La galerie de Marie-Pierre Mol expose des œuvres de quatre artistes qui explorent l’interaction entre humanité et technologie dans un monde de plus en plus digital.
Pour son édition 2024 le salon d’art SEA FOCUS 2024, qui est consacré aux artistes contemporains d’Asie du Sud-Est, a sélectionné des œuvres qui reflètent le caractère unique de la créativité humaine et de l’expérience artistique face au développement de l’intelligence artificielle. « Serial and Massively Parallel », le thème choisi par John Tung, commissaire d’exposition de ce salon, fait référence à l’opposition entre le mode de fonctionnement en séquence de la mémoire d’un ordinateur et celle du cerveau humain qui peut gérer de nombreuses informations en même temps.
Dans ce cadre, la galerie Intersections présente quatre artistes.
Thu Myat, artiste Birman dont la réputation comme artiste de street art n’est plus à établir, tire son inspiration de la science-fiction. Programme, une des deux peintures exposées évoque le film de science-fiction « Matrix » (1999) et peut donner lieu à de nombreuses lectures : purement humoristique avec son alien taggeur, critique d’une société sous contrôle central, invitation à s’échapper dans un monde imaginaire, réflexion sur la relation entre l’homme et la machine…. Mirage, une seconde peinture exposée, fait directement référence à l’intelligence artificielle. Dans une société contrôlée par la main de fer d’un régime militaire en place depuis plus de 50 ans, Thu Myat s’interroge sur la capacité humaine à s’affranchir par la création artistique et sur l’apport de l’intelligence artificielle. L’intelligence artificielle est-elle un instrument de libération ou un nouveau moyen de contrôler et réprimer ? Les œuvres de Thu Myat sélectionnées pour SEA FOCUS font partie d’une série intitulée Bionic Society (Société Bionique) qui met l’accent sur l’appropriation consumériste de la science et les nouveaux risques d’aliénation que celle-ci implique. Les sociétés bioniques vont-elles nous permettre de « mieux vivre » grâce aux développements scientifiques, médicaux et technologiques comme elles le promettent ou plutôt conduire à la disparition de toute humanité dans les sociétés modernes ?
Wayan Suja, artiste balinais tire la sonnette d’alarme sur les conséquences du consumérisme et de la mondialisation en utilisant le plastique comme symbole de la consommation à outrance. La représentation du plastique devient partie intégrante de la composition et l’esthétique de ses peintures. Suja crée ainsi un style qui lui est propre pour dénoncer les effets négatifs de l’ouverture de « l’Ile des Dieux » au tourisme de masse. Pour lui la pollution ne fait pas que souiller les plages de Bali, elle affecte aussi l’identité et la culture de Bali. En fragmentant ses peintures et en représentant des personnages comme emballés dans du plastique l’artiste nous invite à nous interroger, nous aussi, sur ce qui reste de notre identité et de notre humanité dans notre monde digital dominé par une consommation effrénée.
Hélène Le Chatelier (France) et Pang (Singapore) ont conçu une œuvre collective, The Cloud Forest, esthétiquement inspirée par les Forets de Nuages que l’on trouve en milieu tropical de montagne, par exemple sur le Mont Kinabalu à Bornéo. Ces forêts baignent dans une brume quasi-permanente et les nuages donnent l’impression de faire partie intégrante de la forêt. L’installation d’Hélène et de Pang est composée de branches emballées dans du tulle, épousant la forme de nuages et suspendues au-dessus des visiteurs. Dispersées sur le sol, sous les branches, des feuilles réalisées en papier par les artistes, évoquent un changement de saison…. le passage au monde digital. Aujourd’hui « the cloud » est immédiatement associé à un appareil qui permet de stocker les données des ordinateurs Cependant, dans l’œuvre des deux artistes, les ramifications des branches évoquent le cerveau humain. Enfin, alors que l’intelligence artificielle permet de créer en quelques secondes ce qui demande des heures de travail à l’homme, The Cloud Forest est une œuvre qui a exigé un travail de création long et minutieux. Poétique et dérangeante, esthétique et intrigante l’œuvre des artistes questionne la possibilité de fusionner intelligence humaine et artificielle pour créer un « Brave New World » plus satisfaisant que celui imaginé par Aldous Huxley en 1932.
Avec cette sélection, Intersections propose aux visiteurs de répondre à l’invitation des artistes à s’interroger sur le futur de notre humanité dans un monde en profonde mutation.
Mais S.E.A Focus présente bien d’autres artistes travaillant sur toutes sortes de media. Cette exposition se tient au Tanjong Pagar Distripark (même bâtiment que le Singapore Art Museum) jusqu’à ce dimanche. Ne tardez donc pas à aller la visiter.