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Journée mondiale de sensibilisation à l’autisme, Témoignages Singapour

La journée mondiale de sensibilisation à l’autisme est célébrée chaque année le 2 avril depuis 2007. Cette journée mondiale est l’occasion de sensibiliser la société à la problématique humaine, quotidienne, rencontrée par ces familles d’enfants autistes. Lepetitjournal.com à Singapour vous a proposé en avril 2020 de découvrir les parcours de trois mamans courage basées à Singapour, Clothilde Mary Voisin, Stéphanie Reverchon et Gaelle Berclaz, à travers leurs témoignages croisés.

Journée mondiale de sensibilisation à l’autisme - Clothilde Mary VoisinJournée mondiale de sensibilisation à l’autisme - Clothilde Mary Voisin
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Écrit par Dominique Langlois
Publié le 3 avril 2022, mis à jour le 27 mars 2024

 

 

La couleur bleue est celle choisie en ce jour pour contribuer au changement des mentalités et favoriser l’inclusion des personnes atteintes de troubles du spectre autistique dans la société. L’objectif est d’attirer l'attention sur  les enjeux liés à la transition vers l'âge adulte des personnes atteintes d’autisme, telles que la participation à la culture, l'autodétermination, la prise de décisions communautaires, l'accès à l'éducation post-secondaire et à l'emploi et la vie de manière indépendante. 

Clothilde Mary Voisin est maman de jumelles de 10 ans souffrant ou ayant souffert toutes deux à des degrés différents de troubles envahissants du développement type autre pour l’une et trouble du spectre autistique atypique (léger à moyen) pour la seconde. Stéphanie Reverchon est maman de deux enfants, dont l’aîné âgé de 5 ans fait face au quotidien à ce challenge que représente l’autisme dans notre monde. Gaelle Berclaz est maman d’une jeune fille de 16 ans, dont le diagnostic il y a 8 ans l’a amenée à réaliser qu’elle était autiste. Elle revendique le label, même si un diagnostic officiel est très compliqué à poser à l’âge adulte.  

 

Quels ont été vos premiers doutes, vos alertes en tant que maman, avant de recourir à un diagnostic ?

Stéphanie :  Il y a un beau poème que les mamans d’enfant particulier connaissent, le Welcome to Holland de Emily Perl Kingsley, il décrit bien notre sentiment. Quand on tombe enceinte, on lit tous les livres sur le sujet, on s’imagine que tout va être formidable. Et puis finalement non, quand notre enfant arrive on nous explique que toutes les choses normales que l’on pense vivre avec son enfant seront différentes pour nous. Pas forcement plus moche, ce n’est pas un chemin affreux, mais c’est un chemin plus compliqué et différent de celui que les autres vivent. C’est un deuil à faire qui est souvent long et compliqué.

Mon fils est atteint d’un autisme régressif. Il est né et a eu un développement strictement normal jusqu’à ses un an. C’est d’ailleurs particulièrement douloureux de visionner les vidéos de l’époque et de le voir réaliser des mouvements de mains pour accompagner une comptine, attitude qu’il a perdue par la suite. Il était relativement précoce en langage, un vocabulaire riche en français et en anglais. Toutes ces réflexions sont faites sur le recul, car cela s’est passé sur plusieurs mois. Il a commencé à regarder le plafond en prenant son bain, il regardait ailleurs et on trouvait ça mignon. On n’avait pas encore compris qu’il y avait certainement un problème neurologique derrière. Il reproduisait les cris des différents animaux et un jour tous les animaux criaient " miaou " sans différentiation. Tous les mots ont disparu, même " maman ”. Les seuls sons qu’il émettait étaient " ma ma ma ma ma ma… ". Il est devenu obsédé pour faire tourner tous les objets, il passait des heures à regarder le ventilateur tourner, fixer les lumières.

