Mélomane averti, Arnaud de Fontgalland vient de créer Sing’Baroque, une Académie de musique baroque. Son ambition ? Mieux faire connaître la musique baroque à Singapour et la rendre accessible à tous. Un premier concert est prévu le 6 janvier.
Avant de rentrer dans le vif du sujet, pouvez-vous nous présenter rapidement la musique baroque ?
- Arnaud de Fontgalland : Les origines du mouvement baroque remontent à la Réforme luthérienne. Pour contrer la désertion des églises catholiques par les fidèles qui leur préfèrent les temples protestants, le pape Paul III décide, avec le concile de Trente, de théâtraliser les cérémonies religieuses. La musique d’Église va prendre toute son ampleur. En Italie, certaines messes seront même célébrées avec quatre chœurs, disposés à chaque coin des édifices, se répondant les uns les autres. Devant le succès rencontré par les cérémonies religieuses, érigées en véritables spectacles vivants, les cours se saisissent du phénomène, lui permettant ainsi de s’amplifier. Jamais une période, dans l’histoire de la musique occidentale, n’a été aussi prolifique et innovante. La complexification des formes instrumentales et vocales aboutit même à la naissance de l’opéra. Trois cents ans avant Broadway, les opéras sont les premiers shows complets mêlant intimement la danse, le théâtre, la musique et les machineries. Aujourd’hui, la pratique est modernisée, rendant la musique baroque plus accessible, particulièrement auprès d’un public jeune. Elle renforce le sens artistique autour de l’improvisation, comme dans le jazz et aujourd’hui le rock.
Quelle place est accordée à la musique baroque aujourd’hui ?
- Une grande partie du répertoire a été oubliée depuis le milieu du 18ème siècle. Puis, la musique baroque a été redécouverte dans les années 1970. En plus des répertoires qui sont remis à l’ordre du jour, les instruments de l’époque ont alors commencé à être redécouverts. Des recherches musicologiques sont menées depuis pour comprendre comment exploiter au mieux leur potentialité : un violon baroque nécessite une technique très différente d’un violon moderne. Et, c’est justement lorsque la musique baroque est jouée de cette façon, « à l’ancienne », qu’elle musique retrouve son dynamisme, qu’elle nous « parle » et qu’un public nouveau est attiré et séduit !
Qu’est-ce qui vous a donné envie de créer Sing’Baroque ?
- L’envie de faire découvrir, à tous, ce répertoire. La mise à jour de la politique culturelle de Singapore insiste beaucoup sur l’importance d’aller vers de nouveaux publics non avertis pour les séduire. C’est précisément ce que nous voulons faire avec Sing’Baroque, je suis depuis toujours convaincu et j’ai pu constater que la musique baroque peut séduire un public qui n’entrerait pas naturellement dans une salle de concert. Le baroque c’est rock !
Justement, quelles sont vos envies ? Que proposez-vous avec Sing’Baroque ?
- Je souhaite aller vers le public d’une manière différente. Je cible une audience large, tant à Singapour qu’au-delà, pour positionner l’île comme une destination musicale. L’objectif à terme est d’établir une sorte de leadership sur ce répertoire dans la région. Mon offre repose sur quatre points clés de développement : la découverte, le partage, l’enchantement et le sens. Concrètement, nous allons organiser des concerts dans les lieux où les gens passent du temps. Les community centers et les parcs s’y prêtent à merveille. L’objectif est d’aller vers un public plutôt que de lui demander de franchir les portes d’une salle de spectacle. Les écoles nous intéressent également pour sensibiliser les enfants, dès le plus jeune âge, à la musique baroque et à ses instruments. Les étudiants en musique seront particulièrement privilégiés. Nous leur donnerons l’opportunité de côtoyer les plus grands chefs, internationalement reconnus, aux côtés desquels ils travailleront un répertoire baroque avec des instruments anciens. Un concert sera organisé à l’issue de chaque masterclass.
Vous évoquiez également l’enchantement et la nécessité de redonner du sens à la musique baroque…
- Oui, nous allons rendre la musique baroque accessible à tous, mélomanes ou non, en proposant une offre de qualité, avec des ensembles reconnus mondialement dans des endroits de prestige. Il y a de quoi provoquer l’enchantement ! Le sens sera porté d’abord par les programmes des concerts qui raconteront toujours une histoire. Toute la musique vocale sera sous-titrée, pour permettre aux spectateurs de suivre l’intrigue, et les mises en scène utiliseront les technologies les plus modernes. Les spectateurs auront également la possibilité de télécharger le concert auquel ils ont assisté pour conserver une trace et revenir sur le moment.
Sing’Baroque va avoir son propre ensemble…
- Sing’Baroque se construit avec l’ensemble en résidence Red Dot Baroque qui assurera environ 50 % de notre programmation. Il s’agit d’un ensemble de jeunes musiciens singapouriens. Ils jouent tous sur des instruments d’époque.
Votre présentez votre premier concert le 6 janvier prochain…
- Pendant une heure, nous proposerons un tour d’Europe du baroque autour du thème « The seasons of Love ». À l’issue du concert, lors d’un cocktail, nous présenterons les objectifs de l’Académie, la programmation et les différentes activités déployées, dont le carnaval des oiseaux qui démarrera dès mars 2019.
Le carnaval des oiseaux… Quel nom évocateur ! De quoi s’agit-il ?
- Depuis les origines de la musique, l’ambition est d’imiter le chant des oiseaux. Louis XV aura même une volière avec des oiseaux sachant reproduire des airs d’opéra. Dans le cadre de cette activité, nous allons programmer des pièces autour de ce thème avec les musiciens du Red Dot Baroque. Ils se produiront bien évidemment à Kebun Baru Bird Singing Club qui voit s’affronter, tous les dimanches matins, des centaines d’oiseaux dans un drôle de concert. Nous organiserons également des ballades dans des parcs, avec un ornithologue, pour expliquer les différents chants des oiseaux. Le public sera actif et c’est une manière ludique de sortir la musique des salles de concert ! Cette activité sera gratuite.
La programmation va progressivement s’étoffer…
- Oui, les premiers ensembles hors Singapour vont se produire. Cinq concerts majeurs seront proposés dont Les Eléments, opéra composé par André Cardinal Destouches et Michel-Richard Delalande au début du 18ème siècle. La première représentation s’est faite, en décembre 1721, en présence du jeune Louis XV, alors âgé de onze ans, parmi les danseurs. Ensuite, notre programmation va se diversifier avec la re-création d’œuvres de Pedrini et Amiot. Ces deux religieux furent envoyés par le Pape à la Cite Interdite. Ils y écrivirent des pièces de musique dans leur propre style en utilisant des instruments chinois traditionnels. C’est une belle rencontre, entre les mondes chinois et européen, qui associera un ensemble européen et un ensemble d‘instrumentistes chinois qui jouent sur des instruments traditionnels. Enfin, le dernier moment consacrera le Ballet royal de la nuit qui a assis Louis XIV sur le trône. Habillé tout en or et représentant le soleil, il démontre sa puissance dans cette œuvre. C’est à partir de là qu’on le surnomme le Roi-Soleil.
Renseignements pratiques
6 janvier 2019 à 19h
info@singbaroque.sg