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Coup de projecteur sur Mathilde Bagein "Les paillettes dans les yeux jeune, ça aide"

Mathilde BageinMathilde Bagein
@ Xavier Keutsch
Écrit par Laurence Huret
Publié le 16 mai 2023, mis à jour le 17 mai 2023

Nous sommes allés à la rencontre de Mathilde Bagein, bien connue sur la scène théâtrale francophone de Singapour. Cette talentueuse comédienne, professeure d'arts dramatiques et metteuse en scène considère les arts de la scène comme un moyen de partage, de rassemblement et d'éveil. Sa dernière adaptation moderne et audacieuse de la célèbre pièce de Pierre Corneille, "  L'Illusion Comique " sera jouée du 25 au 28 mai à l’Alliance Française.

 

Vous êtes originaire des Hauts de France, installée à Singapour depuis 2015. Qu’est ce qui vous a amenée à faire du théâtre ? Est-ce une histoire familiale ?

Née et élevée dans les Hauts de France, je suis passionnée de théâtre depuis mon plus jeune âge. Ma maman et mon papa sont tous les deux musiciens. Ils se sont rencontrés grâce à la musique. Maman a quitté son emploi quand ma dernière sœur est née. Elle s’est reconvertie pour devenir clown à l’hôpital avec les Clowns de l’espoir, dont elle est maintenant directrice artistique. Cela m’a donné pas mal de contacts dans le milieu. J’ai deux sœurs. Ma plus jeune sœur est musicienne, elle fait du hautbois et est inscrite au conservataire de Bâle. Celle du milieu a un diplôme d’ingénieur en agro pour aider au développement agro alimentaire avec des pays du tiers monde. Elle fait cette année un tour du monde, elle est au Chili actuellement.

 

J’ai pour ma part étudié la littérature théâtrale à l'Université d'Artois et j’ai été admise au Conservatoire de Lille où j’ai suivi une formation de comédienne. Ce double cursus m’a permis de me spécialiser dans les arts du masque, de la conception, de l'improvisation, du clown et de la mise en scène. A l’époque, j’avais des copains avec lesquels on se produisait dans des festivals à Paris, à Bruxelles, à Berlin. Cela m’a permis de rencontrer très tôt des artistes internationaux.

 

Mathilde Bagein
A la table de maquillage @ Xavier Keutsch 

 

Et comment passe-t-on de Lille à Singapour ?

J’étais poussée par l'envie de découvrir comment le théâtre est pratiqué dans d'autres cultures. J’avais envie d’aller voir ailleurs comment ça se passait. Avant d’arriver à Singapour, j’ai fait un voyage à New York. J’ai participé à des ateliers internationaux de théâtre à Berlin, à Rotterdam et à une formation intensive d'un mois en Suzuki et Viewpoints training par la compagnie SITI à Paris. Jouer en anglais a été pour moi une révélation ! On est moins attaché au texte,  davantage à la relation des personnages.  En sortant du conservatoire, on respecte le texte... En anglais, le texte c’est de la matière, on la tire, on en fait ce que l’on veut, c’est un outil qui va vous servir sur scène. Cette approche m’a semblé révolutionnaire !

 

Lors de ces stages j’ai entendu parler de l’Institut Interculturel de Théâtre (ITI) à Singapour. J’ai passé une audition à Paris pour intégrer cette école singapourienne. L’audition a duré 3 heures, en groupe, avec des professeurs qui étaient là pour nous expliquer, nous guider, qui s’intéressaient à nous, à ce que nous avions à proposer. L’ITI promeut les arts traditionnels du Japon, d’Indonésie, d’Inde, de Chine, tout en les mettant en écho avec des mises en scènes contemporaines et des créateurs contemporains. Je trouvais le parti pris hyper intéressant. Afin d'approfondir mes recherches sur les origines du théâtre et d'aller à la rencontre d'autres cultures, j’ai donc intégré l’ITI à Singapour en 2015 durant trois ans. J’étais la seule Française, nous étions une dizaine d’élèves. C’était du commitment à 100%, 24h sur 24, 7 jours sur 7.

 

Mathilde Bagein kayac
Echappée belle en kayak @ Mathilde Bagein

Comment avez-vous pris la décision de rester ensuite à Singapour ?