J’ai dû lâcher mon travail, parce que je m’inquiétais. Manger était devenu un problème, il ne voulait manger que du lisse. Il fallait l’occuper, tout était compliqué. Il s’est mis à ne plus supporter les espaces fermés. J’ai commencé à chercher sur internet, on me rassurait, on me disait " mais non, ne t’inquiète pas  ". Mais mon fils ne remplissait pas toutes les cases de l’autisme non plus. Il ne présentait pas un certain nombre de choses considérées comme typiques de l’autisme, par exemple, pointer du doigt. Il connaissait les couleurs, les parties de son corps, il pouvait empiler des blocs. Tant de choses du développement allaient bien, mais tant d’autres n’allaient pas…

Clothilde : Pour moi cela a été soudain. Il s’agissait d’une grossesse gémellaire, donc avec accouchement plus tôt. Les contractions ont commencé à 33 semaines et les filles, mes twinettes, sont nées à 36 semaines. J’ai pu garder l’une avec moi, l’autre a été placée en couveuse et j’ai dû attendre 36 heures pour aller la voir. Nous vivions à Dubaï à l’époque. Tout semblait normal, le développement également, mais je me souviens que toutes les deux tapaient du pied la première année. Je ne peux pas revoir les vidéos de l’époque, c’est trop douloureux. Mes filles babillaient beaucoup, mais le langage n’est pas apparu comme il aurait dû. Elles se balançaient en contexte, mais c’est normal de se balancer quand il y a de la musique, tous les enfants le font. Je ne me suis pas beaucoup inquiétée les deux premières années.

J‘ai repris le travail et c’est là que l’évolution s’est arrêtée. Elles ont soudainement régressé et sont entrées en mutisme. On a donc supposé que le problème venait de la baby-sitter. Elles se mettaient à pleurer énormément, alors qu’avant elles ne pleuraient pas. Tant que j’étais là cela allait.

Nous sommes allés consulter un orthophoniste qui nous a dit au bout de 3 minutes: " Vos filles sont autistes. L’un de vous deux doit démissionner et rester à domicile pour les stimuler  ". Il voulait que l’on démarre la méthode ABA dès le lendemain. Il s’agit d’une approche qui vise la modification du comportement via le renforcement. Puis est intervenue une autre orthophoniste, qui nous a dit : " Vos filles sont verbales, elles vont parler, elles ne sont pas autistes, elles sont trop intelligentes pour la méthode ABA. Un peu d’orthophonie et c’est réglé. " Et là d’un coup, c’est amusant comme on ne cherche plus d’autre avis... Les twinettes ont été suivies en orthophonie et en psychomotricité pendant un an et demi dans un centre pluri-disciplinaire. On a essayé la méthode TOMATIS aussi, qui est une approche naturelle de stimulation neurosensorielle. Ce n’est qu’en arrivant à Singapour que nos avons commencé l’ABA, grâce au directeur de maternelle au LFS de l’époque, Sébastien Gibert.

Gaelle : C’est un cliché absolu, mais on a toujours su que notre fille était différente. Les troubles sensoriels, soit les différences dans la façon dont le cerveau traite les informations qu’il reçoit de ses sens, ont toujours été présents. Ces troubles ne sont pas l’apanage de l’autisme, mais ils sont très fréquents chez les personnes autistes, et dans le cas de ma fille, ils peuvent être, selon les jours, très handicapants dans son quotidien.  

Etant donné qu’il y a des dys’ dans nos familles, le retard de langage nous a rapidement poussé à commencer l’orthophonie. Elle a fait plusieurs séances par semaine de ses 4 ans à ses 10 ans, entrecoupées d’ergothérapie, et d’un suivi ‘social skills’, qu’on a axé avec ses psys non pas sur essayer de la faire rentrer dans le moule, mais plutôt sur l’aider à comprendre les motivations des autres. 

 

journée mondiale de l'autisme

 

Quelles ont été vos démarches diagnostiques ?

