Palmiers, mangrove, eaux claires, l'ile de Semakau pourrait évoquer vacances et farniente. Mais ici, point de baignade possible, ni de resorts en vue ! Située à 8 km au sud de Singapour, après la raffinerie Shell, cette ile abrite depuis avril 1999 l'unique site d'enfouissement off-shore de déchets incinérés de la cité-Etat.
Comme toute grande ville, Singapour est confrontée à la croissance galopante des déchets à traiter, à recycler, à enfouir. Les chiffres, ici comme ailleurs, sont effrayants.
Dans les années 1970, les déchets ménagers de la cité-Etat étaient évalués à 1280 tonnes par jour. Ils représentaient en 2014 plus de 8000 tonnes. Aujourd'hui, l'ensemble des déchets ménagers, publics et d'entreprises représentent 20 000 tonnes par jour. D'après le National Environnement Agency, 60 % des déchets sont recyclés. Mais leur croissance ne s'arrête pas. Face à cet enjeu, Singapour essaie, comme beaucoup de mégapoles, d'innover et de créer de nouveaux sites. Sauf que Singapour n'a pas un territoire extensible ?
Pour éviter d'être submergé par les déchets, le gouvernement singapourien avait décidé dans les années 1970 d'incinérer ceux qui pouvaient l'être pour réduire de 90 % leurs volumes. Mais face à l'urbanisation croissante, il est apparu fin des années 80 que le seul site d'enfouissement de la cité-Etat à Lorong Halus n'allait pas suffire.
Création d'un site offshore
Limité dans son espace, Singapour regarde alors vers la mer et ses îles pour gagner en territoire. Dans cette logique, le gouvernement lance alors le projet de créer un site d'enfouissement off-shore en enfermant la mer entre 2 iles, Pulau Semakau et Pulau Sakeng. Cette dernière était encore habitée par 40 familles de pêcheurs au début du projet dans les années 90. Sur 350 hectares, le site d'enfouissement de Semakau est entièrement construit en mer. Jumelé avec un centre unique de collecte de déchets, le Tuas Marine Transfer, le projet a coûté 610 Million SGD. L'autre site d'enfouissement sur la terre ferme de la cité Etat a pu complètement fermer.
20 millions de m3 de sable
Construire en pleine mer un centre complet d'enfouissement a été un défi technique pour les ingénieurs. Il ne suffisait pas de remplir un trou de cendres ! Un mur de protection de 7km, doublé d'une membrane afin de préserver l'écosystème marin, a été construit autour du site : il a nécessité l'acheminement de 20 millions m3 de sable et de 2,5 millions de tonnes de pierres. Des cellules d'enfouissement ont été dessinées et des drains de protection posés pour pouvoir déposer les déchets incinérés en sécurité.
Un plan de préservation de la nature a été adopté, les bassins créés ont été vidés de leurs espèces vivantes et la mangrove déplacée. En cas d'urgence, des cellules « sèches » ont été construites pour pouvoir recevoir des déchets non traités à terre.
Trois barges par jour arrivent chargées de cendres et les déposent sur l'ile, des camions spécifiques les chargent et les déposent dans l'eau en montant sur des pontons stabilisés. A l'origine, le site, d'une capacité de 63 millions de m3, avait été divisé en 2 : 11 cellules représentaient la moitié des capacités de stockage.
Aujourd'hui, la 1ère phase du projet est achevée c'est-à-dire les cellules divisées ont été toutes remplies (cf. photo ci contre). La nature a repris ses droits : herbes et arbres repoussent. Un écosystème se crée sur les cendres.
Reste l'autre moitié à combler. Et après ? D'après la NEA, il resterait 15 ans avant que la dernière cellule soit comblée .
Reprise de notre article du lundi 18 avril 2016
de nouveaux articles dans notre Mag n°8 disponible sur ce lien : issu