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JUGAADDICT – Quand 3 jeunes diplômés d’AgroParisTech rêvent de « faire plus avec moins »

Écrit par Lepetitjournal Singapour
Publié le 9 juin 2015, mis à jour le 9 juin 2015

Partir pendant 10 mois, dans 10 pays, à la rencontre de ceux qui, en partant de presque rien, trouvent des solutions ingénieuses aux  problèmes auxquels ils sont confrontés. Dans un secteur comme celui de l'alimentation, où les défis sont gigantesques, les trois porteurs du projet jugaaddict sont convaincus que ce type de solutions représente un potentiel. Etienne David nous a confié comment ils vont s'y prendre pour transmettre ce qu'ils auront découvert dans les pays visités.

Etienne David, Eloi Bitterlin et Thomas Gibert qui vient de les rejoindre, ne manquent pas d'ambition. A peine leurs études terminées, ils se lancent dans un voyage « entrepreneurial, social et solidaire ».

Un projet qu'on pourrait croire démesuré, tant il implique de facettes différentes. Mais les intéressés sont conscients des tâches à accomplir, solides, passionnés et déterminés. Une visite de leur site web jugaaddict.com*, permet de se convaincre de la passion qui les anime, mais aussi du professionnalisme avec lequel ils ont préparé leur projet et envisagent de rendre compte de ce qu'ils vont découvrir.

Etienne David réalise actuellement son stage de fin d'études à Singapour, dans un laboratoire du CNRS ? IPAL (Imaging and Pervasive access lab), en collaboration avec l'institut de bio-informatique. Etudiant en dernière année d'un double diplôme AgroParisTech et un master Math Informatique orienté en Data Mining à Dauphine, il s'est orienté vers l'exploitation de techniques issues de l'intelligence artificielle en biologie et travaille sur le traitement automatique d'images pour aider les biologistes à repérer les cellules dans des images vidéos.

jugaaddict
Que signifie Jugaad ?
Etienne David ? « Jugaad » est un mot Hindi qui pourrait se traduire par "débrouillardise  c'est à dire l'innovation avec le minimum de ressources. Le nom de notre projet fait référence à un concept, popularisé par Navi Radjou dans son livre « L'innovation frugale, comment faire plus avec moins». La jugaad innovation, que l'on traduit en français par innovation frugale, met en avant les innovations, économes en ressource, réalisées par des acteurs de terrain confrontés à des conditions difficiles, voire hostiles

Quelle est la nature de votre projet?
- Notre projet est de partir 10 mois (de Novembre 2015 à Septembre 2016), dans 10 pays, à la rencontre des entrepreneurs locaux pour étudier la chaine de valeur de l'ensemble de la filière alimentaire; « de la fourche à la fourchette ». Notre champ d'études porte sur les 3 étapes de la chaine alimentaire : l'agriculture, la transformation, la distribution.

Ce qui nous intéresse ce sont ces solutions qui sont imaginées par des individus localement pour résoudre astucieusement un problème concret ; à l'opposé de celles conçues par des spécialistes en laboratoire qui peuvent être éloignés des réalités du terrain. Certaines de ces solutions peuvent ensuite être déployées à plus grande échelle, voire transposées dans d'autres secteurs d'activités.

En Inde par exemple, où les denrées alimentaires sont rapidement altérées dans les périodes de forte chaleur, un potier a conçu un « frigo en argile** qui maintient naturellement au frais les aliments sans apport d'énergie électrique. Son innovation a d'abord été faite pour aider les agriculteurs de son village. Aujourd'hui, ses « frigos en poterie » sont produits de manière industrielle.

Concrètement, comment envisagez-vous cette exploration ?
- L'itinéraire est aujourd'hui établi : Sénégal, Afrique du Sud, Madagascar, Kenya et Éthiopie, Inde, Birmanie, Cambodge, Vietnam, Philippines, Chine. Notre objectif est de passer un mois dans chaque pays : le temps de s'immerger en profondeur auprès de un ou deux entrepreneurs locaux. Nous profiterons de cet échange de connaissances pour créer un réseau d'entrepreneurs dans les pays visités. A cet égard, si parmi les lecteurs du site lepetitjournal.com, certains connaissent des entrepreneurs locaux dans la région Asie du Sud Est autour de l'innovation alimentaire, nous serons ravis qu'ils nous contactent pour nous suggérer de les rencontrer.  

Sur place, nous comptons réaliser une étude de la valeur des innovations en utilisant une méthodologie issue de notre formation d'ingénieur. D'un point de vue plus grand public, notre intention est aussi de faire connaître les innovations en question au travers d'études de cas et de reportages vidéo que nous diffuserons sur internet

Comment comptez-vous exploiter ce que vous allez découvrir ?
- Nous travaillons en relation étroite avec la chaire d'innovation frugale d'AgroParisTech avec le support de laquelle nous comptons produire un matériau éducatif. L'un de nos objectifs est aussi de favoriser la création d'un réseau innovations jugaad et d'alimenter une base de données qui permettra aux intéressés d'échanger sur les solutions mises en ?uvre et les manières de les exploiter, soit à l'international, soit sur d'autres problèmes.

Nous sommes aussi en relation avec plusieurs ONG, parmi lesquelles ASHOKA, spécialisée dans le soutien à l'entrepreneuriat social et solidaire.

Vis à vis des entreprises partenaires, susceptibles de financer le projet, nous proposons de rendre compte de ce que nous verrons sur place dans le cadre d'analyses de cas plus approfondies et d'éventuelles études de marché complémentaires. Nous proposons aussi, à l'issue du voyage, de partager notre expérience sous forme de témoignage et d'échange d'idées dans le cadre de séminaires internes.

Où en êtes-vous de la recherche de partenaires ?
- Elle est en cours. Les entreprises intéressées par notre projet peuvent nous contacter. Nous serons ravis de leur présenter jugaaddict et d'envisager avec elle comment nous pouvons construire un partenariat de qualité.

?Comment ce tour du monde s'inscrit-il par rapport à vos projets professionnels à moyen terme?  
- Pour moi, il s'agit de découvrir les problématiques rencontrées par les pays émergents en allant sur le terrain. Je reviendrai sans doute ensuite en France, ou pourquoi pas à Singapour, pour travailler dans le domaine de la recherche sur certaines des problématiques identifiées, sur lesquelles mes compétences, notamment en sciences des données, peuvent avoir un impact, toujours en ayant le "Jugaad" à l'esprit.

Cet avenir, vous l'envisagez plutôt dans un laboratoire de recherche ou dans une start up ?
- Je suis très attiré par l'univers des start-ups mais je considère que les compétences requises pour travailler dans le secteur qui m'intéresse m'imposeront probablement de passer d'abord par la réalisation d'une thèse. Mon ambition serait de pouvoir combiner une thèse avec la création d'une start-up, d'une manière ou d'une autre.

En dehors des pays émergents, la France elle-même constitue un terrain de jeu incroyable pour l'innovation frugale.  Certaines innovations frugales peuvent être inventées ou transposées en France pour apporter une réponse à des problématiques très concrètes,  à l'instar du compte nickel mis en place, via le réseau des bureaux de tabac, qui permet aux personnes qui n'ont plus accès à la banque traditionnelle d'avoir l'équivalent d'un compte bancaire, une carte?

Propos recueillis par Bertrand Fouquoire (www.lepetitjournal.com/singapour) mercredi 10 juin 2015

* Site du projet: jugaadict.com

** iFrigo 100% en argile (mitticool) conçu par Mansukh Prapati
 

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Publié le 9 juin 2015, mis à jour le 9 juin 2015

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