A l'heure où Singapour souhaite inscrire les Hawkers à la liste du patrimoine culturel immatériel de l'humanité de l'UNESCO, lepetitjournal.com vous propose un retour sur ces lieux emblématiques de la cité-Etat.
Le Premier ministre Lee Hsien Loong a annoncé le 19 août, dans son discours du National Day Rally, la nomination de la culture Hawker par Singapour pour une éventuelle inscription sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l'humanité de l'UNESCO. C'est qu'ils ne sont pas des lieux ordinaires. Ils constituent des opportunités d'emplois accessibles à ceux qui n'ont pas de qualification, ils proposent des produits à des prix accessibles. Ils sont enfin des lieux privilégiés d'interaction sociale, et une attraction pour les touristes.
S'exprimant à l'Institute of Technical Education College Central à Ang Mo Kio, le Premier ministre Lee a décrit la culture des Hawkers comme une "institution culturelle" faisant partie intégrante du patrimoine et de l'identité de Singapour. "Les Hawker centers sont nos salles à manger communautaires", a-t-il déclaré, notant que les Singapouriens de toutes les races, religions et groupes socioculturels se retournent ensemble dans les Hawkers.
Une plongée dans l'univers des Hawker Centers ...
A Singapour, les hawkers désignent des centres en plein air abritant un certain nombre d'échoppes qui proposent boissons ou nourriture. Les hawkers, comme centres, sont nés dans les années 50-60, en pleine urbanisation, pour résoudre, notamment, les problèmes d'hygiène et de pollution liés à la pratique des vendeurs des rues, dont ils ont repris le nom. Pour la plupart, ces derniers étaient des immigrants venant de Chine, parfois de Malaisie ou d'Inde. L'activité de vendeur de rue était essentielle à double titre : pour les personnes sans capital ni qualification elle était un moyen simple d'avoir une activité ; pour la population en générale, elle-même sans grandes ressources, c'était la possibilité de trouver de la nourriture et des petits équipements à bas prix..
Lutter contre les problèmes d'hygiène mais aussi contre les mafias et la corruption
50 ans plus tard, on peut se réjouir de l'existence des Hawkers centres mais regretter la disparition, avec les vendeurs des rues, de tout ces petits métiers qui nourissent la nostalgie d'une époque, dont on retient volontiers les images poétiques, en oubliant leurs inconvénients.
Car l'histoire des vendeurs des rues, comme celle, plus tard, des Hawkers centres, est intimement liée à la course de la cité Etat vers la modernité. A ce titre, elle est d'ailleurs exemplaire de la "manière" singapourienne - pragmatisme et résolution - pour mettre en œuvre le changement.
L'enjeu constant, à chaque étape de cette histoire, c'est l'hygiène et, en corollaire, des questions de circulation, voire de lutte contre les mafias et la corruption. Un enjeu essentiel dans un contexte d'urbanisation rapide et de développement économique. En contrepoint, il y a la question de l'héritage et donc de l'identité singapourienne.
Il y a aussi une problématique économique qui est liée à l'activité des hawkers, potentiellement génératrice de tensions sociales. Enfin, les hawkers jouent un rôle essentiel comme espaces de communauté pour les interactions sociales. Ce n'est pas un hasard si c'est dans les hawkers que les aspirants députés se rendent spontanément, pour faire campagne et aller à la rencontre des électeurs.
Sortir les vendeurs de la rue
La première étape correspond à la création de "centres hawkers" comme une manière de proposer une alternative structurée à l'activité de vendeurs de rues, qui soit suffisamment attractive pour que les intéressés y trouvent leur compte. La pratique des vendeurs de rues était considérée comme une nuisance du fait du manque d'hygiène qui favorisait la propagation de maladies et la prolifération d'animaux nuisibles, et parce que leur installation dans la rue gênait la circulation. Par ailleurs, comme une grande partie des vendeurs de rues travaillaient de manière illégale, il y avait place pour le développement de pratiques corruptives ou celles de mafias.
Il fallait évoluer. Mais le changement emportait d'importants risques sociaux. Les vendeurs de rues avaient le soutien de la population. Celle-ci voyait essentiellement, dans les vendeurs de rues, de pauvres gens qu'on privait de leur gagne pain. Pragmatique, le gouvernement de Lee Kuan Yew attendit que l'économie de l'Ile soit devenue suffisamment génératrice d'emploi pour organiser la mutation de manière "volontariste".
Entre 1968 et 1969 on réalisa un recensement global des vendeurs de rues à Singapour. Dans un premier temps, il s'agissait de libérer les grands axes de circulation et les vendeurs de rues étaient déplacés dans des rues secondaires ou certains parkings. Les emplacements dans les centres hawkers étaient proposés aux vendeurs des rues avec la promesse de loyers du même montant que celui de la licence. Pour construire suffisamment de centres, le gouvernement imposa que tout agence qui voulait exploiter un espace s'engage à construire un hawker centre. Cette politique, appliquée à l'URA ou au HDB, en fit les principaux propriétaires exploitants de Hawkers centres. Un autre règlement imposait aux entreprises qui employaient un nombre important de travailleurs, de mettre en place une cantine, sous la forme d'un hawker centre. Entre 1974 et 1979, 54 hawkers centres furent ainsi construits.
Revamping général
depuis La deuxième étape concerne les "centres hawkers" eux-mêmes, que Singapour fut tentée de faire disparaître avant de faire le choix d'une remise à niveau générale des centres existants.
Souci d'hygiène toujours, les premiers centres continuaient de pâtir de conditions d'hygiène non satisfaisantes. En 1987, un système de points de démérite fut mis en place pénalisant ceux qui ne respectent pas les règles d'hygiène.
En 1990, on instaura une formation obligatoire pour les opérateurs de hawkers.
En 1997 le gouvernement mît en œuvre le système de repérage public des emplacements - de A (Excellent) à D (en dessous de la moyenne) - en fonction de la qualité de l'hygiène. On imposa l'organisation de services de nettoyage spécifiques avec, pour les employés, une certification reconnue par le "National Skills Recognition System". Parallèlement, on initia une campagne de sensibilisation auprès du public et des clients des hawkers pour qu'ils soient vigilants sur les standards d'hygiène, les incitant à boycotter les emplacements dont l'hygiène n'était pas satisfaisante.
En 2001, la National Environment Agency (NEA) lança un programme ambitieux de remise à niveau de l'ensemble des centres hawkers, avec un budget de 420 millions de dollars.