André Ruche – Mémoires d'un homme engagé au service de son pays

Publié le 23 février 2023, mis à jour le 24 février 2023

André Ruche, ancien Consul à Singapour, vient de publier ses mémoires « D'un quai à l'autre: Plongées profondes dans la Marine nationale et les secrets de l'action consulaire ». Engagé volontaire dans la Marine nationale dès l'âge de 15 ans, André Ruche embarqua à bord de différents navires, dont des sous-marins. Il quitta la Marine pour rentrer au Quai d'Orsay, où il fut successivement chiffreur puis agent de consulat, avant de finir sa carrière en 2022 en qualité de Consul à Singapour. Rares sont les consuls qui ont livré leurs mémoires. Cette fresque autobiographique, peinte sans langue de bois, avec coeur et passion, vous transporte très loin, vous invitant à découvrir des horizons multiples, hors sentiers battus.

Depuis vingt ans, j’ai le privilège de servir mes compatriotes en Asie en qualité d’élue de terrain. J’ai toujours eu à cœur d’exercer mes mandats en liaison étroite avec mes collègues malgré nos différentes sensibilités politiques, avec les Parlementaires des Français de l'étranger à Paris, mais aussi avec les services consulaires. Nous sommes sur le même bateau : celui d’accompagner, ensemble et au mieux, tous les Français dans leur expatriation.

J’ai rencontré pour la première fois André Ruche en 2003 durant l’épidémie de SARS lorsqu’il était Vice Consul à Canton et moi-même élue à Hong Kong pour représenter les Français d’Asie du Nord au CSFE. Nos routes se sont croisées de nouveau en 2018, lors de sa prise de fonction comme Consul à Singapour, moi-même étant élue sur place Conseillère des Français de l’étranger. Deux ans plus tard survenait la pandémie de Covid19. La vie des Français à l’étranger n’est pas toujours un long fleuve tranquille… Nos compatriotes ont beaucoup souffert durant cette période. Ils ont eu la chance d’avoir à la barre un diplomate compétent, pétri d’expérience, faisant preuve d’une grande empathie envers ses concitoyens. Au fil du temps, de nos réunions de travail, de nos discussions plus personnelles à bâtons rompus, nous sommes devenus très proches.

Directrice associée de Lepetitjournal.com, j’avais interviewé André Ruche lors de son arrivée à Singapour. Je lui avais notamment demandé comment il considérait son rôle de Consul : « Tout en étant diplomate, je continue à être un marin ! J’aime à penser que les Français de l’étranger sont sur un même bateau, ce peut être un bateau de croisière ou une galère… Le rôle du Consul est d’accompagner nos compatriotes et de les aider à avoir la mer la plus plate possible. Je considère mon équipe comme étant un équipage, avec des gens à la passerelle, des gens sur le pont, des gens à la machine, et nous sommes comme une grande chaîne, la solidité de la chaine dépendant de son maillon le plus faible. Depuis tout petit, je suis pétri de service public ! Mon père était lui-même officier dans l’armée française. Je pourrais être à la retraite depuis longtemps... J’ai plus de 47 ans de services publics, sans césure ! Mais j’ai besoin d’adrénaline, de rester au service de mon pays, c’est ce qui me fait avancer. En complément, j’ajouterai que mon rôle de Consul ne peut être mené à bien que grâce aux relais que sont les Conseillers des Français de l’étranger élus et aussi grâce à l’aide vitale que nous apportent, indirectement, les associations présentes à Singapour. Je voudrais les remercier ici, car leur action soulage vraiment l’action consulaire. » Tout était dit... La trame narrative de sa vie s'écrivait déjà en pointillés !

D'un quai à l'autre: Plongées profondes dans la Marine nationale et les secrets de l'action consulaire

Ces mémoires relatent le parcours d'un mousse âgé de quinze ans, radiotélégraphiste de la Marine nationale, qui nous fait plonger en sous-marins, embarquer dans la cale d'un navire-espion, connaître les fusiliers marins avant de partir en mission militaire et diplomatique en Arabie Saoudite. Puis, au ministère des Affaires étrangères, André Ruche nous fait partager sa vie d'agent du Chiffre en ambassade, au Quai d'Orsay et à Matignon. Le diplomate nous fait découvrir au fil de l'eau les coulisses d'un monde confidentiel, dont celui du Centre de Crise. Agent consulaire durant vingt ans, André Ruche nous dévoile aussi son étonnant métier au service des Français de l'Étranger au Cameroun, en Chine, en Russie, en Inde puis à Singapour où il a fini sa carrière en qualité de Consul.

« Le chemin parcouru invite au voyage et à l’altérité. Ce parcours que j’ai plaisir à partager avec vous, témoigne que chacun est maître de son destin, que la vie est faite de choix, de volonté et de travail. Il est un encouragement pour celles et ceux qui viennent de l’écurie, de la France d’en bas. S'ils le veulent, ils devraient un jour pouvoir pousser la porte du château. S'ils n'y parviennent pas, ce n'est pas bien grave, car comme aurait dit mon amie Laurence Peter en 1969 - une femme de principe - : Il vaut mieux être un bon pur-sang qu'un mauvais chevalier. Cet ouvrage est dédié à ma famille, à mes amis, et à toutes celles et ceux qui travaillent pour la Paix et le rayonnement de la France à travers le monde, qu’ils soient dans l’ombre ou en pleine lumière.»

« On dit parfois que tout homme est tiraillé entre deux besoins : le besoin de la pirogue, c’est à dire du voyage, de l’arrachement, y compris de l’arrachement à soi-même, et le besoin de l’arbre, c’est à dire de l’enracinement, de l’identité, du terroir. L’homme erre constamment entre ces deux appétits en cédant tantôt à l’un, tantôt à l’autre, jusqu’au jour où il comprend que c’est avec l’arbre qu’est faite sa pirogue. L’heure est venue de jeter l’ancre et de revenir à mes racines.

Durant ces nombreuses années de services, en mer ou sur terre, en passant d’un quai à l’autre, je me suis enrichi d’altérité, de relations humaines, de liens très privilégiés que j’ai essayé à mon tour de vous offrir avec générosité et émerveillement.

Toutes mes fonctions ont été passionnantes parce qu’elles ont embrassé de multiples dimensions telles que celles de la défense de notre Nation, de la diplomatie ou de la réalité sociale avec ses vérités quotidiennes aussi subtiles que plurielles, légères ou douloureuses. Ces fonctions n’ont eu de sens que pour les avoir fait exister comme une œuvre utile, juste, honorable. Le bonheur qui a été le mien tout au long de ce parcours, que j’ai eu plaisir à vous faire partager, est de n’avoir pas eu à dissocier ce que j’ai fait, ce en quoi j’ai cru et ce que je suis encore. Parvenu à la porte du château, j’aurai été un diplomate non pratiquant, un consul des champs resté rustique et stoïque, car telle est mon identité. En effet mon ADN est d’être un homme dans le monde, sans artifice ni arrogance, pas un homme du monde.

Enfin, très vite il m’est apparu avec clarté qu’être diplomate consistait à construire des ponts. Il existe des rives hélas trop lointaines que je ne pourrai jamais atteindre. D’ailleurs elles ont déjà le pouvoir magique de peupler mes rêves, au moment où les feuilles de l’existence commencent à tomber, tranquillement, paisiblement… »

Un témoignage rare qui fait du bien. Bonne lecture !