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Les portes de l’enfer sont ouvertes jusqu’au 2 septembre

Au 7ème mois du calendrier chinois, l’air de Singapour se remplit de cendres et d’odeurs de brulé. C’est le retour du festival des fantômes affamés qui profitent de l’ouverture des portes de l’enfer pour errer dans la ville. Mais que se cache derrière ces pratiques qui peuvent nous paraitre bien étranges.

Les fantômes affamés courent les rue de Singapour jusqu'au 4 septembre.Les fantômes affamés courent les rue de Singapour jusqu'au 4 septembre.
Brûlage de papier à offrande (@ Straits Times)
Écrit par Jean-Michel Bardin
Publié le 22 août 2024, mis à jour le 23 août 2024

Une tradition encore bien vivante à Singapour

Pour apaiser leur appétit et calmer leurs éventuelles humeurs malignes, diverses offrandes leurs sont offertes : tout d’abord, des contrefaçons d’objets du quotidien en papier ou en carton, depuis des appareils électroniques et des billets de banques (monnaie de l’enfer), jusqu’à des maisons ou des voitures, en passant par des chaussures ou des sacs de marque, qui seront brûlées la nuit dans des brûleurs disposes à cet effet dans tous les quartiers ; ensuite des aliments (notamment oranges, riz, et cacahuètes), des bougies, et des bâtons d’encens disposés au pied de habitations, les aliments étant supposé avoir été dégustés par les fantômes lorsque les bâtons d’encens sont consommés ; enfin des spectacles de chant et de danse (« Getai ») qui mêlent tous les langages et dialectes usités à Singapour.

 

Pendant le festival des fantômes affamés des offrandes sont faites au pied des immeubles.
Offrandes au pied des habitations (@ NUS)

Si vous ne voulez pas avoir des ennuis avec les fantômes pendant ce mois, un certain nombre de précautions sont nécessaires. Tout d’abord, faites attention aux offrandes quand vous marchez, par respect tant pour ceux auxquels elles sont destinées que pour ceux qui les ont préparées. Plus généralement, évitez de sortir la nuit : vous pourriez y faire de mauvaises rencontres, particulièrement le long des murs. Surtout, évitez de parler, siffler, ou chanter la nuit pour ne pas attirer nos amis de l’au-delà. Piquer une tête dans la piscine la nuit est aussi fortement déconseillé. Mettez l’alcool de côté durant ce mois : les personnes ivres sont plus faciles à posséder. De même, ne portez pas de noir ou de rouge, couleurs qui accompagnent les offrandes, car particulièrement prisées par les esprits. Ne mettez pas votre linge à sécher la nuit : les fantômes risqueraient de se l’approprier. Si vous assistez à un spectacle de Getai, ne vous avisez pas de vous asseoir au premier rang qui est toujours vide : il est réservé aux esprits en mal de distractions. Enfin, n’inaugurez pas de grands changements dans votre vie, comme de marier, déménager, ou changer de travail : cela pourrait mal se terminer.

Ce festival semble avoir été célébré dès l’arrivée des anglais, et donc des premiers immigrants chinois, au début du 19ème siècle.

 

La monnaie de l'enfer fait partie des offrandes aux fantômes affamés.
Monnaie de l’enfer (@ Travelfish)

Des origines qui remontent à la nuit des temps

Derrière ces pratiques folkloriques se cache un culte très ancien, que la culture chinoise partage avec beaucoup d’autres et qui est bien antérieure à l’ère chrétienne : celui des ancêtres. A l’automne, des sacrifices étaient offerts aux ancêtres, dans l’espérance de bonnes moissons.

Dans les premiers siècles de notre ère, le taoïsme a enrichi ce culte en décrivant les dix tribunaux des enfers devant lesquelles les âmes des défunts doivent comparaitre pour être jugées et payer pour leurs péchés. Tant qu’ils n’en ont pas fini avec ce processus long et douloureux, ils errent dans le monde souterrain où la nourriture est rare et la vie, difficile. Mais, un mois par an, le septième mois du calendrier chinois, les portes de l’enfer s’ouvrent et les esprits peuvent temporairement rejoindre le monde des vivants et requérir leur aide pour améliorer leur ordinaire ou raccourcir leur séjour aux enfers.

Le bouddhisme a donné à ce rituel une tournure plus spirituelle, qui renvoie à la piété filiale. La tradition rapporte qu’un des plus proches disciples de Bouddha qui avait atteint l’éveil avait eu une vision de sa mère souffrant comme fantôme affamé. Il essaya de lui faire parvenir un bol de riz, mais celui-ci prit feu lorsqu’elle le prit dans ses mains. Sur le conseil de Bouddha, il offrit de la nourriture à des moines et sa mère put enfin sortir des enfers pour se réincarner en chien.

Dans ce contexte, les offrandes peuvent être faites aussi bien dans les temples que chez soi, sachant que la plupart des famille chinoises ont chez elles un autel réservé aux ancêtres. Ce qui importe est moins l’ampleur et les prix des offrandes, comme certains le pensent, que la sincérité de la démarche et la profondeur des prières. Il est préférable de faire des donations à des organisations caritatives plutôt que de transformer des fortunes en fumée. Durant ce mois, la plupart des temples organisent des cérémonies destinées à aider les esprits errants.

 

Pendant le festival des fantômes affamés, des cérémonies sont organisées dans les temples bouddhistes.
Offrandes dans un temple (@ Singapore Tourism Board)

 

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