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CHRISTOPHE GRILO - Pâtissier et boulanger

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Christophe Grilo, patissier et boulanger à Singapour
Écrit par Michèle Thorel
Publié le 17 janvier 2019, mis à jour le 29 janvier 2019

Vous ne le trouverez pas sur Orchard Road, ni dans un mall. Vous ne verrez jamais son nom. Pourtant, le créateur, en 2014, de BAO, Bakery Artisanal Original fabrique ce qui nous fait tous craquer: le pain et la ribambelle de brioches qui auréolent la gastronomie occidentale.

LPJ – Vous êtes aujourd’hui, à 38 ans, le boulanger “haut de gamme” des meilleures tables de Singapour. Comment est survenu le déclic?

Christophe Grilo – Tout vient de la lassitude  que j’ai éprouvé à l’égard de l’enseignement classique. Bon élève en troisième, je choisis pourtant une filière pratique : BEP puis CAP de cuisinier ; par besoin de concret, de faire de vraies choses. A 18 ans, je fais mon service militaire : j’aide évidemment en cuisine et je découvre la pâtisserie. J’adhère au côté précis, méticuleux, délicat… au côté Artisan pur, avec un grand A. Et ce n’était pas la panacée en caserne, croyez-moi! Mais le déclic, comme vous dites, vient de là.

LPJ – Déclic puissant puisqu’il vous permet de partir découvrir le monde. En commençant par un petit paradis sur terre : la Corse, immédiatement dans un étoilé. Vous êtes né sous une bonne étoile, vous aussi, non?

CG – Ha ! ha! J’aimerais y croire! J’ai répondu à une annonce. Le Belvédère de Porto Vecchio recherchait d’urgence un commis en patisserie. Ils m’ont pris. Je suis parti en 2 jours. En arrivant j’étais émerveillé. C’était le coin de France le plus sublime que j’ai jamais visité. Le Chef Bernard Bach m’a pris sous son aile. Naturellement, je l’ai suivi dans le Gers, 3 ans plus tard, en tant que chef Pâtissier, lorsqu’il est parti ouvrir son restaurant gastronomique Le Puits Saint Jacques à Pujaudran. Il a été formidable avec moi. Il m’a envoyé en stage chez de grands pros, MOF (Meilleur ouvrier de France) et finalement au Jardin des Sens à Montpellier, où je suis resté 4 ans.

LPJ – André Chang, Christophe Lerouy et vous : ensemble dans la brigade des frères Pourcel de 2001 à 2005. Vous naviguez parmi les grands! Vous vouliez donc faire du fine dining depuis toujours?

CG – En fait, oui. Je voulais exceller dans mon domaine. Je voulais apprendre le meilleur. C’est naturel quand on aime vraiment quelque chose : on ne peut pas être négligent ou se contenter du minimum. On aspire à se former davantage, à pousser ses limites, à jouer dans la cour des grands.

LPJ – La liste est longue des “grands noms” qui vous ont embauché et fait voyager partout! Racontez-nous…

CG – En 2010, à l’occasion de l’exposition universelle à Shanghai, j’ai travaillé sur le pavillon français tenu par les frères Pourcel : de la haute gastronomie, sur la base de 6 mois à 1000 couverts par jour pendant 6mois. J’ai ensuite fait l’ouverture de Sens et Saveur, l’étoilé des frères Pourcel à Tokyo, puis travaillé chez Spoon d’Alain Ducasse à Hong Kong et au Grand Lisboa à Macao.  Je suis arrivé à Singapour en 2009. J’ai travaillé comme chef Pâtissier au Hilton sur Orchard, puis aux Amis où je faisais aussi le pain et les viennoiseries. Au sein du groupe Les Amis,  j’ai eu le privilège d’ouvrir les 6 boutiques pâtisseries Le Cannelé, lesquelles ont malheureusement fermé en 2010 en raison des contraintes immobilières et de l’immaturité du marché.

LPJ – Le marché est-il mûr aujourd’hui pour la vente en boutique de pâtisserie fine à Singapour?

