus long et moins précis. Les chercheurs suédois d’Uppsala et de Lund insistent sur ce point : le SAD n’est pas une simple « tristesse hivernale », mais un trouble du rythme biologique profond chez les personnes vulnérables.
De plus, la situation des pays nordiques entraine une carence en vitamine D. Bien qu’elle ne soit pas la cause directe du Seasonal Affective Disorder, des travaux publiés notamment par des équipes finlandaises et norvégiennes suggèrent qu’un taux bas pourrait aggraver la vulnérabilité aux troubles de l’humeur car la vitamine D intervient dans la synthèse de la sérotonine. Produite à 80–90 % grâce à l’exposition cutanée aux UVB, elle chute naturellement entre octobre et avril en Suède. Cette carence saisonnière peut entraîner une fatigue persistante, une baisse du tonus musculaire, une plus grande fragilité osseuse et un affaiblissement du système immunitaire. Plusieurs études menées dans les pays nordiques montrent que jusqu’à 50 à 70 % de la population présente un taux insuffisant en hiver, malgré l’alimentation enrichie.
Prévenir le Seasonal Affective Disorder
Afin de prévenir et de lutter contre le SAD, plusieurs approches complémentaires ont démontré leur efficacité :
- La luminothérapie : considérée comme le traitement de référence, elle consiste en une exposition quotidienne de 20 à 30 minutes à une lampe de 10 000 lux, idéalement le matin. Elle aide à resynchroniser l’horloge biologique, réduire la production excessive de mélatonine et stimuler la sérotonine.
- La vitamine D : s’assurer d’un apport suffisant, via l’alimentation ou une supplémentation encadrée, peut réduire la fatigue hivernale et soutenir l’équilibre émotionnel.
- Les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) : celles adaptées au SAD se révèlent très efficaces pour identifier les pensées négatives récurrentes de l’hiver, renforcer les stratégies d’adaptation et prévenir les rechutes.
À cela s’ajoutent des leviers simples mais puissants : privilégier les sorties en pleine lumière lors des heures les plus claires, pratiquer une activité physique régulière, maintenir une routine de sommeil stable, augmenter l’exposition à la lumière naturelle à domicile et entretenir le lien social. Combinées, ces stratégies permettent de réduire significativement l’impact du manque de lumière sur l’humeur et l’énergie tout au long de l’hiver scandinave.
Malgré l’impact réel du manque de lumière sur notre organisme, l’hiver suédois ne se résume pas à ses effets biologiques : entre Stockholmsjul, les marchés de Noël et les nombreuses traditions qui illuminent la saison, il offre aussi de précieux moments pour garder le moral et célébrer les fêtes de fin d’année.
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