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« Je me sens bien en Suède, apaisée », quand une Française décide d’étudier en Suède

Marie Jaquemin, étudiante française en SuèdeMarie Jaquemin, étudiante française en Suède
Marie Jaquemin, 21 ans, étudiante française à Lund en sciences sociales. - Crédits : Florent Hartemann
Écrit par Hugo Messina
Publié le 28 juin 2021, mis à jour le 29 juin 2021

Marie Jaquemin, 21 ans, a quitté sa Bourgogne pour une année d’échange universitaire à Lund, dans le cadre de son Bachelor en sciences sociales. Entre rythme scolaire adapté, vie plus tranquille, et intégration réussie, la jeune étudiante semble être conquise par son année d’études dans le Royaume scandinave.

 

Bonjour Marie, peux-tu faire un point sur ton parcours ?

Je suis originaire de Bourgogne, vers Dijon. Je poursuis actuellement en Bachelor, ce qui équivaut à la licence en France. Mon Bachelor dépend de Science Po Paris (IEP). Je suis arrivé à Science Po par accident. Au lycée, je ne savais pas trop quoi faire de ma vie. Mes professeurs m’ont parlé de Science Po, en estimant que je pourrais avoir le niveau. J’ai donc tenté le concours, surtout que les sciences sociales me semblaient intéressantes.

 

Quand on fait Science Po, la troisième année se fait forcément à l’étranger. Au début, ça s’annonçait complexe avec le Covid-19, mais j’ai quand même réussi à m’organiser pour venir. J’ai surtout fait de la sociologie pendant mon échange en Suède, en m’orientant vers les gender studies. Désormais, je compte rester en Suède pour faire un programme dans cette thématique précise, en Master.

 

Comment se retrouve-t-on de Bourgogne à Lund ?

J’ai atterri à Lund parce que je voulais découvrir l’Europe du Nord. J’avais envie de vivre dans un pays plutôt en avance sur les droits sociaux, le féminisme, l’écologie, etc. L’option scandinave me semblait bonne, et celle suédoise la meilleure !

Le choix de Lund s’est fait en fonction de la taille : c’était la plus petite ville possible. Il y a une très bonne université et je déteste les grandes villes, je préfère une échelle à taille humaine. Au final, c’est le choix le plus adapté à mes envies. Plus de la moitié des habitants sont des étudiants donc c’est très agréable à vivre. On a l’impression de vivre sur un campus géant, où tout le monde parle anglais.

 

L’enseignement en Suède diffère-t-il réellement de celui en France ?

En France, les matières imposées, comme l’économie et le droit, ont été une sorte de désillusion. Mais en Suède, j’ai pu choisir mes matières ! C’est à ce moment que je me suis dirigé vers la sociologie à 100 %. J’ai découvert la matière gender studies à Lund et je ne le regrette pas du tout ! En France, je ne pourrais pas faire mon Master en gender studies pure.

De plus, le rythme universitaire suédois permet vraiment de gérer sa vie. J’y trouve un équilibre entre approfondir les matières et les apprécier. En restant dans le système universitaire français, le cursus Science Po était intensif. C’était le travail pour le rendement, sans forcément prendre de plaisir derrière.

Le nombre d’heures est un des facteurs qui m’a frappé. Alors évidemment, en tant qu’étudiante Erasmus, j’ai un peu moins d’heures que les locaux, mais le principe reste assez similaire. Concrètement, on peut prendre 4 cours maximum par semestre. Les semestres sont composés en 2 périodes. On doit ensuite diviser ces périodes entre nos 4 cours, ce qui allège grandement le processus.

Le rythme est totalement différent mais bien plus agréable. Il y a des pourcentages d’intensité des cours. À 100 %, je vais suivre deux ou trois par semaine, sinon ce sera plutôt 1 seul cours dans la semaine.

Mais attention, à côté de cela, les étudiants doivent préparer des lectures, nécessaires pour rester à la page. Je me retrouvais donc avec 2/3 cours par semaine, ce qui me laissait parfaitement le temps pour organiser mon travail et m’impliquer de façon autonome. En France, j’avais la même quantité à préparer mais en ayant cours de 8 à 19 heures quasiment tous les jours. Pas idéal pour le travail en autonomie…

L’autonomie est justement la clef lors des études en Suède. On est censé préparer tout à l’avance, donc c’est un contrat de confiance. Personne ne va vérifier et être derrière l’étudiant. Sa réussite ne dépend que de son implication et de son envie.

 

Quels ont été les avantages majeurs de tes études ?

Sans hésitation, les travaux en groupe ! Ils sont encouragés et valorisés. J’en ai fait énormément, dans tous mes cours quasiment. C’était une belle expérience puisqu’on mixe souvent les équipes entre étudiants internationaux et étudiants suédois. C’est très sympa culturellement parlant.

Il y a également la bienveillance des professeurs. C’est incroyable à quel point le contact est développé avec eux en Suède. À Dijon, je vouvoyais mes professeurs, la communication avec eux était lente voire quasiment impossible.

À Lund, si j’ai une réponse par mail deux heures après ma question, je reçois des excuses ! Ils sont très impliqués dans leur travail et dans le suivi des étudiants. Aucun vouvoiement, on doit les appeler par leurs prénoms et les tutoyer.

