Cette annonce récente et soudaine a plongé le milieu hippique du pays dans la stupeur. Elle sonne la fin de plus de 180 ans de tradition hippique à Singapour pour libérer de la surface pour le développement du pays.


Kranji, le troisième hippodrome de Singapour.
Les courses hippiques sont nées en Angleterre au 18ème siècle et font partie intégrante de la culture britannique. Il n’a donc pas fallu attendre longtemps pour les anglais fraichement débarqués à Singapour renouent avec leur tradition. Des 1834, des courses d’attelage avec poneys sont organisées sur l’Esplanade de temps à autre. Mais la population britannique locale voulut que cette activité devienne plus régulière. Pour cela il fallait disposer d’un espace qui lui soit dédié.
Un premier hippodrome de 20 ha, géré par le Singapore Sporting club, fut alors construit à la jonction de Bukit Timah road et Serangoon road sur un terrain marécageux qu’il a fallu assécher. La piste faisait 1722 m et entourait un terrain d’entrainement. Il fut progressivement équipé de tribunes dédiées à des spectateurs de différentes classes et d’écuries. La première course eut lieu de 19 février 1843, pour marquer le 24ème anniversaire de la « fondation » de Singapour. Les courses étaient organisées deux fois l’an, en mai et en octobre, duraient trois ou quatre jours, et se déroulaient l’après-midi. Y assistaient non seulement les européens, mais aussi la noblesse malaise et quelques riches chinois, arabes, ou tamouls. Le seul témoignage qu’il en reste est le nom de la rue qui longeait cet hippodrome, « Race Course road », et qui montre encore des terrains étonnamment vierges pour une localisation centrale à Singapour.
En 1927, ce premier hippodrome s’avéra obsolète et un nouveau fut construit toujours sur Bukit Timah, mais plus au Nord. Il ouvrit en 1933, sous le nouveau nom de « Singapore Turf Club » (STC). Outre des tribunes pouvant accueillir 2000 spectateurs et divers lieux de détente, il avait des écuries qui purent héberger jusqu’à 700 chevaux. La seconde guerre mondiale amena le Turf club à suspendre ses activités. Elles ne reprirent qu’en 1947, après réparation des dommages dus à l’occupation japonaise. A partir de 1959, des courses eurent lieu tous les dimanches et l’année suivant le public y fut admis moyennant un ticket d’entrée. Jusque-là, seuls les membres du club et les propriétaires de chevaux pouvaient assister aux courses. Les courses devinrent de plus en plus populaires, à tel point que de nouvelles tribunes pouvant accueillir jusqu’à 50.000 spectateurs furent construites. De plus en plus de courses furent organisées.

Avec l’urbanisation croissante de Singapour, l’hippodrome dut déménager une fois de plus au milieu des années 90 pour rejoindre son site actuel de 124 ha à Kranji. Il fut ouvert le 4 mars 2000 devant 28.000 spectateurs. Cet hippodrome comprend deux pistes de course, cinq pistes d’entrainement, des écuries climatisées pouvant héberger jusqu’à 1600 chevaux, une clinique vétérinaire, des tribunes partiellement climatisées pouvant accueillir jusqu’à 30.000 spectateurs, et des salons privés. Des projecteurs montés sur 41 mats permettent d’illuminer les pistes pour des courses de nuit.
Les courses ont lieu le samedi ou le dimanche dans l’après-midi. Comme il y a une douzaine de courses par après-midi, cela représente environ 550 courses par an. On doit s’habiller en fonction de la zone que l’on va fréquenter : par exemple, costume-cravate et robe de cocktail sont de rigueur pour les salons du niveau 4 des tribunes. L’hippodrome, ce n’est pas seulement les courses : on peut s’y restaurer, y prendre des leçons d’équitation, et même y faire du karting. Des concerts y sont aussi parfois organisés.
Un enthousiasme décroissant ces dernières années
L’hippodrome doit libérer son terrain actuel de Kranji d’ici 1927 pour les mêmes raisons que celles qui ont présidé aux deux déménagements précédents : rendre les terrains au gouvernement pour permettre de nouveaux développements. Mais cette fois-ci, il ne s’agit pas de déménager cette activité, mais d’y mettre fin sur le sol de Singapour.
Cette annonce soudaine a pris de court tous les acteurs du milieu hippique, qu’il s’agisse des professionnels ou des joueurs. Le gouvernement s’est engagé à faciliter la reconversion des 350 employés du STC, et va aider à la maintenant et à l’exportation des 700 chevaux résidant encore sur le terrain. Mais pour le moment, rien n’est prévu pour les jockeys et le personnel d’entretien et d’entrainement des chevaux.
Il est vrai que l’assistance a fortement décru depuis le début du siècle. Entre 2010 et 2019, Elle est passé en moyenne de 11.000 à 6.000 par course. La pandémie n’a bien sûr rien arrangé : en avril 2022, il n’y avait plus que 2600 spectateurs par course. Le montant des paris a aussi diminué de moitié depuis l’ouverture des casinos de Singapour et les possibilités de parier sur d’autres sports (football notamment). Notons que les accrocs pourront toujours continuer à parier, mais sur des courses se déroulant à l’étranger via Singapore Pools.
La dernière course aura lieu le 5 octobre 2024. Il est donc encore temps de passer une après-midi de détente à découvrir ce lieu plein de nostalgie et, pourquoi pas, parier (avec modération) pour partager la fièvre des spectateurs lorsque les chevaux s’élancent. Pour plus d’information sur les calendriers des courses et les autres activités, cliquez ici.
Sur le même sujet