Clothilde : Après leur prise en charge en petite enfance à Dubaï sans diagnostic officiel d’autisme, les twinettes ont eu une bonne école maternelle, avec des thérapeutes non optimum, puis une mauvaise école avec de bons thérapeutes et des parents d’élèves compréhensifs; c’était compliqué. On a l’impression que l’on nous fait une faveur, et une faveur chère, en acceptant les twinettes. Une de nos filles a été diagnostiquée dans les troubles envahissants du développement, puis a évolué vers les troubles du langage, et puis elle en est sortie. La deuxième a un autisme atypique léger en milieu connu à moyen en milieu inconnu. Nous avons fait le choix de rentrer en France tous les étés pour faire réaliser le bilan pluri-disciplinaire au CHU de Caen, où le diagnostic a été posé au centre d’autisme.

Stéphanie : Pour ma part, la démarche diagnostique a été faite intégralement à Singapour, de même que la démarche thérapeutique, même si nous nous sommes rapprochés du CRA (le Centre de Ressources sur l’Autisme) en France, lorsque notre fils a eu deux ans. Les démarches étaient tellement longues, l’attente surtout, que nous avons tout accompli sur Singapour. Le premier pédiatre nous a dit que chaque enfant a son rythme et que tout allait très bien. Puis le généraliste, même discours, nous a aussi dit que tout allait très bien. C’est un deuxième pédiatre (donc le 3e docteur rencontré) qui nous a pris un rendez-vous au NUH Development unit au cas où (même s’il pensait que tout avait l’air d’aller bien). Nous avons rencontré alors une pédiatre en développement, spécialité qui n’existe pas en France, qui nous a dit que malgré la précocité de ma démarche et le tableau incomplet, elle comprenait bien mes interrogations. Mon fils a donc été suivi par une orthophoniste qui nous conseillait l’attitude à adopter à la maison. L’action étant quotidienne, l’investissement en temps était incompatible avec une activité professionnelle, j’ai dû arrêter de travailler.  Le pré-diagnostic a été posé peu après ses deux ans par le Docteur du privé Tammni Quek, c’était beaucoup plus rapide que dans le public.

Gaelle : Ma fille, qui a presque 16 ans aujourd’hui, a finalement été diagnostiquée autiste à l’âge de 8 ans, après une période très difficile socialement au LFS.  Le diagnostic a été posé via Dynamics dans un premier temps, car elle y faisait tous ses suivis depuis notre arrivée à Singapour, puis reconfirmé par l’unité de développement de NUH.  Sa détresse a été la pierre angulaire dans le fait d’obtenir un diagnostic, parce qu’elle a accentué les traits autistes typiques sur lesquels les professionnels se fondent pour le poser.

Comme beaucoup de filles, elle a fait les frais du sous-diagnostic qui continue d’affecter les filles, retardant le diagnostic parfois de plusieurs années. Les diagnostics types officiels ont été établis sur la base de garçons, et chez les filles, les différences d’éducation et la pression sociale, font que souvent le stéréotype de la fillette autiste est en fait très loin de l’image que la plupart des gens s’en font. On n’avait pas attendu le diagnostic officiel pour le suivi, donc il n’y a pas grand chose qui a changé après le diagnostic, si ce n’est l’effet super positif sur son estime d’elle. Elle avait un nom pour se décrire.

Aléas de l’expatriation, côté suivi, on a les années où ça a été folklorique, comme l’orthophoniste qui disparait du jour au lendemain, les années quasi sans suivi en français. On ne se plaint pas, on avait la chance de pouvoir nous rabattre sur un suivi en anglais quand trouver des disponibilités en français devenait mission impossible. Autre aléa, notre assurance n’a rien pris en charge, donc on y a mis une petite fortune au fil des ans. 

 

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Quel a été votre choix scolaire pour scolariser votre enfant à Singapour ?

