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L’Everest : Le Toit du monde depuis Singapour (épisode 2)

Everest Singapour le petit journalEverest Singapour le petit journal
Gokyo lakes, khumjung @Kalle-Kortelainen
Écrit par Laetitia Dubois Crochemore
Publié le 6 mai 2019, mis à jour le 18 juillet 2019

Accessible en vol direct depuis Singapour, le Népal est une destination de rêve pour les trekkeurs et les fous de montagne. En effet, ce pays situé entre la Chine et l’Inde compte 8 des 10 plus hauts sommets du monde. La chaîne de l’Himalaya, « demeure des neiges » en népalais, est née d’une secousse considérable due au processus de tectonique des plaques. L’Everest, objectif pour certains et sommet mythique pour d’autres peut être approché de différentes manières. Un trek jusqu’au camp de base (épisode 1) ou l’ascension depuis de ce même camp (épisode 2) en constituent deux options possibles.

 

Episode 2 La montée au sommet

 

Une préparation indispensable

 

Cette excursion ne s’improvise pas et un minimum de mise en condition s’impose. Tout d’abord, il va falloir prévoir le budget nécessaire : le permis d’ascension à payer est d’environ 13 600 SGD. Ensuite, tout dépend des conditions de confort dans lesquelles on veut effectuer son périple. Les agences de voyages peuvent demander jusqu’à 100 000 SGD (voire plus) par personne. En général sont compris les vols, le permis d’ascension, la pension complète en lodge et ensuite en tente, les services d’un sherpa et 8 bouteilles d’oxygène. 

Il est conseillé de s’entraîner physiquement avant de se rendre au Népal : crossfit, escalade…

« Sherpa » signifie « peuple de l’Est », au 16ème siècle, ce groupe ethnique d’origine tibétaine s’est déplacé vers l’ouest pour s’implanter dans les vallées abritées du sud de l’Everest. Ils sont aujourd’hui 150 000 à vivre principalement dans le Khumbu et à Kathmandu. Dans le Khumbu, ils ont développé l’agriculture et l’élevage du yak. L’afflux des alpinistes et des trekkeurs a développé une prospérité nouvelle pour cette population qui est devenue spécialiste de leur accompagnement. Le sherpa est le guide, le porteur, le coach et « l’ange gardien » de l’alpiniste.

 

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Himalaya

 

Le temps à y consacrer

 

Il faut compter 6 semaines à 2 mois pour tenter l’ascension. La période recommandée est avril-mai, le moment de l’année où le temps est le plus clément. La montée se fait le plus souvent par l’arête sud : la plus populaire et réputée comme la moins difficile. Au début de la saison, les sherpas commencent à installer les cordes fixes le long du parcours sur la montagne.

Les principales étapes sont les suivantes (variables en fonction de la météo) :

  • Les 2 premières semaines sont consacrées à l’arrivée à Kathmandu (préparation de l’expédition, achat de matériel) et à la marche d’approche de Lukla au camp de base,
  • Les 3ème et 4ème semaines : installation au camp de base de l’Everest (5 357 m),
  • Les 5ème et 6ème semaines : installation aux camps 1, 2, et 3, respectivement à 6 065 m, 6 400 m, et 7 200 m d’altitude,
  • La 7ème semaine : installation au camp 4 (7 920 m), puis tentative d’ascension du sommet de l’Everest (8 848 m),
  • La dernière semaine : redescente vers Kathmandu, puis retour.

Bien que la distance du camp de base au sommet ne soit que de 14,5 km, il faut prendre le temps de réaliser les 3 500 m de dénivelé.

 

"L’Icefall" ou la cascade de glace du khumbu

 

Cette étape, commençant depuis le camp de base, est considérée comme l'une des plus dangereuses de l’ascension. Beaucoup de grimpeurs et de sherpas y ont été laissé leurs vies. En effet, les séracs et les crevasses sont nombreux. Des échelles domestiques (parfois jusqu’à 5 attachées ensemble) doivent être traversées pour passer au-delà des crevasses de 100 m de profondeur : une vingtaine d’échelles pour arriver jusqu’au camp 1. De larges blocs de glace de la taille d’une voiture ou d’une maison peuvent tomber du glacier. Afin de minimiser les risques, les alpinistes commencent habituellement leur montée bien avant l’aube quand les températures encore basses maintiennent en place, par le gel, les blocs de glace. Ce moment intense de l’ascension nécessite une certaine force physique bien sûr mais surtout mentale. C’est un premier cap dans le test de ses propres limites.

Des aller-retours du camp de base au camp 1 et entre les camps suivants vont permettre aux corps des alpinistes de s’acclimater à l’altitude et au manque d’oxygène. 