CG – Non. Pas de façon profitable. Les Singapouriens prêts à dépenser 8 à 9 dollars pour une pâtisserie sont rares. On ne peut pas compter exclusivement sur la clientèle expatriée. Les Singapouriens s’ouvrent sur la gastronomie internationale mais ils ont du mal à se détacher des standards anglo-saxons pour la pâtisserie. Il y a 4 desserts de base à Singapour : le short cake, le cheese cake, le Tiramisu et le lava-cake - ou le “sponge” avec mousse au chocolat. Les Singapouriens n’achètent rien d’autre. Les tartes, par exemple, ne présentent aucun intérêt pour eux. C’est bizarre car, par ailleurs, les chocolats, les restaurants et les vins de qualité marchent bien. Mais ce n’est pas encore le cas de la pâtisserie.

LPJ – le 1er juillet 2013, vous vous mettez à votre compte. Quelle évolution !

CG – J’ai d’abord ouvert une minuscule pâtisserie boulangerie à Lavender avec un budget minuscule. Nous sommes partis la fleur au fusil. C’était de la Folie furieuse. Je faisais tout : les commandes, la fabrication, les livraisons, l’administration, leménage…. Je travaillais 18h par jour, de 19h à 13h le lendemain. C’était dur, mais c’était mon affaire. On a ainsi vivoté pendant 6 mois, sans jamais réussir à décoller. Lors de mon passage aux Amis en boulangerie (nous fabriquions pour quelques confrères restaurateurs), j’avais noué d’excellents contacts avec une dizaine de chefs dont Julien Royer qui était chez Jaan en 2013-2014. Ils me demandaient régulièrement quelques articles-phares : 5 types de pain et 5 viennoiseries.  J’ai réalisé que j’aimais cet univers et que personne ne faisait ça à Singapour pour les restaurants : du pain de boulanger, traditionnel. J’ai ouvert BAO, Bakery Artisanal Original, fin 2014 avec 2 salariés; nous sommes 22 aujourd’hui dont 20 singapouriens que j’ai intégralement formés. J’en suis fier. Ils sont excellents. Nous fabriquons et livrons 7 jours sur 7. J’ai pris 10 jours de vacances en 5 ans… C’est un business qui exige une présence permanente.

LPJ – Que fabrique BAO exactement ?

CG –Essentiellement du Pain de toutes sortes, des viennoiseries et des macarons. Occasionnellement, je peux faire des tourtes, tartes et autres préparations traiteur sur commande.  A Noël, je fais des Panettones… C’est mon péché mignon.

LPJ – Quel est le secret d’un excellent pain, d’un croissant fondant et croustillant?

CG -  Les étapes et le temps de repos. Il me faut 24 heures pour produire un pain de campagne : 6h de préparation de la pâte; 12h de repos au frigo à 7 degrés précisément. Le pain pousse “à retardement” et à froid. Pour les croissants, il ne faut pas lésiner sur le beurre et les multiples étapes de pliage et repos de la pâte. C’est un métier… C’est délicat un croissant.

LPJ – Quels sont vos clients ?

Odette; nous élaborons les recettes de concert avec chef Julien Royer. Il est extrèmement pointu et précis. Nous fabriquons pour eux mais ce sont leurs recettes exclusives. Jaan; Fleur de Sel; Gavroche; St Pierre; Cheek by Jowl; et Lerouy, excellent créatif français ouvert en novembre dernier… Jewel Coffee pour leurs 5 boutiques avec les viennoiseries….   Pour ne citer que les principaux.

LPJ – Votre plus grande satisfaction et… le futur ?

CG – Nous sommes une compagnie sereine. En 4 ans, l’équilibre financier est bon. Je cherche toujours à améliorer nos performances et l’efficacité logistique par exemple, le système de prise de commandes. J’aimerais envisager un futur à Singapour… mais le gouvernement a déjà refusé 4 fois de m’octroyer un PR (Permanent Resident pass), sans justification. Je suis un peu découragé.  A terme, je poursuivrai la pâtisserie en retournant sans doute un peu dans la cuisine traditionnelle au sens plus général. Je pense rester en Asie; je m’y sens bien. Ma femme est japonaise, mes enfants sont nés ici. Je n’ai aucune envie de retourner en France. Je reste ouvert. Le Japon m’attire…. même si mon souhait aujourd’hui est de pérenniser l’étape Singapour.  

 

smart mobility
Article publié dans le dossier "Smart Mobility"

du magazine Singapour n°12

publié par lepetitjournal.com/singapour

Rdv dans le magazine pour découvrir

une succulente recette de "tarte tatin"                                             

 

Michele
Publié le 17 janvier 2019, mis à jour le 29 janvier 2019

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