Clothilde : Quand la destination de Singapour nous a été proposée, la première personne que j’ai contactée était la psychologue scolaire, Cecilia Cartailler, puis Sébastien Gibert, le directeur de la maternelle du lycée français à l’époque, l’actuel IFS. C’est entre leurs mains que j’ai confié notre expatriation à Singapour avec les twinettes. Nous avons choisi le LFS. Le directeur des maternelles qui nous a accueillis a été formidable. Les professeurs sont exceptionnels, mais la problématique s’est portée sur le regard des autres parents. Il y a eu des groupes de pression pour que l’une de mes filles change d’école car " elle n’y était pas à sa place ". Du coup j’ai pris le parti de renoncer à la confidentialité et de commencer à en parler. Au départ ça me demandait beaucoup d’énergie, puis j’ai moi aussi appris à vivre avec. Je pense aussi à toutes ces familles qui ont honte, qui ont peur, qui sont souvent bien seules. J’aimerais que la communauté s’implique plus. Par exemple, la mutualisation du coût des AVS (Assistant de Vie Scolaire) devrait être envisagée par le conseil exécutif de l’IFS. C’est un coût énorme pour les familles (de l’ordre de 2,000 $ en plus par mois, en plus des frais de scolarité).

La diversité est une réalité, en revanche l’acceptation de la neuro-diversité, le soutien aux enfants est quelque chose auquel le public international est très sensible. N’oublions pas que chez les Américains, la première loi sur l’inclusion scolaire date de 1973 avec le  Individuals with Disabilities Education Act (IDEA) renforcé en 2001 et 2004 par le  No Child Left Behind Act (NCLB). D’ailleurs, il n’est pas rare quand je rencontre des Américaines de mon âge, qu’elles soient allées à l’école avec des camarades autistes. Au Royaume Uni, l’autisme est évoqué en 1996 dans l’Education Act. En France, nous avons dû attendre 2005... Le monde Anglo-Saxons s’est emparé de ce sujet bien avant nous et pratiquement toutes les écoles y ont des orthophonistes, des thérapeutes, des " concellors " qui font partie des " services de base ".

A Singapour, le LFS avec le GAIN a été l’une des premières écoles internationales à avoir ce dispositif. Mais il faut qu’il continue à se développer. J’aime à dire que ces structures sont à l’image des ascenseurs pour les personnes en fauteuils roulants. Au départ, on pourrait penser que c’est un lourd investissement pour peut-être quelques personnes qui l’utiliseront. Mais on se rend vite compte que cet ascenseur sert la communauté toute entière, cela va des jambes cassées, au gain de temps pour d’autres tout simplement. Et à la fin, personne ne regrette cet investissement. C’est plus difficile de visualiser l’immatériel, mais c’est exactement la même chose.

Pour finir, nous avons la chance au sein de l’IFS d’avoir des professeurs qui sont demandeurs de formations qualifiantes. J’en profite d’ailleurs pour rendre hommage aux instituteurs de mes filles qui n’ont jamais lâché malgré les difficultés, et avec qui les conversations sur la pédagogie m’ont toujours été précieuses. 

Stéphanie : Dans mon cas, c’est un parcours plus qu’un choix. Je me suis rapprochée du centre privé Kaleïdoscope, où mon fils a pu être suivi deux fois par semaine en orthophonie et deux fois en ergothérapie. Le centre possède en plus des thérapies individuelles par lesquelles il a commencé le suivi, un programme intensif d’intervention précoce qu’il a rejoint à 2 ans et demi pendant 10 mois. Mon fils était suivi par le centre ISADD avec la méthode ABA et le conceiling (assistance psychologique, académique, et aide à la conversation). C’est la méthode dont il bénéficie à domicile tous les après-midis pendant 2h depuis 3 ans maintenant. Il adore, il prend cela comme des sessions de jeu avec la thérapeute. Le choix de l’école a été restrictif tout d’abord, mon fils ne pouvant pas progresser ni supporter de gros effectifs de 20-25 élèves, le bruit, le chaos ça n’était pas pour lui. Nous avons eu la chance de trouver une petite école très flexible, très ouverte avec des classes de 10 élèves. Ses thérapeutes ont pu l’accompagner pendant un mois et former les professeurs à ses besoins.

Nous sommes maintenant en recherche de solutions pour l’école primaire. Maintenant s'il n’avait pas autant progressé, Singapour nous offrirait la chance tant en public qu’en privé, d’avoir des solutions adaptées formidables.

