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L’obsession de la beauté parfaite, à Singapour et en Corée

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Corinne Mariaud et l'un de ses modèles lors d'un shooting
Écrit par Bertrand Fouquoire
Publié le 21 août 2019, mis à jour le 28 juillet 2023

La photographe Corinne Mariaud est, depuis deux ans, de retour à Paris. Elle y poursuit un travail, dans lequel une part importante est nourrie des liens privilégiés tissés avec Singapour, la Corée et le Japon. Elle continue notamment d’y puiser une piquante inspiration pour traiter de la féminité, qu’elle aborde sous des angles inédits, souvent provocateurs. Visite commentée, par l’intéressée, des séries « Fake i Real Me », « I Try so Hard « et « Trophées », qui mettent en scène les clichés, l’obsession de la beauté parfaite et le rapport du masculin à la féminité.

 

Dessinatrice, graphiste, directrice artistique, assistante de réalisateur et réalisatrice de courts métrages, Corinne Mariaud a couvert, façon grand angle, tout le champ du visuel, avant de choisir la photographie comme le medium privilégié de sa création artistique. « Dans mon travail artistique, explique-t-elle, je suis plutôt interpellée par des sujets universels, tels que la femme dans la société contemporaine. Quand on fait un travail artistique, on utilise les failles. Il y a une part de risque. On va chercher des choses en soi. On s’expose. Quand on commence à réfléchir sur un thème, plus on avance, plus on se rend compte qu’on a encore quelque chose à dire. Souvent, la série ne fait sens que lorsqu’elle est complète ».

Fake i Real Me* :  la question du vrai et du faux, des influences de la mode

A Paris, Corinne Mariaud vient d’achever l’exposition de la série ‘Fake i Real Me*; une série, réalisée à Singapour et en Corée, qu’elle avait présentée à Singapour puis à Shanghai en 2017. Elle y aborde la question du vrai et du faux, les influences de la mode, à travers les portraits de jeunes femmes singapouriennes et coréennes qui n’hésitent pas à transformer leur visage, à commencer par leur regard, dans une recherche de la beauté parfaite. « A Singapour, confie Corinne Mariaud, les jeunes femmes que j'ai photographiées portent des lentilles pour colorer et agrandir les pupilles. Ce qui m'a intrigué, c'est que ces lentilles cachent le regard. Or, on dit souvent que les yeux sont le véritable lien entre l'extérieur et l'intérieur, l'apparence, et qui on est vraiment. Les yeux sont les « fenêtres de l'âme ». Beaucoup de choses passent par le regard. Ces lentilles interfèrent sur ce lien, elles sont comme un masque. En Corée du Sud, la recherche de la perfection est poussée à l'extrême. Il y a une forte pression sociale autour de la beauté, et les jeunes femmes placent la beauté parmi les choses les plus importantes de leur vie. Elles utilisent donc tous les moyens possibles pour être belles : des lentilles de couleur comme à Singapour, mais également beaucoup de maquillage, tout en subtilité, pour sculpter le visage en redessinant les ombres et lumières, ou encore des injections de produits tels que l'acide hyaluronique pour combler toutes les irrégularités du visage, et jusqu'à la chirurgie esthétique. Les jeunes filles y ont parfois recours dès l'âge de 15 ans, avec le soutien de leurs parents. Elles débrident les yeux, retouchent le nez, et certaines vont très loin dans la chirurgie, comme raboter la mâchoire pour avoir un menton pointu ou remonter les commissures des lèvres pour avoir « le sourire permanent ».

Photos Corinne Mariaus: I try so hard, Trophées, Fake I real Me

Flower Beauty Boys* : masculin-féminin

Prolongement masculin de la série « Fake i Real Me », plusieurs portraits d’hommes réalisés à Singapour, à Séoul et à Tokyo, témoignent d’une quête de la beauté comparable dans l’univers des hommes. « J'ai vu beaucoup de garçons, remarque Corinne Mariaud, à Singapour et surtout en Corée, qui portent aussi des lentilles, qui se maquillent et font de la chirurgie esthétique. J'ai commencé une série sur les hommes. Il me semble en effet que la masculinité, elle aussi, doit être questionnée et qu'il y a peut-être une nouvelle approche de la masculinité, avec des hommes virils, mais qui acceptent leur côté féminin et attachent, eux aussi, une grande importance à leur apparence et à la beauté. En Corée, on les appelle les « Flower beauty boys », c'est un très joli nom ».

« I Try so Hard « et « Trophées » : sourires et tensions

Plus ancienne, la série « I Try so Hard », avait été réalisée en France, avant le séjour de Corinne Mariaud à Singapour.  « Dans I Try so Hard, précise-t-elle, j’ai demandé aux jeunes femmes avec lesquelles je travaillais de sourire et de tenir ce sourire pendant 2 mn. Je les ai filmées. J’ai travaillé sur l’idée du sourire comme un masque. Il y a l’idée de garder l’équilibre. Les images sont encadrées comme s’il s’agissait de portraits. Il y a aussi une série de 12 photos par groupes de 3. J’ai fait avec chaque jeune femme 3 photos différentes, dans lesquelles elles reproduisent le même sourire. Elles changent de maquillage et de vêtements et deviennent différentes. Mais ce que je m’attache chaque fois à saisir c’est ce qui reste permanent malgré ces différences ».

Plus provoquante encore, la série « Trophées » met en scène plusieurs têtes de femmes, comme s’il s’agissait de « trophées de chasse ». « Dans la série Trophées, explique Corinne Mariaud, je surfe sur les clichés. Quand on voit une biche en trophée, on voit quelque chose de beau. Mais c’est aussi violent, parce que la tête est coupée. C’est le paradoxe des chasseurs qui disent aimer les animaux et les tuent. D’une certaine manière, les trophées sont une glorification de la violence. La femme y est représentée hors d’état de nuire».

couverture du mag 13 Singapour, photo de Corinne Mariaud

Corinne Mariaud est l'auteure de la photographie de couverture du magazine Singapour n°13 ( photo issue de la série Fake i Real Me)

* Fake i Real Me et Flower Beauty Boys, 23 Mai au 16 juin 2019, dans le cadre de Body Fiction(s), Mois Européen de la photo au Luxembourg

 

 

 

 

 

 

Reprise de l'article paru dans le magazine Singapour n°13 (Mai-Sept 2019) dans la rubrique "l'Asie vue de Francel". Article rédigé à partir des interviews réalisées respectivement par Bertrand Fouquoire et Cécile Brosolo à l’occasion des expositions « I try so Hard » et « Fake I Real Me » à Singapour.

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