

Alors qu’en France le sujet de la réforme des retraites fait débat, un sujet connexe apparait maintenant: la valeur du travail. Dans ce contexte il est intéressant de mettre également en lumière les Entreprises des Français de l’Etranger ou EFE, entreprises crées par des Français vivant à l'étranger et sans lien avec une maison mère en France. Entretien avec Frédéric Guiral de Haas, Conseiller du Commerce Extérieur (CCE) en Asie depuis 23 ans.
Maintenant rattaché au comité Japon des CCEs, Frédéric Guiral de Haas a notamment été Président du comité CCE Hong Kong. Il dirige une “EFE” (Entreprise Française de l’Etranger) dans le domaine de la mode.
En quoi les EFE sont-elles différentes des autres entreprises françaises que l’on retrouve aux quatre coins du monde ?
Les EFE ne sont pas différentes. Elles font partie de l’environnement du commerce français à l’international. Elles sont une partie intégrante des communautés françaises que l’on retrouve à travers le monde. Leur spécificité est d’avoir été créées localement par des Français, bien souvent résidents de long terme, qui ont eux-mêmes souvent travaillé pour des entreprises françaises ou sont d’anciens coopérants.
Ces entreprises développent un écosystème légèrement différent de celui des filiales des grands groupes. Là où les filiales vont travailler principalement à développer le business de leur groupe, ces EFE vont souvent participer au développement d’un écosystème local très français.
Un très bon exemple est la «French Tech», écosystème efficace très souvent constitué en grande partie d’EFE à travers le monde.
En quoi les EFE ont-elles un intérêt particulier ?
Les entrepreneurs qui ont créé leur propre société vont développer des flux d’affaires entre la France et leur pays d’attache. Bien évidemment localement et régionalement aussi. Ils participent ainsi au développement d’un soft Power à la française en offrant des services qui sont bien souvent « signés France », car les EFE sont avant tout des entrepreneurs français qui sont l’image même de la France à l’international qu’ils le veuillent ou non.
On estime entre 130.000 et 170.000 le nombre d’EFE à travers le monde. Si vous prenez une moyenne basse de deux ou trois salariés français travaillant pour les EFE, on arrive facilement à 500.000 Français qui travaillent pour des EFE à travers le monde, c’est un chiffre considérable !
C’est aussi un vecteur de flux extrêmement important entre la France et l’international, puisque ces Français très souvent investissent en France, achètent de l’immobilier en France, renvoient de l’argent en France et bien évidemment, consomment français.
Au-delà de ces considérations individuelles, il y a bien entendu de nouveau la représentation de l’image française. Un restaurant français, un magasin français, un distributeur français de produits de consommation courants français sont autant de vecteurs de développement de l’image de la France à l’international.
Nous avons 120.000 entreprises françaises, basées en France exportatrices là où les Italiens en ont 300.000 ! On commence néanmoins à comprendre que les EFE font partie du réseau des entreprises exportatrices françaises, qu’il faut les comptabiliser comme telles. Tout comme nous commençons à comprendre que, dans le commerce extérieur français, il faut intégrer les chiffres générés par les filiales de sociétés françaises à l’étranger.
Vous avez récemment écrit un article intitulé : « l’intérêt des CCEs ». Est ce que cet intérêt est mis en cause ?
Les CCes sont bien mal connus. Pourtant ils sont présents dans toutes les communautés françaises à l’étranger.
Ils travaillent dans le cadre de ce que l’on appelle la « Team France », aux côtés des chambres de commerce, des services économiques et de Business France. Les CCEs font partie du dispositif français d’aide au développement du commerce extérieur. Il complète utilement l’action des chambres de commerce et des associations locales. Les CCEs ont le grand avantage d’être des professionnels indépendants et bénévoles qui disposent d’un réseau de près de 4.000 membres nommés par décret du Premier Ministre à travers le monde.
Les CCEs sont bénévoles. De ce fait, c’est un réseau unique dans le sens qu’il n’y en a pas d’équivalent. Un réseau qui permet à chaque CCE de pouvoir contacter un autre CCE à travers le monde. Si un CCE du Gabon est amené à se rendre en Chine et souhaite mieux appréhender le monde des affaires chinois, il pourra discuter sans filtre avec un CCE basé en Chine. Là où les Chambre de Commerce mènent des actions très efficaces localement, les CCEs peuvent travailler à travers le monde puisqu’il y à des comités dans plus de 150 pays à travers le monde.
Les associations - affaires ou sociales - locales sont aussi très efficaces. Mais elles sont par définition locales.
Dans le cadre du travail autour des EFE, les CCEs sont en pointes. Ils ne sont pas seuls. Nous travaillons avec CCI international et certains Sénateurs des Français de l’Etranger qui sont très moteurs.
Pour quels résultats concrètement ?
Nous - CCE - avons développé un groupe d’expertise depuis deux ans. C’est bien sûr un sujet qui préoccupe les CCEs depuis bien longtemps. J’avais moi-même créé la commission PME de la chambre de commerce à Hong Kong il y a plus de 20 ans. Autour de la table nous retrouvions ce que nous appelions des PMEs mais qui étaient déjà des EFE. C’est-à-dire des entrepreneurs ayant créé des sociétés dans leur pays d’implantation.
Ce groupe d’expertise EFE, créé au sein du CNCCEF, a déjà produit des résultats tangibles et très efficaces.
Notamment par la création de la société EFE International en France. C’est une co-entreprise entre les CCEs et CCI Intl. EFE INTL permet maintenant le portage de VIEs pour des entreprises françaises enregistrées à l’étranger sans lien juridique avec la France (EFE). Nous avons 23 EFE membres et 20 VIEs en poste. Après à peine un an d’activité !
Nous travaillons sur un volet financement et notamment la création d’un fonds d’investissement. Ceci permettra d’aider au développement des EFE à travers le monde et d’avoir accès à du capital. Des solutions qui aideront les EFE pour des montants entre 25.000 et 500.000 €.
Quelles sont les prochaines étapes ?
Il existe de nombreuses associations locales qui regroupent les EFE de façon formelle ou non. Souvent sectorielles.
Nous nous attelons avec les partenaires concernés à la création d’un Label ou d’une Fédération des EFE. Sans attache, sans engagement mais en espérant ainsi pouvoir faire bénéficier les PMEs implantées en France des relais formidables à leur développement international que ces acteurs locaux et français peuvent offrir.
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