Rencontre avec André Ruche, pétri de service public, à la barre à Singapour après notamment Canton et Mumbai.
Pouvez-vous nous parler un peu de vous ? Quel est votre parcours ?
André Ruche : Je suis né en 1956, marié, et j’ai trois enfants. Je suis au service de mon pays depuis 1971, date à laquelle je suis entré au sein de la marine nationale où j’ai servi durant 18 ans. J’ai quitté la marine nationale en qualité d’officier marinier supérieur après avoir été affecté sur des bâtiments de surface, des sous-marins classiques, des sous-marins atomiques, des états-majors. J’ai ensuite rallié notre Ambassade à Riyad comme adjoint de l’Attaché de défense, avant de partir aux Affaires étrangères. J’ai servi au Gabon, au Cameroun, en Chine, en Russie, en Inde et maintenant à Singapour. Lors de mes affectations en administration centrale, j’ai tenu des postes très techniques. Mon métier premier était lié aux communications et télécommunications. J’ai également travaillé au Centre de crise, relais entre les ambassades et les administrations françaises pour tout ce qui touche à la sécurité des Français à l’étranger, que ce soit le jour, la nuit ou le week-end…
Comment considérez-vous votre rôle de Consul ?
Tout en étant diplomate, je continue à être un marin ! J’aime à penser que les Français de l’étranger sont sur un même bateau, ce peut être un bateau de croisière ou une galère… Le rôle du Consul est d’accompagner nos compatriotes et de les aider à avoir la mer la plus plate possible. Je considère mon équipe comme étant un équipage, avec des gens à la passerelle, des gens sur le pont, des gens à la machine, et nous sommes comme une grande chaîne, la solidité de la chaine dépendant de son maillon le plus faible. Depuis tout petit, je suis pétri de service public ! Mon père était lui-même officier dans l’armée française. Je pourrais être à la retraite depuis longtemps... J’ai plus de 47 ans de services publics, sans césure ! Mais j’ai besoin d’adrénaline, de rester au service de mon pays, c’est ce qui me fait avancer. En complément, j’ajouterai que mon rôle de Consul ne peut être mené à bien que grâce aux relais que sont les Conseillers consulaires élus et aussi grâce à l’aide vitale que nous apportent, indirectement, les associations présentes à Singapour que je voudrais remercier ici, car leur action soulage vraiment l’action consulaire.
A quoi ressemble la journée type d’un Consul ?
Une journée type ? Celle de hier par exemple. Le matin, lecture d’une quarantaine de courriels, suivi de la préparation d’une réunion hebdomadaire présidée par Monsieur l’Ambassadeur, ensuite déjeuner avec une élue. L’après-midi, préparation d’une visite pour aller voir un détenu français, puis réunion avec Mme Trichon, premier conseiller et officier de sécurité, sur la sécurité des Français dans le cadre de la préparation de notre calendrier lié à ces questions. Avec enfin, toutes les lettres administratives à signer, tout en gérant en parallèle les visas, les cas particuliers, de double nationalité, d’état civil. Et le soir, je suis allé à la soirée « Welcome » de notre Chambre de commerce (FCCS), dans le cœur même de l’action commerciale, économique et financière de nos entreprises, entouré de tous ces acteurs qui sont le poumon de notre économie française, de pair avec l’Ambassade, le Service économique régional, Business France et les Conseillers du commerce extérieur (les CCE). Voyez, une section consulaire dans une ambassade, c’est à la fois la mairie et la préfecture ! Chaque journée est différente, mais toujours bien chargée !
Avez-vous une anecdote à partager avec nos lecteurs ?
Celle qui me vient à l’esprit est le souvenir que je conserve, alors que je m’étais rendu dans la province du Fujian, en Chine, dans un hôpital déshérité où les médecins étaient des « médecins aux pieds nus ». J’y ai accompagné pendant 2 jours un compatriote homosexuel franco-américain, en phase terminale de Sida. Ses dernières paroles ont été « la vie est belle et il faut s’aimer »… Cette phrase me bouleverse, et me mobilise, toujours et encore, plus de 15 ans après.
La vie des Français à l’étranger n’est pas toujours un long fleuve tranquille. J’ai notamment en mémoire le SARS lorsque vous étiez en poste à Canton…
La sécurité des Français c’est le mantra du Consul. La première mission d’un Consul ce n’est pas de délivrer des visas, même si c’est absolument vital pour notre économie, le tourisme, le culturel etc. La première chose que l’on demande à un Consul, c’est de protéger sa communauté. Comment être le plus efficace pour protéger la communauté expatriée à Singapour et Brunei. J’ai vécu la crise sanitaire du SARS en devant à la fois expliquer aux populations les enjeux, tout en conservant mon uniforme de fonctionnaire. On peut être dans un double lien comme souvent dans notre métier de Consul. A l’époque, l’enjeu était d’informer les populations sans être anxiogène ni tomber dans le dramatique. C’est cet équilibre qui est dur à réaliser quand on est devant un phénomène qui n’est pas expliqué et que l’on a devant nous des mamans, des enfants, avec des conséquences sur l’emploi du mari, l’équilibre familial ou la scolarité par exemple. J’étais dans ma circonscription de Canton, l’usine de la Chine, avec des grands patrons qui se demandaient : qu’est ce qu’on fait ? On rentre ? On ne rentre pas ? La décision, je ne pouvais pas la prendre pour eux. Je ne donnais que des informations. Ce fut pour moi une expérience humaine, professionnelle, très intéressante.
Vous avez pris votre poste de Consul à Singapour le 26 août. Quel premier bilan tirez-vous de votre mission ?
Les enjeux de la communauté française sont exactement les mêmes que ceux de cette Ambassade. Je suis convaincu que chaque Français doit se considérer comme un ambassadeur de la France. Lorsqu’un fait divers apparaît dans les colonnes d’un media, on parle d’un Français, on ne donne pas nécessairement le nom de la personne. C’est le mot Français qui ressort. Nous sommes tous détenteurs de l’image de notre pays. Lors de la réunion de rentrée de l’Association des Français de Singapour (AFS), j’ai été frappé par la palette de compétences, de dynamisme, de vitamines, d’oxygène, et de talents que l’on peut trouver à Singapour. Lors de nos réunions avec M. l’Ambassadeur, nous parlons de haute technologie, d’innovation, de relations bilatérales, de projets à porter et d’axes d’améliorations. La communauté française à Singapour est vraiment le fer de lance de ce que peut proposer la France et nos entreprises dans toute la région en matière d’ingénierie, de « smart city », d’intelligences… Beaucoup de pays regardent ce que font les Français de Singapour. Il en va de l’image bien sûr à l’étranger mais aussi de notre emploi en France, de notre balance commerciale.
Le mot de la fin. Quel serait votre message à nos compatriotes à Singapour ?
N’hésitez pas à me saisir ! N’hésitez pas à consulter le site de l’Ambassade et nos réseaux sociaux. Vous y trouverez des informations intéressantes. N’hésitez pas, si vous voyagez, à consulter le site « Conseils aux voyageurs » aux voyageurs. N’hésitez pas pour toutes vos questions d’ordre administratif à nous interroger, à nous envoyer des courriels à moi-même ou aux membres de mon équipe, tous très motivés. Nous sommes un service public, nous sommes là pour vous servir. Et surtout, mesurez bien la chance que vous avez d’être à Singapour. Et profitez aussi de votre séjour pour vous ouvrir, ainsi que vos enfants, aux autres cultures, à l’altérité...