Je suis restée à Singapour car j’y ai rencontré mon mari ! Grâce au kayak qui est ma deuxième passion de jeunesse. J’avais vu passer sur Facebook un message de Xavier Keutch qui cherchait des pagayeurs francophones. Ensemble, on a fondé une équipe française. Avec ce club, j’ai pu faire des compétitions en dragon boat notamment les championnats en Hongrie, et les championnats du monde de kayak en France à Quibron pour représenter Singapour. C’était génial ! A priori je retourne cette année aux championnats du monde à Perth.

 

En 2018, je me suis mariée ! Et j’ai obtenu mon diplôme à l’ITI ! Grâce à cette formation, j’ai fait mes débuts sur la scène singapourienne dans des productions telles que " Lysistrata ", " Leakages and Anticoagulants ", " Our Town ", " Between the shoe and the woman who wore it  ". Je suis devenue professeur d'art dramatique et de performance à temps plein pour l'école des arts Center Stage, avec de chouettes  opportunités. J’ai fait partie de projets anglophones, je suis allée voir des écoles internationales. J’y ai découvert de nouvelles méthodes de jeu et j’ai développé ma propre approche de l'art.

 

C’est aussi l’époque où je me suis rapprochée de The Theatre Factory, où j’ai rencontré Sophie Bendel, Emilie Borrel, où j’ai commencé à travailler en français. J’ai commencé avec TTF en tant que comédienne. J’ai trouvé que la troupe était très sympa, avec des gens hyper motivés pour faire des choses ensemble, ce qui pour moi est la base du travail ! Peu à peu, j’ai commencé à faire des mises en scènes. En tant que directrice, j’ai notamment travaillé sur " Art " de Yasmina Reza, " Cuisine et Dépendances " de Jean-Pierre Bacri et Agnès Jaoui, " Couple Ouvert à Deux Battants " de Dario Fo, et " Hard Copy " d'Isabelle Sorente. J’ai également joué dans " Du Vent dans les Branches " de Sassafras de René Obaldia, " Un temps de chien " de Brigitte Buc. En 2022, j’ai mis en scène trois nouvelles productions pour The Theatre Factory, " Les précieuses ridicules " de Molière, " Et avec sa queue il frappe " de Thomas Gunzig, " Huit Femmes " d’après le texte de Robert Thomas.

 

Huit femmes - Mathilde Bagein
" Huit Femmes " @ Xavier Keutsch 

Comment choisissez-vous vos pièces ?

Au gré des envies… des pièces qui parlent d’un sujet de société intéressant à mettre en scène à Singapour, ou alors des pièces qui rappellent quelque chose à notre public, mais à qui on va essayer d’apporter une touche de surprise.  Par exemple, avec la pièce "Huit Femmes" qui a été portée au cinéma, j’ai essayé de proposer une mise en scène complètement différente du film.

 

Ce que j’aime beaucoup en ce moment, ce qui me botte, ce sont les classiques revisités, comme "Les précieuses ridicules" qui a plutôt bien marché. Nous sortions tout juste de la Covid. Il y avait besoin de faire la fête, de se réjouir, de se retrouver. Il fallait mettre un maximum de paillettes et de plumes, de la musique à fond. Pour " L’illusion comique ",  il y a encore un peu de ça. Il y a de la fête, mais on va davantage raconter une histoire, avec un début et une fin. On essaie de partir sur de l’imaginaire, de quelque chose d’un peu plus magique.

 

Comment choisissez-vous vos acteurs ?

Ce sont des auditions ouvertes. Qui se sent ? Qui a envie ? Et surtout, qui est disponible ? C’est ma première demande. Une pièce, c’est trois mois de répétitions avec un mois et demi de répétitions intenses où l’on se voit trois fois par semaine. Pour un soir de magie, il faut beaucoup de travail ! Mon deuxième critère, c’est l’enthousiasme et le background, l’expérience théâtrale et une base technique : Savoir se positionner sur scène ; la voix posée qui arrive à porter ; savoir recevoir un feedback ; pouvoir l’adapter, l’intégrer ; savoir apprendre son texte rapidement…

 

Mais il m’arrive aussi de former sur le tas des personnes, de leur donner des outils au fur et à mesure. Le but est de donner la chance à des amateurs de monter sur scène, tout en visant le semi-professionnel avec des ambitions pour les comédiens, pour la mise en scène, pour les lumières… D’une pièce à l’autre, le choix de mes comédiens varie beaucoup, j’essaie d’avoir à chaque fois au moins une personne qui n’a pas encore travaillé avec moi.