Gaelle : Honnêtement, pas de choix éclairé pour nous, on a bricolé au fur et à mesure des évolutions. Ma fille est passée du LFS à l’école locale, qui lui correspondait mieux, peu après son diagnostic. Avec l’adolescence et l’évolution de ses soucis de santé, on plaisante parfois sur le fait qu’elle collectionne un peu les diagnostics. Même les aménagements en classe du système local ont fini par ne plus suffire. Donc en ce moment, elle est déscolarisée et prépare ses examens (O et A levels locaux) en candidat libre. Ce n’était pas tant le fait d’être autiste en soi, mais plutôt la façon dont son cerveau gère la fatigue, les douleurs, les frustrations et toutes les informations dont ses sens la bombardent, qui rendait problématiquement plus visibles les traits autistiques.

C’est un peu son cheval de bataille: elle est tout le temps autiste, c’est juste plus ou moins visible selon sa fatigue, ses niveaux de douleur, etc... Les mécanismes de compensation qu’elle utilise pour se réguler et tenir le coup sont souvent ces traits autistiques qui mettent les gens mal à l’aise. Du coup quand tout va bien, les gens ne remarquent rien et ne voient pas les efforts continus qu’elle fait pour les accommoder. Et quand elle va moins bien et n’arrive plus à prendre sur elle, la différence peut être tellement flagrante que les gens l’accusent de faire exprès. 

Je n’ai pas de conseil miracle sur la voie à prendre. Mon seul conseil, c’est de ne pas hésiter à chambouler les choses si elles se passent mal et que son enfant est en détresse.  Une des difficultés à Singapour, ce sont les solutions qui s’offrent aux familles expatriées souvent couteuses et instables, l’offre pouvant changer très vite d’une année à l’autre. 

 

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Quelles sont vos réussites ? De quoi êtes vous particulièrement fières ?  Quelles sont vos difficultés ?

Clothilde : Je suis fière de mes filles parce que peu importe l’investissement c’est toujours gagnant. Ce sont des bosseuses. Elles évoluent en permanence, le bilan annuel nous le prouve quand le pédopsychiatre nous dit: " Cette année, vous avez encore bien bossé ! ". Ce qui est important sur le handicap lui-même c’est qu’il faut stimuler la flexibilité, tout un art entre les routines et les imprévus. Le parent d’enfant avec autisme est un marathonien armé de brouettes de patience ! Mes filles me surprennent tous les jours, car elles repoussent sans cesse leurs limites.

J’ai peur de l’adolescence sans filtre, c’est compliqué, c’est un challenge. J’ai peur qu’on ne soit jamais traitées comme des personnes normales, tant mes filles que moi. Mais d’un autre côté, grâce à elles, j’ai pu rencontrer des gens formidables et avoir des amis à toute épreuve !

Stéphanie : Je suis très fière de la transformation de mon fils, il est beau, gentil, il va vers les autres il est indépendant il est capable de tout et ça c’est ma plus belle réussite ! Je n’ai plus peur pour sa vie d’adulte. Je suis fière de moi, de l’équipe que je forme avec mon fils.

J’ai peur du harcèlement, de la mise à l’écart et de l’adolescence. J’ai peur qu’il se rende compte de sa différence, en même temps que les autres s’en rendront compte.

Gaelle : Je suis férocement fière de ma fille, mais ça, malgré un petit coup de main de notre part, c’est elle toute seule qui l’accomplit, donc ça me semble un peu incongru de le voir comme une de mes réussites. Avec les années, ce qui me rend la plus fière, c’est les changements qu’on a fait dans notre dynamique familiale, et l’équilibre qu’on y a trouvé. On a profondément changé notre manière de gérer notre quotidien, et notre chez-nous est devenu un bol de sérénité, et nous a permis d’affronter des tempêtes dont la famille d’avant ne se serait peut-être pas relevée. On a appris à vraiment se parler, communiquer efficacement au sein de la famille et ça a été un atout majeur pour affronter l'adolescence. Elle ne nous fait plus peur, on commence même à se dire que finalement elle se passe somme toute relativement bien.

