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Olivier Duguet, The Blue Circle : pionnier de la “révolution énergétique” en Asie

Visionnaire et entrepreneur engagé, Olivier Duguet a fondé la Société Française d'Éoliennes avant de s'installer à Singapour en 2013 pour bâtir The Blue Circle, une start-up dédiée aux énergies renouvelables. En une décennie, il transforme son projet en leader régional de l’éolien, avec 160 employés répartis dans cinq pays. Pour lepetitjournal.com, Olivier Duguet s’est confié sur son expatriation, les projets de The Blue Circle et la nécessité d’instaurer une “révolution énergétique” dans la région.

Photo d'Olivier DuguetPhoto d'Olivier Duguet
Écrit par Jean Bodéré
Publié le 4 décembre 2024

Vous avez été un des précurseurs dans le domaine de l'éolien en France. Pourquoi vous a-t-il attiré ?

Mon expérience initiale vient de la gestion d’actifs dans des banques françaises, où j’ai travaillé sur des fonds de développement durable. Cela m’a sensibilisé aux immenses défis du XXIe siècle : repenser entièrement notre modèle économique et énergétique. À l’époque, il y avait peu de solutions viables en matière d’énergies renouvelables. L’éolien représentait une innovation prometteuse, avec un potentiel presque magique.

 En tant que passionné de voile, l’idée de produire de l’électricité à partir du vent me fascinait. C’était une technologie révolutionnaire que j’ai voulu adopter et développer en France. J’ai commencé en 2001, à une époque où l’éolien en était à ses débuts en France. J’ai créé ma propre entreprise, la Société Française d'Éoliennes, qui est devenue un acteur majeur. En 2007, nous étions le numéro un en France lorsque j’ai vendu la société, intégrée par la suite au groupe Engie.

 

 

Photo d'Olivier Duguet

 

 

Pourquoi avoir quitté la France en 2013 pour vous installer à Singapour ?


Après la vente de ma société, je souhaitais explorer d’autres régions où l’éolien pourrait se développer. J’ai analysé plusieurs marchés, notamment les États-Unis, mais l’Asie a retenu mon attention. La région combine un dynamisme économique unique, une diversité culturelle fascinante, et la possibilité d’offrir à ma famille un cadre cosmopolite.

 En Asie, la diversité me fascine.  Nous avons l’impression que les pays sont très différents, et à l’intérieur d’un même pays, on constate des variations culturelles d’une région à l’autre. Dans un espace relativement restreint, on trouve une multitude de pays avec des populations nombreuses et des cultures extrêmement variées.

Une telle richesse culturelle est une source d’émerveillement inépuisable. La diversité des peuples et des traditions nourrit mon intérêt, mais il y a aussi le dynamisme unique de la région. L’Asie est aujourd’hui le moteur de l’économie mondiale et des nouvelles technologies. C’est ici que se construisent où s'appliquent les innovations qui façonnent le progrès technologique global. Le dynamisme économique des jeunes nations est également impressionnant. Singapour n’a que 59 ans d’existence en tant qu’État indépendant. Les pays asiatiques allient une histoire riche à une énergie tournée vers l’avenir, offrant un renouvellement constant.

 

Pouvez-vous nous parler des projets menés par The Blue Circle ?

Mon objectif était de créer une entreprise qui ne soit pas uniquement centrée sur l’éolien, d’où le choix d’un nom sans référence explicite à une technologie particulière. The Blue Circle s’inspire du symbole zen, évoquant l’économie circulaire et l’idée d’une énergie recyclable et durable. Il s’agit d’une philosophie asiatique qui traduit parfaitement notre vision : produire une énergie renouvelable, qu’il s’agisse d’éoliennes, de panneaux solaires ou de barrages hydrauliques, pour répondre aux besoins des populations de manière harmonieuse et respectueuse de l’environnement.

En 2013, avec un autre entrepreneur français rencontré à Singapour, nous avons commencé à explorer les opportunités dans la région. Après une analyse de marché approfondie, il est apparu qu’il y avait très peu d’acteurs, surtout dans le domaine éolien. Cela s’explique par la complexité de la technologie. Développer un projet éolien nécessite entre trois et cinq ans, avec une expertise technique approfondie : modélisation atmosphérique, gestion des réseaux électriques, et surtout, compréhension des législations foncières. Le droit du sol, particulièrement en Asie du Sud-Est, est un véritable casse-tête, chaque pays ayant ses propres règles et spécificités. Des défis qui découragent de nombreux investisseurs puisqu’ils demandent du temps, des compétences et des ressources financières considérables.

 

 

Photo d'un début de chantier de The Blue Circle
Début d'un chantier de The Blue Circle aux Philippines

 

 

Quels sont les principaux défis pour développer des projets d’énergies renouvelables en Asie du Sud-Est ?
 