 

Mathilde Bagein
Dans la salle de cours @ Julie Carminatif

 

Comment vous organisez-vous ?

J’essaie de faire deux gros spectacles par an à l’Alliance française, afin de créer un rendez-vous avec la communauté francophone, généralement la première semaine de décembre et la première semaine de juin. Et parallèlement, j’essaie de proposer de plus petits spectacles. J’ai un studio à Little India où je propose des cours de théâtre, ou des Seul en scène, comme pour " Et avec sa queue, il frappa ", ou " Art " que l’on va refaire là bas en octobre. Des petits spectacles d’improvisation. Du stand up.

 

Avec Center Stage j’étais à temps plein jusque juin l’année dernière. C’est là que j’ai rencontré Arnaud Pierre fondateur de Stage Hereos qui proposait des cours pour francophones. Lorsqu’il a quitté Singapour, il m’a proposé de reprendre son activité. J’ai hésité, puis je je me suis dit : « Si je ne dis pas oui maintenant, je ne dirais jamais oui. Alors banco, on tente ! » J’ai réussi à négocier avec Center Stage de garder quelques heures avec eux, et je suis devenue directrice artistique de La Fabrique du Théâtre en 2019. Je donne des cours en français pour adultes, des cours de théâtre  le lundi soir, des cours d’improvisation le mardi soir, des cours pour les jeunes à Little India, et des cours avec le lycée français et à la Petite école.

 

Mathilde Bagein
" Les précieuses ridicules " @ Xavier Keutsch 

 

Envisagez-vous de faire tourner vos spectacles en Asie ?

Absolument ! En 2018, c’était déjà mon ambition quand j’avais repris " Art " avec trois comédiens, mais après il y a eu la Covid. Pour faire tourner une pièce en Asie, il faut peu de personnes, peu de décors. J’appelle ça du théâtre de poche. Mais il faut trouver le bon créneau, la disponibilité des comédiens qui ont tous un travail par ailleurs.

 

Je suis en contact avec d’autres troupes en Asie, avec des troupes d’improvisation principalement. J’ai quelques contacts avec des troupes de théâtre à Hong Kong, mais leur communauté est en renouvellement. A Bali également avec Jean René Gossart.

 

Quelle est votre feuille de route pour l’avenir ?

De base je suis comédienne, pas metteur en scène, même si j’adore mon métier de metteur en scène. J’ai pris le risque sur " Les précieuses ridicules " de monter sur scène, en me disant égoïstement « Si Molière a pu le faire, pourquoi pas moi ?! », car je savais que j’avais une équipe derrière très compétente, disponible, pour donner un œil extérieur. Malheureusement en raison des départs, cette équipe est moins solide maintenant, donc cette année je ne peux pas me permettre de monter sur scène. Mais j’ai deux ou trois textes de Seul en scène, qui m’intéressent et qui pourraient me permettre de remonter sur scène...

 

A Singapour c’est très compliqué de se projeter sur le long terme. Pour l’instant, j’ai l’impression d’avoir trouvé un rythme qui fonctionne. Quels seraient mes projets d’avenir si je reste encore plusieurs années  à Singapour avec mon mari? Avoir une école de théâtre qui tourne avec plusieurs professeurs, proposer des séminaires, du team building, avec de l’improvisation en particulier qui permet de débloquer beaucoup de choses au niveau de la communication, avec du public speaking, sur la prise de confiance, les moyens de communication au sein d’une équipe, l’intégration d’un nouveau membre…

 

 

Liens : www.ttf.sg/ inscription à la newsletter ici : https://www.ttf.sg/nous-contacter

www.tte-sg.com et https://iti.edu.sg/alumni/alumni-profiles/mathilde-bagein/

 

La team de pirogue française que Mathilde a aidé à fonder, mais dont elle ne fait plus partie : https://www.vaa-team-france.com/

Son equipe actuelle, sa discipline étant le surfski : https://www.singaporepaddleclub.com/

 

Réseaux sociaux :

TTF (The Theatre Factory - pour les spectacles) : https://www.facebook.com/thetheatrefactorysocietysingapore

TTE (The Theatre Ensemble - pour les cours) : https://www.facebook.com/thetheatreensemble

L'équipe d'improvisation : https://www.instagram.com/fccimpro/

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