La génération des jeunes femmes singapouriennes vit elle sa première vraie crise d'adolescence ? La disparition en 2015 de Lee Kuan Yew, figure tutélaire et structurante, père-fondateur de la Nation a marqué une étape fondamentale dans l'évolution de la cité-Etat et a généré des conséquences sur l'évolution des jeunes femmes de cette génération. Le point à partir de l'exemple de deux jeunes femmes, Tin Pei Ling et Janet Neo, qui font carrière, chacune dans leur domaine, sans complexe et avec détermination.
Qu'est-ce qui caractérise les jeunes singapouriennes aujourd'hui ? Même s'il est difficile de généraliser et d'envisager l'analyse d'une classe d'âge dans sa globalité, il est possible de dégager un certain nombre de traits communs: elles font, en général, de brillantes études universitaires, se marient tard (64,2% des femmes âgées de 25 à 29 ans (2014), font peu d'enfants (le taux de fécondité, 1,19 en 2015, est l'un des plus faibles au monde) et ont un style de vie qui accorde une large place à la consommation. Par rapport aux générations précédentes, elles évoluent dans une société plus individualiste et sont moins imprégnée des valeurs asiatiques traditionnelles. Elles ont la réputation d'être « gâtées », mais peut-on leur reprocher de profiter des acquis du passé ?
Tin Pei Ling, députée à 28 ans
Si toutes les jeunes Singapouriennes ne se reconnaissent pas forcément dans la personnalité de Tin Pei ling, elle est, à maints égards, représentative de sa génération : par sa détermination à faire carrière en politique comme par son style de vie. Cette ancienne associée d'Ernst & Young, qui vient d'être réélue au Parlement en 2015, était devenue, à 28 ans, la plus jeune députée, lorsqu'elle avait rejoint pour la première fois les bancs du Parlement en 2011.
Côté cour, celui de la carrière politique, Tin Pei Ling a démontré une forte volonté dans sa quête de réussite professionnelle. A l'image de beaucoup de jeunes femmes de sa génération, talentueuses et diplômées, cette diplômée de NUS a profité pleinement de l'éducation à la singapourienne, qui valorise l'excellence. Son ambition politique a pu s'exprimer d'autant mieux qu'elle n'a pas été perturbée par des questions relatives au genre. L'une des caractéristiques de Singapour est que les femmes, dès l'indépendance, y ont obtenu le droit de vote en même temps que les hommes. De ce fait elles ont eu une expérience sensiblement différente de celle des Européennes, pour qui l'obtention du droit de vote fut le résultat de luttes acharnées. La parité politique n'étant pas perçue comme une revendication essentielle, les jeunes femmes singapouriennes ne sont pas très sensibles à la sous-représentation des femmes au sein du pouvoir exécutif ou au Parlement. Cette sous-représentation au Parlement est d'ailleurs toute relative par comparaison à la moyenne mondiale et c'est d'ailleurs une femme, Halimah Yacob, qui en est actuellement à la tête. Tin Pei Ling, pour revenir à elle, est représentative des jeunes Singapouriennes par sa volonté de réussir dans la sphère publique - majoritairement masculine-, et dans la relation professionnelle décomplexée qu'elle entretient avec les hommes ; deux éléments qui sont la marque de cette jeune génération féminine.
Coté jardin, celui du style de vie, l'attirance de Tin Pei Ling pour les produits de luxe et les marques trendy, est une caractéristique qu'elle partage avec de nombreuses femmes de sa génération, même si les intéressées peuvent s'en défausser au point que la jeune députée a été parfois violemment critiquée sur les réseaux sociaux. Tin Pei Ling est aussi très présente sur la toile ; un aspect qui est une clef essentielle pour comprendre l'ouverture d'esprit des jeunes Singapouriennes. Rien ne peut être comme par le passé dès lors que l'on est constamment soumis à un flux d'informations de tous ordres.
Janet Neo, jeune talent de demain
Dans un autre domaine, celui de l'entreprise, c'est une autre jeune Singapourienne, Janet Neo, 32 ans, en charge du développement durable chez Fuji Xerox Asia Pacific, qui a été récemment distinguée. Lors de la dernière édition du Women's Forum à Deauville en 2015, en concurrence avec de nombreuses candidates triées sur le volet en provenance des quatre coins du monde, cette diplômée de NUS et de Stanford fut la seule jeune femme asiatique a être récompensée au titre des jeunes talents de demain.
Singapour fut donc mis à l'honneur grâce à sa jeune génération de femmes. Notons que Janet Neo brillante et célibataire représente magnifiquement toute cette jeune génération. Une crise d'adolescence pour cette jeunesse féminine ? Pas si terrible que cela en vérité !
Véronique Helft-Malz (www.lepetitjournal.com/singapour) mardi 4 octobre 2016
Reprise de l'article paru dans le magazine Singapour n°7 Une jeunesse Singapourienne. Numéro disponible gratuitement à Singapour dans les endroits référencés ICI et téléchargeable sur ISSUU.