Dans la plupart des pays, nous sommes partis d’une page quasiment blanche, à l’exception de la Thaïlande et des Philippines, qui avaient déjà installé quelques projets. Au Vietnam, lorsque nous avons construit notre premier parc, il n’y avait que cinq projets éoliens existants, ce qui est peu pour un pays de cette taille. La situation était similaire aux Philippines et en Thaïlande, où quelques acteurs locaux avaient commencé à tester le marché, mais l’éolien restait marginal.

 Le principal concurrent à l’éolien et aux énergies renouvelables en Asie du Sud-Est est le charbon. La majorité des pays de la région dépendent encore largement des énergies fossiles, soutenue par des infrastructures bien établies. Passer à un modèle renouvelable implique un changement de paradigme complet. Il s’agit donc de provoquer un véritable changement de paradigme, voire une révolution énergétique. Contrairement à ce que l’on appelle souvent une « transition énergétique », je pense qu’il s’agit d’un bouleversement total. Nous passons de grosses centrales fonctionnant en continu sur des énergies fossiles à des solutions décentralisées et intermittentes qui offrent des coûts stables sur 20 à 30 ans, contrairement aux énergies fossiles dont les prix sont volatils.

 

 

Photos d'éoliennes

 

 

Voyez-vous un rôle que pourrait jouer la France en Asie du Sud-Est dans le rayonnement des énergies vertes ?

Malheureusement, non. C’est vraiment dommage, mais cela reflète aussi la situation en France. Depuis mes débuts dans ce secteur, j’ai constaté qu’il y avait encore beaucoup de dénigrement envers les énergies renouvelables, et particulièrement envers l’éolien. Il est difficile d’aller à l’étranger et de dire "regardez ce que nous faisons en France", car le pays manque d’un consensus clair et d’un réel soutien à l’éolien.

Les exemples que l’on cite souvent à l’international viennent plutôt d’autres pays européens comme l’Espagne, le Danemark ou l’Allemagne, et bien sûr de la Chine, en dehors de l’Europe, qui est aujourd’hui le leader mondial dans ce domaine. Mais je mets en avant notre appartenance à l’Europe où réside l’exemple à suivre. L’éolien est une technologie profondément européenne et plusieurs pays montrent la voie. Certains fonctionnent même à 100 % en énergie renouvelable à des moments de l’année, principalement grâce à l’éolien. En ce sens, je me présente avant tout comme Européen, en mettant en avant ce que nous avons réussi sur notre continent.

 

Comment conciliez-vous énergies renouvelables et préservation de la biodiversité ?

La préservation de la biodiversité est évidemment un critère essentiel dans le choix de nos sites. En arrivant en Asie du Sud-Est, nous avons constaté qu’une problématique primait : l’impact des éoliennes sur les populations locales. Dans la région, il n’existait pratiquement aucune réglementation concernant les installations éoliennes. La technologie était nouvelle, et il y avait un véritable vide juridique.

 En Thaïlande, certaines éoliennes étaient installées dans les jardins d’habitants. Nous avons estimé qu’il était impératif de fixer des normes claires. Nous avons alors travaillé avec les autorités locales pour mettre en place des distances de sécurité minimales entre les éoliennes et les habitations, sur le modèle européen. Quant à l’impact sur la faune et la flore, il reste un point crucial dans nos projets. Nous veillons à minimiser cet impact à chaque étape de développement, autant dans le choix des sites ou lors de la construction.

 

 

Photo d'une remise de prix en faveur du développement durable pour The Blue Circle
THE BLUE CIRCLE remporte le prestigieux prix APEX de Singapour pour le développement durable 2024

 

 

Un dernier mot pour les trophées ASEAN. Que représente votre Trophée Entrepreneur, remis par EDHEC Business School ? 

Les trophées représentent beaucoup pour moi. Cela fait maintenant onze ans que je suis actif dans cette région. Onze années de combat quotidien, car le changement, notamment la révolution énergétique dont je parlais plus tôt, est une nécessité incontournable si nous voulons éviter des bouleversements climatiques irréversibles. Un tel combat est loin d’être gagné d’avance. Nous faisons face à des lobbys extrêmement puissants, notamment ceux des énergies fossiles, qui freinent la transition. 

Il s’agit d’une lutte de chaque instant, mais il est impératif de la mener. Ce défi incombe à notre génération, peut-être aussi à la suivante, mais nous nous devons d’agir dès maintenant pour conduire le changement. Mon message est clair : il faut se battre. Se battre pour construire un monde plus durable, un monde qui pourra répondre aux enjeux climatiques tout en assurant un avenir meilleur pour les générations à venir. C’est ce que nous essayons de faire chaque jour à travers nos projets.

 

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