 

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Icefall, Bloc de glace

 

Du camp 1 au sommet de l’Everest

 

À partir du camp 1, les grimpeurs remontent la « combe Ouest », en anglais Western Cwm, au pied du Lhotse, où le camp 2 est établi à 6 400 m d'altitude. Cette vallée glacière compte d'énormes crevasses. Les grimpeurs sont obligés de passer sur le côté droit, près du pied du Nupste, le long d'un passage étroit connu sous le nom de « Nuptse corner ». Cette vallée est également appelée « vallée du silence » car elle est protégée du vent. Par beau temps, la chaleur peut devenir difficilement supportable.

 

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Traversée de la la cascade de glace, sherpas en route vers le camp1

 

Du camp 2, les grimpeurs montent sur les pentes du Lhotse à l'aide de cordes fixes jusqu'au camp 3, situé sur un petit plateau à 7 200 m d'altitude. De là, il reste encore 500 m de dénivelé à gravir pour atteindre le col sud où se trouve le camp 4 à 7 920 m d'altitude. 

A partir de 7 000 m, il est plus qu’indiqué de commencer à consommer l’oxygène en bouteilles. À cette altitude, le risque d’hypoxie est à son comble.

Du camp 3 au camp 4, les grimpeurs sont confrontés à deux difficultés majeures : l’« éperon des Genevois » et la « Bande jaune ». 

 

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Grimpeurs approchant la face du Lhotse lors d'une sortie d'acclimatation au camp 3

 

À partir du camp 4 au col Sud, les grimpeurs entrent dans la « zone de la mort » : en raison de l'altitude, le fonctionnement des organes se détériore et le temps passé dans cette zone doit être réduit au minimum.

L'assaut final commence généralement autour de minuit : 900 m de dénivelé qu'il est raisonnable de réaliser en 10 à 12 heures. Les grimpeurs atteignent d'abord le « balcon » à 8 400 m d'altitude, une petite plate-forme où il est possible de se reposer et de contempler les crêtes au sud et à l'est. Ensuite, la traversée se fait souvent par l'est où le risque d'avalanche est élevé. À 8 750 m d'altitude, un petit dôme de glace et de neige marque le sommet sud.

 

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Du camp 3 au camp 4, 7 500 m

 

Du sommet sud, les grimpeurs suivent la très effilée arête sud-est, étape connue sous le nom de la « traversée de la corniche ». C'est la section la plus exposée de l'ascension car un faux pas vers la gauche pourrait faire tomber le grimpeur à 2 400 m plus bas tandis qu'un faux pas vers la droite le ferait dévaler les 3 050 m de la face du Kangshung sur le versant septentrional, côté tibétain. La dernière difficulté étant le « ressaut Hillary », un mur de roche de 12 m de haut à 8 760 m d'altitude. Hillary et Tensing furent les premiers à surmonter cet obstacle en 1953 avec l'équipement de l'époque et sans cordes fixes. Depuis 2018, la paroi rocheuse presque verticale a cédé la place à une pente neigeuse graduelle, qui rend l'ascension du sommet plus rapide et facile.

Les grimpeurs passent en général moins d'une demi-heure sur le "toit du monde" car ils doivent redescendre au camp 4 avant la nuit. Ils doivent aussi faire attention aux conditions météorologiques qui se dégradent souvent dans l'après-midi ainsi qu'à leurs réserves d'oxygène. Beaucoup d'accidents ont lieu sur le chemin du retour.

 

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Arête Nord de l'Everest depuis le sommet

 

« Quelques Français qui l’ont fait » basés à Singapour

 

Valérie Boffy

Valérie est la 6ème Française à avoir gravi l’Everest. Elle a atteint le sommet le 19 mai 2012.

La renonciation, malgré elle, à son rêve de fonder une famille nombreuse l’entraîne à faire la rencontre d’une femme exceptionnelle : Zainab Salbi, fondatrice de Women for Women International (WfWI), une charité internationale qui vient en aide aux femmes victimes de guerre. Cette femme l’inspire et l’émeut. Valérie décide de s’investir à ses côtés au sein de WfWI. Elle participe notamment à un trek en novembre 2011 jusqu’au camp de base. La vue de ce sommet l’époustoufle et l’intimide, mais elle se sent aspirée par son côté majestueux et ne rêve que d’en gravir les pentes jusqu’à son sommet. C’est un moyen de reprendre confiance en elle et de se reconstruire. Après 4 mois de préparation intense, elle part le 1er avril 2012 et 7 semaines plus tard elle atteindra le sommet le 19 mai 2012. 