Je crois que le plus dur, c’est l’isolement de ma fille. Pour moi, introvertie jusqu’au bout des ongles, c’est une libération de l’assumer, et de ne me mettre que des attentes réalistes. Ma fille par contre, c’est une jeune fille super extravertie, et elle a beaucoup souffert ces dernières années avec les difficultés de santé qu’elle a eu. Elle est un tel patchwork de trucs différents, de co-conditions, qu’elle se sent seule. Peu de gens - que ce soit les autres jeunes ou les adultes sensés l’accompagner - comprennent vraiment sa vie et les compromis qu’elle doit faire au jour le jour. Plus déstabilisant encore pour elle parfois, c’est l’incompréhension à laquelle  elle se heurte quand elle explique qu’elle s’aime et s’accepte comme elle est et ne changerait rien. Comment être fière de qui on est, s’aimer, quand beaucoup de gens voient la différence et le handicap, soit comme quelque chose à cacher, soit comme la pire des calamités ?

 

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Comment vivez-vous la situation actuelle du coronavirus ?

Stéphanie : Je ne me sens pas particulièrement impactée, tant que nous ne sommes pas confinés.

Clothilde : Le changement dans les routines (qui est LA difficulté dans l’autisme) couplé à l’incertitude et à l’ambiance générale, font que c’est très compliqué. Je suis choquée du discours en France disant que les enfants autistes ne seraient pas prioritaires, s’il y avait un choix à faire dans les soins apportés aux patients atteints du COVID 19. C’est en période de crise que l’on se rend compte si notre société est évoluée ou pas. Ce coronavirus révèle bien des failles de notre société.

Gaelle : Dans notre vie de tous les jours ici, ça n’a pas encore chamboulé trop de choses. Mais ma fille, étant personne à risque de par ses soucis de santé, souffre à devoir rester cloitrée à la maison plus que d’habitude, et de ne plus pouvoir sortir en ville avec ses amies. C’est par contre beaucoup d’anxiété en arrière-plan pour nos proches en Europe, et ailleurs. Ma fille et moi-même devons choisir prudemment la quantité d’information à laquelle on s’expose. C’est un coup de projecteur à la fois sur le meilleur et le pire de l’humanité, ça fait beaucoup cogiter. Un des trucs qui est parfois un peu dur à avaler, c’est toutes ces adaptations - comme la continuité éducative à la maison - qui semblent mises en place étonnamment facilement pour le coronavirus, alors que ces aménagements étaient trop complexes à mettre en place, quand ce n’était que la personne handicapée du bureau ou de la classe qui en avait besoin. 

 

Qu’attendez vous de cette journée mondiale de l’autisme ?

Stéphanie : Que les gens comprennent ce qu’est l’autisme, qu’ils n’en aient plus peur. Il s’agit d’une différence neurologique. J’aimerais que les gens se rendent compte des petits gestes qu’ils peuvent faire au quotidien en faveur des personnes autistes, ne serait ce que de ne plus utiliser les sèche-mains électriques dans les endroits publics. Il y a plein de gens autour de nous avec des troubles neuro-sensoriels, à qui cela fait mal d’entendre ce bruit de machine soufflante. Utilisez le papier s’il y en a, ou laissez sécher à l’air libre vos mains !

Gaelle :  L’utopiste en moi espère qu’un jour elle ne sera plus nécessaire, parce qu’on aura réellement suffisamment progressé dans l’acceptation et l’inclusion des différences dans la société. En attendant je dois avouer que c’est une journée très violente pour moi, parce que c’est la foire aux idées reçues, aux stéréotypes qui persistent, et un coup de projecteur sur toutes les injustices, les préjugés et tout le chemin qu’il reste à parcourir, en particulier dans le monde francophone… J’ai tendance à me couper du monde le temps qu’elle passe.  

Clothilde : On entend souvent dire que les enfants autistes sont des " Rain Man ", avec de nombreux exemples de génies bizarres : Einstein, Graham Bell, Bill Gates… Non, les autistes ne sont pas débiles, mais ne sont pas tous des génies non plus. Je voudrais que les mentalités évoluent.

Et pour finir ! Que l’école du XXIème siècle puisse passer dans un système d’inclusion et en finir avec ce système d’intégration.

 

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