Tensions entre Singapour et ses voisins vietnamiens et cambodgiens

Par Laetitia Person | Publié le 09/06/2019 à 14:15 | Mis à jour le 10/06/2019 à 11:38
Photo : Lee Kuan Yew et le général Prem Tinsulanonda en 1998 @National Archives of Singapore/Facebook
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Depuis une dizaine de jours, les relations sont tendues entre Singapour et ses voisins vietnamiens et cambodgiens. À l’origine de ces discordes, un post sur Facebook du Premier ministre Lee Hsien Loong présentant ses condoléances au Premier ministre thaïlandais, Prayut Chan-o-cha, à la suite du décès du général Prem Tinsulanonda le 26 mai dernier.

 

Dans son message, daté du 31 mai, Lee Hsien Loong évoque le leadership du général à l’époque de l’invasion et de l’occupation du Cambodge par le Vietnam en 1978. C’est justement ces termes d’invasion et d’occupation qui suscitent la colère du Vietnam et du Cambodge. Souvenez-vous, nous sommes en décembre 1978, les troupes vietnamiennes pénètrent au Cambodge et renversent le régime des Khmers rouges, au pouvoir depuis 3 ans et qui ont fait plus d’1,7 million de victimes. Le Vietnam met alors en place un gouvernement dirigé par Heng Samrin au Cambodge, qui a l’obligation de consulter le Vietnam sur toutes les questions importantes. L’armée vietnamienne ne se retire officiellement du Cambodge que le 26 septembre 1989, soit onze ans après son arrivée.

 

À l’époque, Singapour et les pays de l’Asie du Sud-Est estiment que l’action du Vietnam constitue une violation manifeste des frontières du Cambodge, une ingérence dans sa souveraineté et un acte d’agression extérieure. Jusqu’en 1989, ils œuvrent pour s’opposer à la présence vietnamienne sur le territoire cambodgien. Singapour notamment, avec Lee Kuan Yew à sa tête, déploie des efforts concertés pour présenter chaque année à l’Assemblée générale des Nations unies des résolutions appelant au retrait des troupes étrangères et à la reconnaissance de l’autodétermination du Cambodge, sans restaurer pour autant les Khmers rouges.

 

Les réactions au post de Lee Hsien Loong ne se sont pas fait attendre. La porte-parole du ministère des Affaires étrangères vietnamien, Lê Thi Thu Hang, a déclaré à la presse dans la foulée que « le Vietnam regrette qu’il y ait eu des déclarations reflétant sans optimisme la vérité historique, causant de mauvais impacts sur l’opinion publique ». De son côté, le ministre cambodgien de la Défense, Tea Banh a qualifié les remarques de Lee Hsien Loong « d’erronées et de contraires à l’histoire… Nous considérons toujours les soldats volontaires vietnamiens comme les sauveurs de notre peuple ». Les propos du Premier ministre cambodgien, Hun Sen, ont été moins nuancés lorsqu’il a accusé le Premier ministre singapourien « de soutenir le génocide ».

 

Dans un souci d’apaisement, Tan Chuan-Jin, président du Parlement singapourien a fait savoir devant la presse, samedi 8 juin, que « chaque partie peut choisir de définir le passé à sa guise. Cela ne change pas le passé. Cela ne nous empêche pas d’être de bons voisins aujourd’hui, comme nous nous sommes engagés à le faire ».

 

Laetitia Person

Laetitia Person

Diplômée en droit, Laetitia conçoit des stratégies éditoriales et contribue à la production de contenus en free lance depuis 2011. Elle se passionne pour la course à pied.
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Binh mar 06/08/2019 - 18:09

Cette analyse d'un dirigeant singapourien n'a rien d'étonnante, quand on sait que les Singapouriens sont en grande partie d'origine chinoise et qu'ils manifestent souvent leur attachement à la Chine de manière passionnelle, sinon aveugle: ici, rappelons que la Chine avait soutenu le régime génocidaire des Khmers Rouges. CQFD. Nos diplomaties occidentales actuelles ont tendance a oublier cette histoire pas si lointaine que ça, et ne se gênent pas au contraire pour cultiver leurs bonnes relations avec la Chine autoritaire d'aujourd'hui qui n'a strictement rien changé à celle de 1978 (qui approuvait les massacres de Pol Pot), sauf l'irruption en masse des voitures et des gratte-ciels: un tel marché vaut bien un mouchoir occidental posé sur des cadavres gênant. Et dans le même temps, pour faire bonne figure, on chasse les anciens nazis (ancêtres spirituels dits "socialistes", eux aussi) pour garder sa belle étiquette humaniste d'Européens ou d'Américains modernes. Quand la Chine démocratique se réveillera, les Occidentaux en feront autant mais en retard, et se souviendront alors de la responsabilité des staliniens chinois dans le génocide Khmer Rouge, comme par hasard. Question d'étiquette...

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