Le Riksdag (Parlement suédois) a voté en juin dernier une nouvelle loi climatique, mise en œuvre depuis le premier janvier, qui défie l’ensemble de ses voisins européens. Bonne élève, la Suède annonce qu’elle devrait atteindre la neutralité carbone d’ici 2045 en tentant de compenser les émissions de gaz à effet de serre présentes dans l’atmosphère.
Présentée comme la loi climatique "la plus importante de l’histoire du royaume" selon Le Monde, elle a été approuvée au Parlement avec 254 votes en sa faveur contre 41. Les partis politiques se sont mis d’accord en juin dernier pour pousser les entreprises et les ménages vers une transition énergétique massive. Pour cause, l’ensemble de la classe politique a soutenu le projet de loi à l’exception du parti de l’extrême droite (les Démocrates de Suède, Sverigedemokraterna, SD).
Particulièrement ambitieuse, cette loi visant à atteindre la neutralité carbone d’ici 2045, défie les ambitions de l’Accord de Paris sur le climat (2015) qui entend y parvenir en 2050. Saluée par les organisations environnementales, le gouvernement suédois entend placer les enjeux environnementaux comme primordiaux et essentiels dans sa politique, comme le témoigne la ministre du climat membre du parti des Verts Isabella Lövin : "les mesures politiques dans les secteurs de l’industrie, de l’agriculture et des transports vont être très importants".
Les objectifs climats (klimatmålen)
La mise en vigueur de cette loi implique que la politique climatique suédoise, depuis le premier janvier 2018, doit avoir comme point d’accroche les différents "objectifs climats" (klimatmålen) que le parlement s’est fixé. Le Riksdag doit en définir les modalités pour y parvenir. On y retrouve la volonté d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2045 notamment par la diminution de gaz à effet de serre dans les secteurs des transports de 70 % d’ici 2030 (n'est pas incluse l’aviation civile, les émissions sont déterminées à l’échelle européenne via le système d’échange de Quotas d’émission, SCEQE). Les émissions de gaz en Suède non comprises dans le cadre du SCEQE devront connaître, au plus tard d’ici 2030, une diminution de 63 % par rapport à leur niveau dans les années 1990, voir atteindre une baisse de 75 % en 2040.
La politique climatique est encadrée par un Conseil du climat, constitué d’expert.es indépendant.es qui sont chargé.es d’une mission de contrôle du bon fonctionnement et de l’application des directives qui ont été votées. Iels ont été nommé.es par le gouvernement en décembre 2017 et sont mandaté.es pour une durée de trois ans. Le conseil est ainsi composé d’une présidente (Ingrid Bonde), d’un vice-président (Johan Kuylenstierna) et de 6 conseiller.es (ledamöter).
Un projet ambitieux et novateur
Un budget environnement et climat de 501 millions d’euros (5 milliards de couronnes suédoises) a été mis en place par le gouvernement suédois pour l’année 2018 afin de lutter contre le réchauffement climatique et préserver l’environnement en maximisant le développement des énergies renouvelables. C’est le budget le plus important de l’histoire de la Suède, avec 2,5 milliards de couronnes supplémentaires par rapport à l’année précédente. Il est notamment dédié à des investissements en matière de climat et d’environnement en Suède mais aussi à l’international afin de diminuer l’impact carbone, stimuler l’emploi et le développement.
Le budget se décompose en plusieurs investissements ciblés comprenant 1,4 milliard de couronnes pour la transition climatique en Suède (transition industrielle, adaptation au changement climatique, conseil en matière d’énergie). 1,2 milliard de couronnes sont dédiées à la réduction des énergies fossiles en développant les énergies renouvelables, en subventionnant l’achat de chargeur pour les voitures électriques des usager.es. Un projet intitulé "Villes vivantes" a impliqué un budget de 0,6 milliard de couronnes pour verdir les villes, investir dans la mise en place de vélos électriques etc. De plus le gouvernement a décidé d’agir d’avantage dans la protection des milieux marins, de l’environnement (avec un investissement de 1,1 milliard de couronnes, comprenant l’interdiction de substances chimiques polluantes) et de la protection des forêts.
0,8 milliard de couronnes ont été mises en œuvre pour représenter et assurer le leadership en matière d’écologie à l’international notamment en développant les aides spécialisées dans la protection de l’environnement et en multipliant les collaborations avec les autres états.
Une loi qui s’applique à tous les gouvernements
L’importance de cette loi réside dans l’obligation pour tous les gouvernements de rendre des comptes régulièrement aux suédois.es en respectant les engagements pris lors de la signature des Accords de Paris. Chaque année, ils devront faire le point sur l’avancée de la décarbonation tout en étant transparent sur les choix budgétaires en matière de politique climatique. Pour chaque mandat (tous les quatre ans), ils auront pour obligation de revisiter la politique nationale en définissant un nouveau plan d’action pour atteindre les objectifs climats.
Aujourd’hui, seulement un quart de l’énergie en Suède provient des énergies fossiles, mais atteindre la neutralité carbone ne signifie pas réduire totalement l’émission de gaz à effet de serre. Il s’agit avec cette nouvelle loi climatique de diminuer jusqu’à 85% l’émission de gaz par rapport au taux des années 1990.
Louisa Karmoudi, 5 mars 2018