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Le Clown du Ruisseau – Une aventure poétique dans Singapour

Le Clown du RuisseauLe Clown du Ruisseau
Le Clown du Ruisseau
Écrit par Bertrand Fouquoire
Publié le 23 octobre 2019

Vous aviez aimé les deux premiers volets de la Trilogie du Clown Parleur, Le Clown du Marais et Le Clown du Rocher, présentés à Singapour respectivement en 2016 et en 2018. Le festival Voilah ! 2019 vous offre, à partir du 25 octobre, de retrouver les personnages Gramblanc et Hatoff, cette fois sous la forme d'une exposition et d'un roman-photo-graphique qui retrace leur aventure poétique dans Singapour... Création à huit mains, Le Clown du Ruisseau est le fruit de la collaboration de Jean Lambert-wild et Marc Goldberg avec Koh Hong Teng, un des leaders de la nouvelle bande dessinée singapourienne, et le photographe Ler Jiyuan.

 

- Le Clown du Ruisseau est le troisième volet d’une collaboration engagée depuis plusieurs années avec Jean Lambert-wild. Comment cette nouvelle œuvre se présente-t-elle par rapport aux précédentes ?

- Marc Goldberg - Le Clown du Ruisseau a pris forme dans le cadre de la Trilogie du Clown Parleur. Le premier volet de cette trilogie fut Le Clown des Marais, créé en 2016 lorsque j'ai proposé à Jean Lambert-wild de venir à Singapour donner une masterclass sur l'art du clown au Lasalle College of the Arts. J'avais aussi demandé à Jean Lambert-wild s'il pourrait créer une Calenture dans laquelle il évoquerait la naissance de son clown, et se transformerait en Gramblanc sous les yeux du public. Il a accepté d'écrire ce texte, mais à condition que je le rejoigne sur le plateau. Dans la représentation théâtrale à 72-13 (la salle de TheatreWorks), j’interprétais un Monsieur Loyal qui n’avait pas encore de nom ni de costume particulier. Je portais juste un smoking. Jean, lui, arrivait sur le plateau « en civil » et se transormait peu à peu en Gramblanc. Il a vite pensé que deux autres Calentures devaient compléter celle-ci : l'une où l'on verrait le clown en action, Le Clown du Ruisseau – et une dernière où un regard extérieur évoquerait ce clown, Le Clown du Rocher, qui a finalement été créé d'abord.

- Quel était le propos du Clown du Rocher?

- Le texte du Clown du Rocher a été écrit par Catherine Lefeuvre, la collaboratrice de toujours et l’épouse de Jean Lambert-wild. Ce volet compare le destin du clown blanc à celui d’un bousier, lui-même rapproché du mythe de Sisyphe. La double perspective ouvre un champ poétique dans lequel les déjections sont rapprochées des œuvres d’art... Le spectacle a été créé dans le cadre du festival Route du Sirque à Nexon, avec le jongleur Martin Palisse. Jean et Martin se comportent comme deux insectes poétiques au bord d'un plan d'eau, tandis qu'un narrateur profère le texte. Pour la représentation à Singapour, Hossan Leong incarnait le narrateur et je me promenais en barque entre ces trois personnages. Pour l'occasion, nous avons conçu un certain nombre de « bizarreries » parmi lesquelles des îles en plastique bleu flottant au milieu d'un des étangs artificiels de Gardens by the Bay. La performance en extérieur ouvrait l'édition 2018 du Festival Voilah ! et a connu un énorme succès : au-delà du public du festival, de nombreux groupes, parmi lesquels des travailleurs bangladeshis ou des familles singapouriennes qui passaient par là, sont restés tout le temps de la représentation, ainsi que le probable futur Premier Ministre de Singapour, Heng Swee Keat...

- Quelle a été la genèse du Clown du Ruisseau ?

- Ce second volet, qui sera finalement le dernier créé, a été le plus difficile à élaborer. En 2017, Jean Lambert-wild était revenu à Singapour. Ce fut l'occasion d'une seconde masterclass à Lassalle, mais aussi de présenter  un « karaoké poétique » au Lycée Français, dans lequel nous interprétions des Calentures poétiques de Jean. Pendant ce séjour, mon personnage a gagné son costume... Mais nous poursuivions également un autre objectif : concevoir le troisième volet de la trilogie. Nous étions confrontés à un problème méthodologique : comment créer une Calenture qui ne soit pas simplement une nouvelle performance poétique de Gramblanc, mais qui montre ce clown blanc en acte d'une façon spécifique à notre Trilogie ? Nous pétinions. Jean Lambert-wild a alors proposé que nous allions déambuler dans Singapour en Gramblanc et Hatoff, en demandant à un photographe (Matthew Ng) de nous suivre et de saisir des instants. Ce qui s’est passé nous a stupéfait. Notre apparence, notre attitude, notre simple présence faisait dérailler le monde autour de nous : plus rien ne fonctionnait normalement. Faire cette expérience à Singapour était particulièrement intéressant, parce que la Cité a été développée sur un modèle d'efficacité, de rationalité : nous le bouleversions sans efforts, en révélant des aspects moins évidents, mais passionnants et inspirants, de la ville et de ses habitants. A Paris ou à Manhattan, nous n'aurions peut-être été que « deux hurluberlus de plus ». Les gens y ont appris à se protéger, à ne pas intéragir avec ce qui se produit dans la rue. A Singapour, la présence de deux personnages venus de nulle part, n'ayant rien de particulier à faire et ne demandant rien, autrement dit d'individus hors des clous, provoquait des réactions formidables. Les passants étaient désarmés, dans le bon sens du terme, face à nos personnages. Le fait qu’on ne demande rien, naturellement, appelait le don : don de temps, de boissons dans les Hawker Centers… on nous proposait même à manger. Certains nous demandaient quand commençait le spectacle et étaient surpris qu’il n’y ait pas de spectacle. C’est comme si, en retour de notre déambulation, l’humanité des personnes que nous croisions était mise à nu, de même que le potentiel poétique des lieux que nous traversions.

