Le spectacle de Jean Lambert-wild et Marc Goldberg, malgré son titre, a peu de choses à voir avec le clown du cirque. Sur scène, c'est à la métamorphose de l'artiste en son clown que le public est convié. Un clown blanc que Jean Lambert-wild, comédien et directeur du Centre National Dramatique du Limousin, a laissé, déjà, s'exprimer dans plusieurs pièces de théâtre et calentures, dont Le Clown des Marais porte le numéro 225. Un spectacle éminemment théâtral et poétique, sur lequel Jean Lambert-wild donne dans cet entretien quelques clés.
Le Clown des Marais, le spectacle de Jean Lambert-wild et Marc Goldberg est présenté les 21,22 et 23 mai au théâtre 72-13*, dans le cadre du festival Voilah !
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Comment s'est faite votre rencontre avec le théâtre ?
Jean Lambert-wild - Cela s'est fait par hasard. Je suis né à la Réunion et me suis nourri, toute mon enfance, de rêves de marine marchande et de l'univers romanesque de Conrad et de Melville. Alors que je m'apprêtais à m'embarquer, je suis allé dire au revoir à un ami qui jouait un petit rôle dans Trois s?urs, dans la mise en scène de Matthias Langhoff. Ca a été un éblouissement. A partir de ce moment là je me suis rendu compte que je n'avais plus besoin de bateau, plus besoin d'équipage, pour aller à la rencontre de la terra incognita. Tout était désormais possible à partir de ce cube noir, qu'était le théâtre.
Le théâtre s'est imposé à moi. Ca a été un appel impérieux, un désir totalement amoureux. Je ne l'ai pas décidé. C'est quelque chose qui m'a saisi et m'a rempli. Je n'avais pas de plan. J'ai commencé comme balayeur dans ce même théâtre de Caen dont je suis plus tard devenu le directeur. Je continue d'apprendre au quotidien.
Quelles sont ces Terra incognita vers lesquelles vous a dès lors emmené le théâtre ?
- J'ai un amour de l'inconnu. La rencontre avec Marc Goldberg est une des rencontres merveilleuses de ma vie. On ne se connaissait pas. Tout de suite on s'est entendu et on a décidé de se lancer dans cette aventure. De cela est née une grande amitié.
Je sais le chemin que je dois parcourir. Je ne sais pas comment. C'est le destin d'un homme. Je suis l'iconoclaste de moi-même. L'hypogée est un projet fou : 3 confessions, 3 mélopées, 3 épopées, 2 exclusions, 1 dithyrambe, 326 calentures. Chaque calenture est une petite partie de ce chemin. C'est ce mystère que je trouve beau. L'humanité est faite de certitudes et d'incertitudes, de choses qui font tenir l'homme debout et d'autres qui le font trébucher.
Hypogée, calentures? Quels sens ces mots ont-ils dans votre démarche ?
- J'ai un amour total de la langue. Je suis un collectionneur de dictionnaires. La langue est le puits dans lequel je trouve l'eau qui me fait vivre. Calenture est cette forme de délire qui s'empare des marins au point qu'ils éprouvent un désir irrésistible de se jeter dans la mer. La fièvre permet d'entendre des choses qu'on n'entendrait pas autrement.
Quel est ce Clown Blanc, dont vous avez dit : « Je ne l'attendais pas. Il est apparu depuis la profondeur de la nuit, et je dois vivre avec lui? » ?
Je suis une usine à fantômes. Celui là avait besoin d'exister. Ce clown est étrange. Ce n'est pas l'Auguste. C'est une présence. C'est une bizarreté qui s'enrichit, qui a sa propre gestuelle, sa voix. C'est toujours une surprise. Je ne crois pas, contrairement à ce que d'autres ont pu dire, que nous ayons tous un clown en soi. Nous ne sommes pas tous drôles. Quand Charles Rivels apparaît dans son costume rouge, il n'est pas que drôle, il est saisissant. On dit qu'il ne fait pas grand chose. Il ne fait pas grand chose, il travaille et existe. Le clown met en lumière ce qui est.
Dans Le Clown des Marais, vous mettez en scène le moment où vous transformez en votre clown blanc?
Avec Le Clown des Marais, ce sera la première fois que je ferai en public cette expérience du passage de moi au clown blanc. C'est un voyage vers l'inconnu. Le texte est en train d'être écrit. C'est Marc Goldberg qui me guidera dans cet inconnu. Il y aura aussi les élèves de Lassalle, où je vais faire une masterclass, qui participeront.
Quelle relation entretenez-vous avec ce double ?
Au début j'ai essayé de le réduire. Puis on a appris à marcher cote à cote. Je ne suis pas un clown de cirque. Je ne m'inscris pas dans la famille des frères Fratellini. Je suis un clown des marais. Je ne prétends pas être quelque chose de parfait.
Qu'est-ce que le clown blanc apporte au comédien ?
Cela permet de dialoguer, d'amener les joies des contradictions. Ils ont une nature commune mais ils sont dissociés. Entre eux il y a un gouffre ou s'ébattent des monstres et quelques sirènes.
Propos recueillis par Bertrand Fouquoire (www.lepetitjournal.com/singapour) mercredi 27 avril 2016
*Le Clown des Marais
Les 20 et 21 Mai, à 20:00 ; le 22 mai à 15 :00
Au théâtre 72-13, 72 Bishan Street 13
Réservation : SISTIC - Early Birds à 20$ du 27 avril au 30 avril.
En savoir plus: site de Jean Lambert-wild