J’ai aussi aimé le fait qu’on a le droit à la parole dans les salles de classe et que notre avis est valorisé. On ne peut pas dire n’importe quoi, mais l’opinion de chacun est entendu.

 

Comment s’est faite ton intégration ?

Forcément, la pandémie a un peu altéré mon intégration. J’avais une amie qui habitait à Lund l’année dernière et m’avait déjà expliqué comment les choses s’y déroulent. Beaucoup d’évènements étudiants ont été annulés, ce qui est dommage pour mon expérience à l’étranger.

 

Néanmoins, avec le rythme universitaire suédois, on a le temps de faire beaucoup de choses : cuisiner, faire des sorties en pleine nature, rencontrer des personnes ou des petites groupes, etc.

Le système des Nations à Lund est similaire à celui d'Uppsala. En fait, il s’agit de confréries étudiantes, qui permettaient historiquement aux étudiants suédois de rejoindre la Nation ralliée à leur région dès le début de leurs études supérieures.

Aujourd’hui, on peut choisir la Nation qui nous correspond, selon les spécialités : musique, randonnée, sport, etc. Il y en a pour tous les goûts ! Ça fait une grosse différence pour les étudiants en échange car, en arrivant dans un pays étranger, loin de sa famille, on trouve une communauté accueillante avec le système Nation, dans laquelle on peut travailler. Il y a pas mal d’entraide, notamment pour la nourriture. On peut manger pour très peu, le midi comme le soir, puisque chaque Nation va avoir un jour de la semaine pour préparer à manger. Elles organisent habituellement aussi des événements, ce qui a été plutôt avorté, mais dans tous les cas la cohésion en ressort plus forte. Ils ont même continué à garder du lien en ligne malgré le Covid-19 entre novembre et janvier.

L’Université de Lund est au final très tournée vers l’international, avec différents programmes d’intégration et mentorat. Tout est fait pour se sentir bien dans l’environnement et découvrir du mieux possible la ville et des nouvelles personnes.

 

Quelle(s) difficulté(s) principale(s) lors de tes premiers pas en Suède ?

Ce qui me dérange c’est le manque de communication entre les individus et la confiance aveugle envers le gouvernement. En tant que Française, c’est quelque chose qui me paraît assez abstrait. Dans la vie quotidienne, par exemple en ce qui concerne la gestion du conflit, le Suédois préfère l’éviter à tout prix. On ne peut pas résoudre les problèmes, ou alors de manière moins fluide.

C’est une société très individualiste et individualisée. Il y a très peu d’interactions dans la rue, les bonjours spontanés sont rares. Le comportement en Suède est plutôt passif-agressif, avec des regards insistants et du jugement.

J’ai aussi été déçue par le côté écologique. En France on a l’image d’un pays totalement vert, mais par exemple, il y a peu de magasins bio, de produits en vrac, naturels, etc. J’ai été très surprise de découvrir que les Suédois laissent souvent les lumières allumées dans la maison. Il y a une sorte d’autosuffisance écologique. C’est assez paradoxal.

 

Comment envisages-tu ton futur ?

Je veux poursuivre mes études en Suède, c’est une certitude. Je suis tombée amoureuse du pays. Il m’a beaucoup marqué, dès mon arrivée. C’est peut-être lié au cadre de vie que j’ai ici, je vis dans une famille d’accueil suédoise qui m’intègre dans leurs habitudes de vie, dans une maison avec un grand jardin. Le début de mon échange était comme une sorte de lune de miel, en idéalisant à l’extrême la vie scandinave. Finalement, on se pose, on observe des mauvais côtés. Mais en pesant le pour et le contre, j’ai l’impression que c’est rassurant de trouver des défauts : c’est plus facile d’aimer quelqu’un qui n’est pas parfait !

La France va bien entendu finir par me manquer (surtout le fromage). Mais je me sens bien en Suède, apaisée. Si je pouvais vivre et travailler à long terme ici, ce serait définitivement un choix envisageable.

 

Recommandes-tu l’expérience de l’échange universitaire ?

Oui sans hésitation aucune, il faut se lancer ! C’est important de sortir de sa zone de confort et des chemins tout tracés. En s’ouvrant à l’inconnu, on se force à être loin de ses repères. C’est une des raisons qui m’a fait choisir Science Po ; je savais que je devais obligatoirement partir au terme de mon Bachelor.

Si c’était à refaire, je le referais sans problème. Dans 90 % des cas, ça en vaut la peine. En plus, on acquiert plus de recul et d’esprit critique sur notre propre système. Puis on fait des rencontres uniques. Toutes mes amitiés ici se sont formées lors de moments improbables.

 

Un conseil pour ceux qui rêvent de faire comme toi ?

Le plus important reste d’entrer en contact avec des expats qui sont déjà sur place, qui ont sûrement traversés ce qu’on s’apprête à vivre. Ils ont souvent les meilleurs conseils. Sur ce point, les groupes sur les réseaux sociaux sont très efficaces.

Sinon, il faut également bien se renseigner sur les bourses et autres aides financières, et prévoir son voyage minimum un an à l’avance, car c’est un projet qui se mûrit en amont.

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