En cette période de l’année où l’on célèbre les morts, la rédaction de lepetitjournal.com/stockholm s’est penchée sur les us et coutumes et ce qui fait la spécificité de la place accordée aux défunts en Suède.
Des enterrements programmés
En Suède, il n’est pas rare de prévoir une invitation au moins un mois à l’avance. Quelle surprise alors d’avoir pour réponse : “Dans un mois ? Ah non, impossible, j’enterre mon grand-oncle”.... Rassurez-vous, il n’y a là rien de prémédité. Il s’agit juste d’un des usages les plus troublants de la société suédoise, celui d’enterrer ses morts longtemps après leur disparition.
Suite au décès d’une personne, la famille et les proches ont, selon la loi votée au parlement en 2012, un mois pour s’occuper du défunt, entre le moment du décès et l'enterrement ou la crémation. Compte tenu des habitudes établies en Suède, c’est le temps nécessaire pour le processus de deuil et la préparation de la cérémonie. Passé ce délai, une somme forfaitaire journalière doit être acquittée, de l’ordre de 80 kr par jour. A Stockholm, il faut compter en moyenne 28,2 jours entre le jour du décès et les funérailles.
Le begravningsavgift
Mais pour avoir le droit d’être enterré en Suède, il faut payer un impôt, le begravningsavgift. Obligatoire, on le paie à l'Église suédoise, qu’on soit religieux ou non. C'est une cotisation annuelle qui couvre les frais liés aux activités funéraires dans le pays. Depuis janvier 2017, tout le monde paie le même taux d'imposition proportionnellement à son revenu (0,246 %) à l’exception de deux communes : Stockholm (0,075 %) et Tranås (0,240 %). Elle donne droit aux services énumérés dans la loi sur les funérailles, begravningslagen : la mise à disposition d’une chambre funéraire, même sans symboles religieux, d’un local pour la réception, une incinération, une place au cimetière pendant 25 ans, le transport du funérarium au site de l’enterrement. Restent à la charge du défunt et de ses proches le coût du cercueil, l’urne, l’annonce nécrologique, la sépulture, les plaques mortuaires, l’entretien de la tombe… Des frais qui s’élèvent de 17.000 kr à 26.000 kr.
L’enterrement laïque
Même si on paie cette cotisation à l'église suédoise, on peut se faire enterrer selon le rite religieux de son choix, protestant, catholique, musulman, juif… mais aussi civilement. La cérémonie laïque est plus libre dans sa conception et se fait sans éléments religieux. Aucun prêtre n'est requis. N’importe qui peut officier à la mémoire du défunt.
Les avis de décès
Une fois que les proches se sont mis d'accord, les annonces nécrologiques peuvent communiquer la date de l’enterrement ou être publiées après les funérailles. En Suède, les avis sont de plus en plus personnalisées, avec des poèmes et des mémos. Il y a une liberté totale dans la rédaction et la décoration de ces avis. A la croix austère, on préfère souvent la photo du défunt, ou des motifs de fleurs, de bateaux, d'animaux ou... de clubs de golf, en rapport avec le hobby du défunt.
Une mort artisanale
De même, il est tout à fait possible de fabriquer à son goût et soi-même son cercueil dans la mesure où il respecte les normes établies par le SBT : taille réglementaire (210 X 70 X 60 cm maximum), le matériau doit être écologique, stable, étanche et pouvoir supporter un transport et éventuellement du poids lors d’une mise en terre. Quant à l’urne, tout est possible, mais il faut prévoir une contenance suffisante de 4,5 à 5 litres minimum.
Pratiques et préférences en Suède
Près de 91.000 personnes sont décédées en 2016 en Suède (Statistiska centralbyrå, SCB). 30 % des enterrements sont des inhumations, 68 % des crémations.
La cérémonie des funérailles peut avoir lieu en principe n'importe où. À l'intérieur ou à l'extérieur, dans une église ou une chapelle, à la maison, à la plage, dans une salle communale, dans le bâtiment du club de voile, dans la salle des professeurs, etc. Bien sûr, les funérailles ne doivent pas être organisées dans un lieu où elles seraient considérées comme une offense publique.
Le cercueil est généralement fermé au moment des funérailles même si rien n’interdit de garder le cercueil ouvert pour permettre un dernier adieu au défunt.
Une inhumation peut seulement être effectuée sur un site funéraire.
Les cendres peuvent, après autorisation du conseil d'administration du comté de résidence, être jetées au-dessus des eaux libres, ou des terres naturelles. Les permis ne sont généralement jamais autorisés pour la dispersion des cendres dans un jardin privé, sur des terrains de jeux, dans des lieux publics ou autres.
Drapeau en berne
Souvent, en Suède, les maisons sont ornées de drapeaux aux couleurs suédoises. On peut honorer le mort en le maintenant à mi-hauteur du mât, dans la maison du défunt, ainsi que chez ses proches et ses amis, et même au travail, et ce, à deux reprises: le jour de la mort, ou le jour suivant, et le jour de l'enterrement. Lorsque les funérailles sont terminées, le drapeau est à nouveau levé.
Alla helgons dag, la Toussaint suédoise
Une fois les funérailles passées, les morts ont leur jour de fête, la Toussaint. Pour les Chrétiens, la Toussaint célèbre la gloire des martyrs et des saints. En Suède, cette fête s’appelle Alla helgons dag, le jour de tous les saints, et est célébrée par l'Église suédoise depuis le Moyen Âge. Depuis 1953, elle se fête non pas le 1er novembre mais le samedi situé entre le 31 octobre et le 6 novembre. Et depuis 1983, on fête le dimanche suivant Alla själars dag, le jour de toutes les âmes, en mémoire de tous les morts.
Cette année, Alla helgons dag tombe le samedi 4 novembre. Pour commémorer leurs morts, les Suédois déposent sur les tombes de leurs proches défunts de grosses bougies blanches et rouges, que l’on trouve en vente dans n’importe quel supermarché. Après 17h, alors que la nuit est tombée, les lueurs vacillantes dans les cimetières créent une atmosphère sereine propice au recueillement. La fête des morts prend alors des vrais airs de fête.
Anne Donguy, 1er novembre 2017