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The local : les grenouilles vues par les rosbifs

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Écrit par Justine Hugues
Publié le 6 novembre 2017, mis à jour le 7 novembre 2017

Il semblerait que Lepetitjournal.com se soit dégoté un cousin germain: The local, journal en ligne créé en Suède par deux Britanniques en mal d’information sur leur pays d’adoption dans la langue de Shakespeare. Sa vocation est double: fournir une actualité quotidienne et indépendante en anglais dans neuf pays européens non anglophones et aider les Britanniques expatriés dans leur installation et leur quotidien. Nous avons rencontré Ben McPartland, le rédacteur en chef de l’édition française.

Du sarcasme à foison, des « la » à la place des « le ». Aucun doute, notre interlocuteur est britannique. Ancien journaliste chez France 24, en 2013, Ben décide de prendre les rênes de The Local en France, alors que l’édition vient d’être lancée. Egalement présent en Allemagne, Autriche, Danemark, Espagne, Italie, Norvège, Suède et Suisse, le journal qui repose sur une équipe réduite (deux journalistes par édition) est un concentré de finesse et d’humour, à l’image de sa nationalité.

 

France, I love you

Selon les dernières statistiques fournies par l’INSEE, près de 150.000 britanniques seraient installés à plein temps dans l’Hexagone (probablement quelques dizaines de milliers de plus si l’on compte ceux qui n’ont pas été recensés ni enregistrés par leur consulat), principalement en Ile-de-France et Nouvelle Aquitaine. La Dordogne, avec plus de 7000 Anglais vivant sur son sol, se livre à une âpre concurrence avec la capitale française, qui n’accueille que 1200 résidents britanniques de plus. Les Américains seraient beaucoup moins nombreux (35.000, selon les mêmes statistiques). Cependant, d’après The Local, « à en juger par le nombre d’Américains qui s’informent sur l’installation en France depuis l’élection de Trump, ils seraient nombreux à projeter de s’établir outre-Atlantique ».

Ben McPartland
Ben McPartland, rédacteur en chef, The Local France

 

Le lectorat de l’édition française de The Local est de toute évidence principalement constitué d’expatriés, mais on trouve aussi des adorateurs et détracteurs de notre pays. Pour Ben McPartland « il y a pas mal d’Américains qui sont obsédés par la France alors même qu’ils n’y ont jamais mis les pieds. C’est marrant de voir dans les commentaires laissés sur nos articles que beaucoup sont assez caricaturaux sur leur rapport à la France. Une partie pense que ce ne sont que des communistes, l’autre est fascinée ». Même si l’histoire des relations franco-britanniques n’a pas toujours été au beau fixe, ni les préjugés qui vont avec toujours très tendres, les expatriés anglais en France semblent être tous des convaincus. « Alors qu’il y a beaucoup plus d’Anglais établis en Espagne » nous confie Ben, « l’édition de The Local ne marche pas très bien là bas. A vrai dire, ils y vont plus pour le soleil que pour ce qui s’y passe. Ils continuent de lire les actualités sur l’Angleterre et de chercher le fish & chips le plus proche. En France, c’est différent, ils viennent pour s’intégrer ».

Dans les pages de The Local, on trouve des informations tout à fait sérieuses également traitées par la presse française ; sur les dernières élections sénatoriales, le combat macronien contre la directive européenne sur les travailleurs détachés, ou encore sur les vignerons face au glyphosate, entre autres. Mais l’on peut aussi dénicher des décryptages plus inédits, voire drôles. « We need to talk about Kévin : why France fell in (and out of) love with a name », se demande, par exemple, pourquoi, en 1991, tout plein de familles françaises ont baptisé Kévin leurs nouveau-nés. Un autre article questionne notre utilisation, pour désigner le monde anglophone moderne, du terme « anglo-saxons », quand bien même ces derniers ont disparu depuis le Moyen Âge.

 

Lutter contre les clichés…par d’autres clichés

Pour Ben, « si vous observez les tabloïds anglais », qui constituent, à ses dires, une source d’informations sur la France pour beaucoup de lecteurs outre-Manche, « ils sont toujours dans les stéréotypes, ils veulent montrer que la France ne marche pas bien et vont jusqu’à inventer des histoires ». The Local s’érige ainsi en briseur de clichés et dénonciateur de « fake news », quitte à recourir bien souvent à d’autres clichés sur nous, pauvres grenouilles.

Evie Burrows Taylor
Evie Burrows Taylor, journaliste, The Local France

 

C’est ainsi que parmi les « dix bonnes raisons de travailler en France », les comités d’entreprise, les cantines, l’assurance maladie et les congés sont les premiers cités tandis que du côté des « petites choses qui vous ennuieront si vous travaillez en France », on trouve l’obligation de se faire la bise le matin, l’affection pour les longues réunions, l’importance du réseau et de la formation académique et le fait de se voir proposer une pause café/cigarette toutes les quarante minutes environ. Par ailleurs, selon The Local, il y a au moins « treize choses que font les étrangers et qui rendent les Français mal à l’aise », parmi lesquels caresser leur chien, déjeuner seul à son bureau, faire un mauvais usage du « tu », sourire à des inconnus et vouloir les enlacer. Peut-être, mais pourquoi ces Anglo-saxons aiment-ils tant les « hugs » ?

 

Le Brexit arrive : prenez vite une autre nationalité !

Suite à la décision britannique de sortir de l’Union Européenne, beaucoup d’expatriés anglais ont été, selon Ben, « très fâchés mais aussi très inquiets ». Il faut dire que, si vous êtes Anglais et résidez plus de quinze ans à l’étranger, vous perdez votre droit de vote. De quoi vous sentir impuissant face aux décisions qui sont prises sans vous outre-Manche.

Pour répondre aux inquiétudes de nombre de leurs concitoyens, les journalistes de The Local ont ainsi créé une nouvelle newsletter, baptisée « Brexit & You ». Celle-ci donne chaque semaine des informations pratiques sur les procédures d’acquisition de nationalité dans différents pays européens ou sur la pertinence d’investissements immobiliers et autres. « Avec le Brexit, beaucoup de nos concitoyens se sont lancés dans la procédure d’acquisition d’une autre nationalité », nous dit Ben. « On a aussi vu beaucoup de retraités vivant à l’étranger et recevant leur pension en Livres sterling dont la situation s’est fortement dégradée ».

The Local surferait-il sur la vague d’un avenir incertain ? Definitely ! Selon Ben, « même si on a perdu beaucoup d’annonceurs sur le moment, on a étonnement gagné en pertinence. On n’a jamais été aussi importants qu’aujourd’hui pour les Britanniques de l’étranger ».

 

 

 

Justine Hugues
Publié le 6 novembre 2017, mis à jour le 7 novembre 2017