Le Clown du Ruisseau extrait

 

 

 

 

 

 

- On conçoit à quel point cette expérience d’un « déraillement poétique » peut être passionnante. Comment, à partir de cette expérience, en êtes-vous arrivés à la forme finale du Clown du Ruisseau ?

- En Octobre 2017, nous avons fait une résidence à Limoges pour travailler sur un futur spectacle, La Chanson de Roland (qui sera créée en 2020) et pour avancer sur Le Clown du Ruisseau. Nous cherchions toujours à quoi ressemblerait cette performance, et nous piétinions toujours... Nous avons reparlé de ces photos prises à Singapour, prenant conscience de la façon dont elles illustrent la puissance de transformation poétique du monde par le clown blanc. Or c'était exactement ce que nous voulions mettre en scène dans Le Clown du Ruisseau ! Jean a alors eu une intuition : ce dernier volet de la Trilogie ne devait pas être une performance de plus, mais s'appuyer directement sur ce que nous avions ébauché au printemps. Nous avons alors décidé de partir du roman-photo, qui représente a priori le degré zéro de l'élaboration poétique, et de subvertir cette forme pour créer quelque chose.

Quel est finalement ce quelque chose?

- Cette fois, nous souhaitions que les photos soient reprises par un auteur de bande dessinée, l’idée étant de transmuer par le graphisme des photos qui, utilisées comme dans un roman-photo de gare, auraient été neutres, sans intérêt particulier. Nous avons contacté Koh Hong Teng, un grand auteur de BD singapourien, pour lui confier la dimension graphique du projet. Il a tout de suite accepté. C’est lui qui a choisi le photographe, Ler Jiyuan, et proposé les lieux où prendre les photos. En 2018, pendant trois jours, nous avons donc réalisé les photographies qui ont ensuite servi de matière première au Clown du Ruisseau. Nous avions une idée de ce que nous souhaitions raconter, mais nous n’avions pas de scénario à proprement parler. Nous avons improvisé des scènes, en intéragissant avec les lieux et les gens. C'est seulement a posteriori que nous avons élaboré l’histoire en détails, et que j'ai écrit les dialogues. Celle-ci met en scène Hatoff, qui croit avoir les pieds sur terre, mais dont les pieds sont très fragiles... et Gramblanc, son compagnon de scène, un clown blanc épris de poésie. Hatoff a organisé un rendez-vous très important, auquel il a convié Gramblanc, qui le rejoint donc au début de l'histoire. Mais très vite, à cause de Gramblanc, Hatoff oublie tout : la nature, le lieu, la raison du rendez-vous... Et c’est lui qui se met à suivre Gramblanc. Progressivement, on bascule dans un univers de bande dessinée, poétique et fantastique. La fin d’ailleurs relève d’un petit miracle: la découverte à Ang Mo Kio, de dessins muraux et d’une petite maquette de maison, qu’on ne s’attendait absolument pas à trouver là. Quand nous les avons vus, nous avons tout de suite compris que nous tenions la fin de notre histoire, même si nous ignorions encore ce qu'elle serait. Cette scène, nous le savions, permettrait de montrer comment la puissance poétique du clown peut amener le monde à se transformer.

- Concrètement, sous quelle forme Le Clown du Ruisseau sera-t-il présenté au public dans le cadre du festival Voilah !?  

- Concrètement, ce roman-photo-graphique se présentera sous la double forme d’un album et d’une exposition. Le livre est publié chez Achates 360 : il ressemblera à un livre d'art, avec un tirage grand format de haute facture, aux antipodes des impressions bon marché des roman-photos de gare. L’exposition propose de découvrir notre aventure « de l'intérieur ». Elle commence par quelques panneaux sur le making-off du projet, et se poursuit avec des tirages singuliers, sur des supports et dans des formats inattendus, trois installations permettant d'intéragir avec l’univers du livre, comme une table de hawkers dont les plateaux reprennent des illustrations, ou un tunnel avec les pages réalisées dans une grotte de Haw Par Villa.... L’exposition se déroulera du 25 octobre au 30 novembre à la NLB (la Bibliothèque Nationale de Singapour). Le livre sera lancé le jour du vernissage (où il sera en vente en face de la NLB, chez Ling Images), puis plus largement dans les librairies de Singapour.

Le Clown du Ruisseau extrait

 

 

 

 

Informations pratiques sur l'exposition

Lieu : National Library  Level 9 Promenade, 100 Victoria Street, Singapore 188064

Dates et horaires : 25 Oct 2019 - 30 Nov 2019, de 10h00 à 21h00.

Entrée gratuite.
Plus d'information: lien vers le site de Jean Lambert-wild

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