Cette expérience lui a permis de voir jusqu’où elle pouvait aller physiquement et mentalement. C’est un privilège pour elle, elle a bien conscience d’avoir vécu un moment unique

Valérie explique que « la montagne ne t’est pas due, c’est elle qui te laisse la chance de passer : malgré la meilleure des préparations, le meilleur guide, le meilleur équipement…la chute d’un bloc de glace ou une avalanche peut avoir raison de ta vie ». 

 

Valérie Boffy Everest Le petit journal de Singapour
Valérie Boffy 2012

 

Fabrice Imparato

Fabrice est un mordu de montagne que ce soit depuis l’enfance, avec la lecture d’Annapurna de Maurice Herzog ou un entraînement intensif lors de longs wee-kends à Chamonix avec un coach, il est devenu un insatiable d’alpinisme. Il réalise un premier exploit en gravissant en 2004, en un mois, l’Ama Dablam, sommet au Népal de 6 812 m, un sommet technique à une vingtaine de kilomètres de l’Everest. Comme l’indique Fabrice « ce fut une très bonne préparation ». 

C’est en 2006 qu’il s’attaque au toit du monde. Il en garde d’excellents souvenirs de rencontres. Il s’est fait des amitiés pour la vie. Naturellement moins consommateur d’oxygène, il se rend compte lors de son ascension que sa bouteille ne lui fournit pas le débit d’oxygène nécessaire. Heureusement, l’incident est résolu et Fabrice peut savourer son exploit au sommet le 18 mai 2006. Du haut de l’Everest, il peut admirer 4 des plus hauts sommets du monde.

Non rassasié par cette expérience, il tente, en 2009, l’ascension du K2 : « la montagne sans pitié », un sommet très technique situé au Pakistan. Moins haut (8 611 m) que l’Everest mais sans doute le plus difficile au monde. Pour des raisons de conditions météorologiques très difficiles, il doit renoncer. Mais en 2012, il tente à nouveau et c’est le succès. Il réussit l’exploit, ultime !

 

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Fabrice Imparato 2006

 

Paul Valin

Paul a rencontré Valérie Boffy en 2013. Elle a ravivé en lui ce rêve d’enfant qu’il avait mis de côté. Il a également lu Annapurna de Maurice Herzog et garde un souvenir émerveillé de balades en famille en montagne. Valérie va lui présenter son chef d’expédition et l’accompagne pour un trek jusqu’au camp de base. 

Contrairement à celui de Fabrice, son physique est moins propice à l’alpinisme de haut niveau, il est très grand et donc plus lourd. Ses besoins en oxygène sont plus importants et en cas de problème dans la montagne, son sauvetage risque d’être impossible.

En dépit de ces obstacles, il tente une première ascension en 2014. Malheureusement cette année-là une terrible avalanche va avoir lieu coûtant la vie à 16 sherpa. Elle mettra fin à la saison de manière tragique. Il doit renoncer à son rêve.

Il tente à nouveau l’expérience en 2018. Son ascension se passe plutôt bien sauf à un moment où pendant une heure il commence à réaliser qu’il perd l’usage de ses mains. Une chaufferette qu’il avait gardée sur lui va lui sauver les doigts. Il atteint le sommet le 21 mai 2018.

Paul, qui a le souvenir le plus récent, a le sentiment d’avoir été au bout de ses limites physiques et mentales mais cette expérience l’a rendu plus fort et il sait jusqu’où il peut aller maintenant.

 

Paul Valin Everest Le petit journal de Singapour
Paul Valin 2018

 

Cette ascension de l’Everest (tout comme le trek jusqu’au camp de base) constitue une expérience unique, magnifique et inoubliable. La majorité des grimpeurs, amoureux de la montagne, restent soucieux de l’environnement et la côtoient avec le plus grand respect. Mais d’autres le sont moins et certains sites sont marqués par le passage des alpinistes. 

Par ailleurs, en raison de la raréfaction de l’oxygène, les risques d’œdème pulmonaire et cérébral sont bien présents. Et bien que le cerveau ne présente que 2 % du poids d’un homme adulte, il consomme 15 % de l’oxygène brûlé par le corps. Les sauvetages en hélicoptère au-delà de 6 500 m sont rares car techniquement non envisageables (il y a quelques exceptions).

Il ne faut donc pas hésiter à reporter le challenge si celui-ci s'avère est trop difficile.

 

Quelques ouvrages et film :

Annapurna, 1951, roman de Maurice Herzog, 

Into thin air, 1997, roman du journaliste Jon Krakauer ayant participé à l’expédition catastrophe de 1996

Everest, film sorti en 2015, dirigé et produit par Baltasar Kormakur retraçant la tragédie de 1996

 

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